: Vrai ou faux L'Agence française de développement "donne"-t-elle l'argent des contribuables "au monde entier", comme l'en accuse l'eurodéputée Reconquête Sarah Knafo ?
Cet établissement public obtient 85% de ses ressources en levant de l'argent sur les marchés. Le reste est financé par le budget de l'Etat et l'Union européenne. Il finance ensuite des projets liés au climat, à la paix, l'éducation ou encore la santé, principalement à l'étranger.
L'extrême droite française emboîte le pas à Elon Musk. Alors que l'homme d'affaires chargé par Donald Trump de diminuer les dépenses de l'Etat a annoncé la fermeture de l'Agence américaine de développement international, début février, l'eurodéputée Reconquête Sarah Knafo accuse l'Agence française de développement (AFD) de "gaspiller" l'argent des contribuables. Invitée sur CNews, lundi 17 février, l'élue du mouvement d'Eric Zemmour a critiqué plusieurs projets de l'agence. "J'avais parlé un jour du fait qu'on aidait la Chine, qu'on donnait 130 millions par an. On aide la plus grande puissance économique du monde à se développer (...) Alors que chez nous, on manque de tout", a-t-elle assuré. Evoquant ensuite des projets en Jordanie, en Algérie et dans la bande de Gaza, Sarah Knafo a déploré que l'AFD prenne de "l'argent dans la poche des Français" pour "l'envoyer au monde entier".
Le ministre délégué chargé de la Francophonie et des Partenariats Internationaux, Thani Mohamed-Soilihi, a rejeté sur X des "manipulations grossières". Tout comme Frédéric Petit, député MoDem des Français de l'étranger, qui a aussi dénoncé sur X une "pure manipulation". Alors, l'AFD donne-t-elle vraiment l'argent du contribuable à d'autres pays ?
Un budget essentiellement issu d'emprunts sur les marchés
L'Agence française de développement est une institution financière publique. Cette banque finance des projets liés au climat, à la biodiversité, la paix, l'éducation, l'urbanisme, la santé et la gouvernance, principalement à l'étranger. Ses activités sont encadrées par la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales de 2021. "Nous contribuons ainsi à l'engagement de la France et des Français en faveur des objectifs de développement durable", précise le site de l'AFD.
Son budget s'élève à 12 milliards d'euros par an, mais ce montant n'est pas directement prélevé dans les impôts des Français : "85 % des ressources de l'AFD sont issues d'emprunts obligataires. Ils émanent d'investisseurs privés, de capitaux, de fonds de pension internationaux ou de banques centrales", indique la Foire aux questions du site. "Les 15% de ressources restants sont des subventions, provenant d'institutions publiques comme l'Etat français ou l'Union européenne." Contactée par franceinfo, l'agence précise que la part de son budget financée par le contribuable s'élève à 1,7 milliard d'euros.
L'eurodéputée laisse entendre que la France "donne" cet argent à d'autres pays, dont la Chine. Ce que l'agence mise en cause dément, dans une série de messages publiés sur X : "Pas un euro d'argent public français n'est 'donné' à la Chine. L'AFD prête à conditions de marché et en toute transparence." Auprès de franceinfo, l'agence ajoute : "La France a décidé en 2022 que la Chine, compte tenu de son poids économique, ne pouvait relever du cadre de l'aide publique au développement." "On a des échanges financiers avec la Chine, on lève de l'argent sur les marchés à 3%, et on le prête à [un taux d'intérêt de] 5% à la Chine", a de son côté détaillé Rémy Rioux, directeur général de l'AFD, sur Sud Radio le 21 février. En bref, l'agence agit comme une banque pour Pékin.
Des prêts entre Etat et des dépenses "justifiées à l'euro près"
Concernant d'autres projets attaqués ou évoqués par Sarah Knafo, l'agence a aussi défendu son programme qui vise à "institutionnaliser et mettre à l'échelle la budgétisation sensible au genre" en Jordanie. Ce projet consiste à aider le pays à intégrer la notion d'égalité femmes-hommes au volet financier des politiques publiques, et s'inscrit dans le cadre de la "diplomatie féministe" de la France. Dans ce cadre, "la Jordanie rembourse l'intégralité des sommes prêtées par l'AFD", souligne l'agence sur X. La fiche du projet publiée sur le site précise que le pays bénéficie d'un "prêt concessionnel souverain", à un taux d'intérêt inférieur aux conditions du marché. Il arrive aussi que l'AFD subventionne tout ou partie d'un projet. C'est le cas en Afrique du Sud et en Albanie, avec des programmes pour l'égalité de genre dans l'accès aux opportunités économiques.
Dans la bande de Gaza, l'AFD a financé l'accès à l'eau pour des milliers de particuliers et des exploitations agricoles. Alors que Sarah Knafo laisse entendre que le Hamas pourrait mettre la main sur les fonds engagés, l'AFD répond que toutes "les dépenses sont justifiées à l'euro près". Sur Sud Radio, son directeur, Rémy Rioux, a aussi rappelé que "tout ce qui est envoyé est contrôlé par l'armée israélienne". Par ailleurs, le projet est suspendu depuis le 7 octobre 2023.
Des investissements qui peuvent profiter à la France
Si l'AFD réalise nombre de projets à l'étranger, elle rapporte aussi à la France. En effet, 73% des projets en 2023 étaient liés à un acteur économique français, selon l'agence. "Chaque année, nous ramenons trois milliards d'euros de contrats aux entreprises françaises", avance l'AFD auprès de franceinfo. La nature des projets menés à l'étranger peut aussi avoir des effets bénéfiques futurs pour notre pays. "On investit dans la reforestation au Maroc, qui est peut-être notre écosystème dans dix, vingt ans dans le sud de la France", illustre Rémy Rioux. "Pour des raisons migratoires, il faut stabiliser le Proche-Orient (…), c'est dans l'intérêt de la France", a-t-il encore avancé sur Sud Radio.
Si la Cour des comptes voyait des "marges de progrès" en matière de transparence, dans un rapport de 2023, elle notait toutefois "une amélioration" depuis une alerte émise en 2016. L'AFD publie le détail de ses projets sur son portail Open Data et le site de l'International Aid Transparency Initiative.
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