Reportage UTMB : suivi GPS en direct, système d'alerte, tracé alternatif... Au cœur de la vigie qui assure la sécurité des ultra-traileurs lancés autour du Mont-Blanc

Un poste de commandement coordonne l'assistance médicale des coureurs en difficulté et assure la géolocalisation des participants en continu. Il peut aussi acter un changement de tracé en cas de mauvaises conditions météo.

Article rédigé par Anaïs Brosseau - envoyée spéciale à Chamonix
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
Dans le poste commandement course de l'UTMB, à Chamonix, le 30 août 2025. (ANAIS BROSSEAU/FRANCEINFO: SPORT)
Dans le poste commandement course de l'UTMB, à Chamonix, le 30 août 2025. (ANAIS BROSSEAU/FRANCEINFO: SPORT)

"On n'a pas de nouvelles de cette coureuse. Elle devrait être chez toi. Tu m'appelles si tu la vois ?" Au deuxième étage de la Maison de l'UTMB, en plein centre-ville de Chamonix, samedi 30 août, l'ambiance est concentrée. Les appels téléphoniques se succèdent dans le calme. "Il a eu une perfusion ? Alors, tu as raison, il doit être mis hors course." Pendant une semaine, l'étroite pièce fait office de PC course (poste de commandement) pour assurer la sécurité des 10 000 coureurs des différentes courses de l'événement Hoka Ultra-Trail du Mont-Blanc

Plus ou moins aguerris à la haute montagne, ces traileurs arpentent les sentiers jusqu'à 2 500 m d'altitude, de jour comme de nuit, sous le soleil comme sous des trombes d'eau ou la neige. La mission des membres du PC course est donc de garder un œil sur eux jusqu'à leur arrivée, place du triangle de l'amitié, 250 mètres plus loin, ou l'annonce officielle de leur abandon. Une vigie ouverte 24 heures sur 24 depuis lundi.

Un standard pour réguler les appels

L'organisation est millimétrée. Au fond de la pièce, deux standardistes réceptionnent les appels du public (qui s'informent du passage de bus par exemple), des assistants des coureurs ou des participants eux-mêmes. "Si besoin, ils transfèrent l'appel vers le pôle secours, composé de secouristes régulateurs, d'infirmiers, de médecins et d'un coordinateur, s'il s'agit d'une question d'ordre médical. Ou bien sur celui de la gestion de course si un coureur veut signaler son abandon", détaille Baptiste Lassenssion, chef de projet et coordinateur du PC course. 

Baptiste Lassenssion, coordinateur du PC course de l'UTMB, à Chamonix, le 30 août 2025. (ANAIS BROSSEAU/FRANCEINFO: SPORT)
Baptiste Lassenssion, coordinateur du PC course de l'UTMB, à Chamonix, le 30 août 2025. (ANAIS BROSSEAU/FRANCEINFO: SPORT)

Pour garder la trace des coureurs, les membres du PC course (comme les suiveurs de l'événement) s'appuient sur l'application Live Trail, développée en interne. Grâce à la puce GPS logée sur le dossard des coureurs et à des points de contrôle disséminés sur le parcours, il est possible de connaître en direct la position géographique de chaque participant.

"Un algorithme permet d'estimer le temps de passage à la prochaine borne en s'appuyant sur la vitesse du précédent tronçon, le dénivelé, la distance, le niveau du coureur. S'il n'est pas arrivé trente minutes après notre estimation, une première alerte jaune s'affiche sur l'ordinateur."

Baptiste Lassenssion, chef de projet à l'UTMB

à franceinfo: sport

La recherche de participants, qui ont de fait abandonné, représente la majorité du travail du PC course, estime son référent. Avec un temps maximum imposé pour parcourir chaque tronçon, il faut aussi s'assurer qu'il n'y a plus de coureurs à la traîne et que tous les participants "hors course" ont rejoint les bus pour rallier l'arrivée. Chaque année, trois ou quatre d'entre eux forcent le passage, ce qui irrite les membres du PC course forcés de continuer à veiller sur eux. Rares en revanche sont ceux qui s'égarent : un balisage tous les 50 mètres en moyenne permet d'éviter les erreurs.

Les réseaux sociaux à la rescousse

Les alertes changent de couleur toutes les trente minutes supplémentaires sans avoir localisé l'athlète, jusqu'au noir pour quatre heures de retard, ce qui arrive moins de dix fois sur la semaine. Après avoir demandé aux équipes sur le terrain de vérifier que le coureur ne serait pas sur un point haut, ou simplement en train de dormir sur une base de ravitaillement, un membre du PC course se charge d'appeler le traileur pour qu'il transmette sa localisation GPS. Il lui envoie un SMS ou un message via l'application Live Trail, dont le téléchargement est obligatoire pour des raisons de sécurité. Des traducteurs sont si besoin mobilisables.

Le PC course peut aussi joindre le contact d'urgence, ou encore... jeter un œil aux réseaux sociaux. "On a des coureurs qui ne nous préviennent pas qu'ils ont abandonné mais ils pensent à le mettre sur Strava [application de course], sourit le chef de projet. On peut donc le savoir parfois par ce moyen." En dernier recours, le PC course contacte les services de l'Etat (gendarmerie ou peloton de gendarmerie de haute montagne).

S'il faut dépêcher un hélicoptère, une partie de l'équipe bascule dans la salle rouge, de l'autre côté de la pièce, pour une situation de "gestion de crise". Cette éventualité doit être anticipée par les participants, qui doivent souscrire obligatoirement une police d'assurance couvrant ce genre d'intervention... au risque, à défaut, de payer une note de plusieurs milliers d'euros. De son côté, les organisateurs de l'UTMB ont également "conventionné" un hélicoptère pour toutes les interventions non urgentes, n'impliquant pas un risque vital ou un vol de nuit. 

200 soignants mobilisés

Sur le pôle secours, le directeur médical Patrick Basset garde, lui, un œil constant sur ses écrans où s'affichent les remontées des équipes soignantes postées sur le tracé (200 personnes). "On s'appuie sur un logiciel qui a été utilisé par exemple sur les JO. Il y a des mots-clés dedans qui me créent un système d'alerte, par exemple si quelqu'un a dit qu'il avait des urines rouges", illustre le médecin. À 11 heures samedi, les équipes médicales avaient dû intervenir 171 fois depuis le matin (1 037 fois depuis lundi), pour des situations très variées (ampoules, nausées, fractures...). Depuis le début de la semaine, une dizaine de personnes ont dû être évacuées sur les différentes courses. 

Patrick Basset, directeur médical au PC course de l'UTMB, à Chamonix, le 30 août 2025. (ANAIS BROSSEAU/FRANCEINFO: SPORT)
Patrick Basset, directeur médical au PC course de l'UTMB, à Chamonix, le 30 août 2025. (ANAIS BROSSEAU/FRANCEINFO: SPORT)

Pour prendre soin des coureurs, les organisateurs ont installé à Chamonix de quoi réaliser des prises de sang et des radiographies. "On effectue tout un travail de prévention et d'éducation avant, on les suit pendant mais aussi après. Si un coureur nous dit qu'il a eu du sang dans ses urines, il recevra un mail pour aller faire une prise de sang dans la journée. Tout à l'heure, j'ai reçu des résultats mauvais : j'ai appelé le participant, qui était rentré chez lui, pour lui dire d'aller à l'hôpital", raconte Patrick Basset.

La météo maîtresse du tracé

C'est aussi au cœur du PC course que s'est prise la décision dans la nuit de vendredi à samedi d'éviter le passage des Pyramides calcaires – point le plus haut du parcours de l'UTMB – car rendu trop glissant par la neige. "On a pris la décision de cette variante quarante-cinq minutes avant le passage du premier. En trente minutes, les équipes ont pris les kits de secours pour baliser le nouveau tracé, retrace Baptiste Lassenssion. C'est une situation à laquelle on s'entraîne lors de notre exercice de crise annuel." L'information a aussi été transmise par SMS aux coureurs et des bénévoles sur place l'indiquaient également. 

Assurée en continu par des salariés mais aussi par de nombreux bénévoles, la veille sera levée dimanche à 16h30 (hors suivi médical post-course). Les ultra-traileurs auront alors eu presque 47 heures pour effectuer le tour du plus haut sommet d'Europe.

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