Interview "J'espère juste que le bateau tienne encore jusqu'aux Sables-d'Olonne" : vers un record de vitesse pour Justine Mettraux sur le Vendée Globe

La bataille fait rage en mer pour les places d'honneur du Vendée Globe. Une dizaine de bateaux pourraient franchir la ligne d'arrivée dans les prochains jours, dont le monocoque bleu et gris de Justine Mettraux. La Suissesse pourrait devenir la navigatrice la plus rapide de l'histoire de la course.

Article rédigé par Jérôme Val
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
La navigatrice Justine Mettraux le 30 décembre 2024 (JUSTINE METTRAUX)
La navigatrice Justine Mettraux le 30 décembre 2024 (JUSTINE METTRAUX)

Ce n'est pas celle qui fait le plus de bruit mais la discrète Justine Mettraux, sur Teamwork–Team SNEF, est en passe de frapper un grand coup. La native de Genève, qui a tiré ses premiers bords sur le lac Léman, a rarement quitté le Top 10 depuis le départ.

Jointe par franceinfo, elle dit avoir vécu des jours difficiles dans la remontée de l'Atlantique et après 71 jours de mer, les traits sont un peu creusés sur son visage. Mais Justine Mettraux est toute proche de boucler la boucle, même si elle ne veut pas encore penser à l’arrivée aux Sables-d'Olonne. Il y quatre ans, Clarisse Crémer était devenue la femme la plus rapide de l'histoire de la course en 87 jours. La Suissesse fera encore mieux, sans doute moins de 75 jours. 

franceinfo : Après plus de deux mois en mer, on sent que la fatigue commence à peser pour tout le monde. Comment allez-vous, à quelques jours de toucher terre ?

Justine Mettraux : C’est sûr qu’il y a un peu de fatigue, mais surtout de la fatigue mentale. Mais en ce moment, les conditions de navigation sont plus faciles. Ça permet un peu plus de repos, il faut en profiter. L'usure est surtout au niveau du matériel parce que ça fait longtemps qu’on tire sur les bateaux. Dans le groupe avec lequel je navigue, la remontée de l'Atlantique a été dure avec beaucoup de navigation contre le vent, face à la mer. Ça a beaucoup tapé dans les vagues. On a vu chez les concurrents qu’il commence à y avoir pas mal de casses, à gauche et à droite. C’est surtout cette usure-là que je redoute. J'espère juste que le bateau tienne encore jusqu'aux Sables-d'Olonne.

Quel est le sentiment qui domine en ce moment : pressée d'en finir ou envie d'en profiter au maximum ?

C’est un peu mitigé. D'un côté, je suis pressée d'en finir juste parce que j’ai envie d'aller au bout avec un bateau qui a tenu la route. Plus on passe de temps en mer, plus le matériel est fatigué. Après, j’ai bien profité de la course jusqu'au Cap Horn mais lors de la remontée de l'Atlantique, ça a été vraiment dur. J'étais un peu moins positive. Je vais essayer de profiter de la fin de course. 

"Ça reste une aventure assez exceptionnelle de pouvoir faire le Vendée Globe et de pouvoir passer autant de temps en mer, sur des bateaux qui sont quand même magnifiques. Il faut pouvoir en profiter malgré les difficultés."

Justine Mettraux

à franceinfo

Vous avez été toujours très bien placée dans ce groupe de sept bateaux et vous faites une course remarquée depuis le départ : est-ce que vous vous surprenez sur cette course ?

C’est vrai, mais je pense que je suis à ma place par rapport aux courses que j'ai pu faire précédemment. Cette génération de bateaux fait aussi la différence. On n'a pas tous les mêmes potentiels de vitesse et ça joue aussi sur le classement, même si ça ne fait pas tout. Les leaders n’ont pas eu de gros soucis. Donc être autour de la 8e ou 10e position dans cette grosse flotte, c’est ma place.

Quel a été le moment le plus difficile depuis le départ ?

Le moment le plus difficile pour moi a été cette remontée de l'Atlantique Sud. J'ai eu l'impression d'avoir de la peine à me remettre dans le coup. Les conditions ont été assez compliquées, avec des orages très actifs le long du Brésil.

Lors du passage du cap Horn, le 28 décembre 2024 (JUSTINE METTRAUX)
Lors du passage du cap Horn, le 28 décembre 2024 (JUSTINE METTRAUX)

Vous aviez déjà montré de belles performances sur d'autres courses : avec ce que vous êtes en train d'accomplir, est-ce que c’est votre plus belle aventure ?

C'est sûr que le Vendée Globe reste une aventure exceptionnelle. Ça fait longtemps que j'essaye d'y participer. Ça m’a pris six, sept ans pour réussir à construire puis concrétiser le projet. J'ai fait aussi pas mal de courses en équipage autour du monde et c'est quelque chose que j'apprécie aussi beaucoup d'avoir le partage. Mais sur le Vendée Globe, on est sur une dimension assez unique. C’est une course qui sort du lot.

Vous allez sans doute être la navigatrice la plus rapide autour de la planète. Est-ce que ça compte pour vous ?

Pour l'instant, je suis dans les temps d'un record. On verra parce que tant que la ligne n'est pas franchie, il peut se passer tellement de choses. Pour le grand public, la distance qui reste à parcourir paraît courte, mais il y a encore beaucoup de route, beaucoup de transitions avec potentiellement des conditions fortes. Il faut rester vigilant, suivre l'usure du bateau, bien continuer d'être vigilant dans les manœuvres, dans le suivi de la météo, dans la veille aussi, ne pas avoir de collisions. J'essaie pour l'instant de ne pas penser à l'arrivée, mais me concentrer plutôt sur les choses à faire.

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