Transparence Les invités des émissions d'information de France Télévisions sont-ils payés ?

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Article rédigé par franceinfo - Propos recueillis par Pascal Doucet-Bon
France Télévisions

Olivier Carow, rédacteur en chef en charge des invités de franceinfo, et Florent Dumont, directeur des magazines de France Télévisions, expliquent la politique d'invitations de l'audiovisuel public.

Les invités des émissions d'information de France Télévisions touchent-ils de l'argent ? Cette question légitime revient très régulièrement dans nos discussions avec le public. Presque aucun, répondent Olivier Carow, rédacteur en chef à franceinfo, et Florent Dumont, directeur des magazines de France Télévisions. Dans le cadre de notre rubrique Une information transparente, ils détaillent, l'un face caméra, l'autre par écrit, la politique d'invitations du groupe. Pour davantage de clarté, nous avons regroupé leurs réponses de façon croisée dans cet article.

franceinfo : Est-ce que les invités de franceinfo et des émissions d'information du groupe, qu'ils soient en plateau ou en duplex, sont rémunérés ?

Olivier Carow : Par principe, non. Nous n'avons pas d'invités rémunérés, qu'il s'agisse de témoins, d'experts ou de spécialistes d'un domaine qui accepteraient de venir nous en parler. Nous ne les rémunérons pas.

Florent Dumont : Les invités de nos magazines d’actualité comme "C dans l'air", "C à vous", "En société", "C politique"... ne sont jamais rémunérés. En revanche, leurs frais de déplacement sont pris en charge par les sociétés qui produisent ces émissions pour France Télévisions.

Personne ne touche d'argent ?

F. D. : Pour nos émissions de décryptage et de débat sur France 5, les chroniqueurs qui sont régulièrement sur nos plateaux sont des professionnels, journalistes, éditorialistes, humoristes, et sont rémunérés à ce titre.

"Nous distinguons les invités des chroniqueurs."

Florent Dumont, directeur des magazines de France Télévisions

à franceinfo

O. C. : Sur franceinfo, il y a une seule émission, "Autrement dit", dans laquelle nous avons des chroniqueurs, des éditorialistes, des gens de la société civile ou encore d'anciens responsables politiques qui, eux, sont rémunérés parce qu'ils font un travail que nous leur demandons de faire. Ce n'est pas une expertise qu'ils ont et qu'ils viennent partager, c'est un travail de réflexion que nous leur demandons de faire sur des thèmes que nous fixons. Et dans ce cadre-là, ils y consacrent un temps qui est rémunéré. [Les montants sont tenus secrets, mais la rédaction indique qu'il s'agit au mieux d'un revenu d'appoint].

Cette émission est diffusée de 18 heures à 20 heures chaque jour, avec trois ou quatre invités par heure, qui forment une équipe autour d'un présentateur. C'est la seule de nos émissions qui fonctionne comme ça. [Exemples de chroniqueurs : Najat Vallaud-Belkacem, présidente de France Terre d'Asile, ancienne ministre de l'Education de François Hollande, conseillère régionale socialiste de la région Auvergne-Rhône-Alpes ; le journaliste Guillaume Durand ou encore Antoine Buéno, essayiste, conférencier, conseiller au Sénat chargé du développement durable et de la prospective pour le groupe politique Union centriste.]

Comment faites-vous pour que ces invités rémunérés ne disent pas ce que vous avez envie qu'ils disent, puisqu'ils sont payés ?

O. C. : Ils disent absolument ce qu'ils veulent, ils peuvent contredire le présentateur ; parfois ils ne se gênent pas. On n'a pas une relation du type "Toi, tu joues tel rôle, par exemple celui qui veut sabrer les impôts." Ils se répartissent absolument comme ils veulent et assez naturellement en fonction de leur point de départ. On donne seulement le thème et l'angle ; ensuite, libre à eux de dire ce qu'ils veulent, tant que ce ne sont pas des contre-vérités, des chiffres faux, et qu'on est respectueux les uns envers les autres.

A votre connaissance, est-ce que les chaînes d'information concurrentes rémunèrent leurs invités ?

O. C. : De plus en plus d'interlocuteurs nous informent qu'ils ont un contrat d'exclusivité avec une autre chaîne. Ce n'est évidemment pas un contrat moral, c'est rémunéré. Cela peut être une clause qui les oblige à n'aller que sur une seule chaîne d'info, ou un contrat de priorité, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent aller ailleurs que si la chaîne qui les rémunère n'a pas besoin d'eux.

F. D. : Lorsqu'un expert est payé par une chaîne concurrente qui souhaite en avoir l'exclusivité, il ne vient plus sur "C dans l'air" par exemple.

"On sait qu'il y a de plus en plus [d'invités rémunérés sur les autres chaînes d'information], la liste s'allonge tous les mois. Nous faisons avec, nous n'allons pas nous aligner là-dessus."

Olivier Carow, rédacteur en chef à franceinfo

à franceinfo

Mais du coup, s'il y a ces contrats d'exclusivité qui existent, quel intérêt les invités non rémunérés ont-ils à venir sur franceinfo plutôt que sur une chaîne concurrente ?

O. C. : Le premier intérêt c'est qu'en général, quand quelqu'un a vécu ou travaillé sur un thème ou une connaissance, il a envie de les partager. Le cadre que propose franceinfo est un débat qui peut décider certaines personnes à venir gratuitement. Il y en a qui ont un esprit de service public et qui estiment que venir parler sur le service public est aussi quelque chose d'intéressant.

"Les invités savent que, [sur franceinfo], cela ne va pas être des jeux du cirque, que cela ne va pas être une arène. Il va y avoir des discussions, et cela peut les intéresser."

Olivier Carow, rédacteur en chef sur franceinfo

à franceinfo

C'est d'ailleurs comme ça qu'une émission comme "L'Heure américaine" a des invités très réguliers qui sont de très bons spécialistes. Aucun d'entre eux n'est rémunéré pour venir. Ils viennent parce qu'ils ont plaisir parfois à discuter entre eux d'un thème, mais surtout à en discuter devant notre public.

F. D. : Ils bénéficient dans nos émissions d'un temps de parole important, qui leur permet de développer un argumentaire. Ils bénéficient alors d'une forte exposition, dans des programmes dont l'image auprès du grand public est très bonne. Ils savent qu'il n'y aura pas de confrontation stérile. [Pour les experts], c'est leur expertise que l'on recherche, et non leur opinion.

"[Pour nos experts] il s’agit alors d’un "contrat de confiance" passé entre eux et les publics."

Florent Dumont, directeur des magazines de France Télévisions

à franceinfo

Pour les personnes issues de la société civile, nous souhaitons être les témoins de leur expérience, dans "Ça commence aujourd'hui" ou "En société", par exemple.

Certains sont en promotion également...

F. D. : Effectivement. Ils ou elles bénéficient alors d'une forte exposition, dans des programmes dont l'image auprès du grand public est très bonne. Ce qui est sans nul doute bénéfique dans le cadre d'autres activités : publication d'ouvrages ou d'articles de presse, participation à des conférences…

O. C. : Oui. Dans ce cas-là, tout le monde, y compris une personne qui serait sous contrat avec une autre chaîne, peut venir défendre son ouvrage. C'est un autre cadre et c'est prévu dans les contrats qu'ils signent avec les autres chaînes.

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