"Une marque exceptionnelle qui a vocation à accueillir des événements exceptionnels" : comment Roland-Garros s’est muée en enceinte multisports

Après une première édition parisienne réussie à l'Adidas Arena en février 2024 (qui affichait complet deux mois avant l’événement), la Street League Skateboarding (SLS) a choisi une enceinte où l'on a plus l'habitude de parler d'aces, passing shots ou coups droits : "Notre vocation est de créer des événements avec des éléments de différenciation, surprenants ou atypiques", explique Cédric Fray, président et fondateur de Fray Média qui organise l’unique étape européenne de la SLS.

"Il y a quelques années, qui aurait parié sur le succès du GP Explorer avec une course organisée par des youtubeurs ? Là, c’est un peu pareil : qui aurait pu imaginer un événement de skateboard dans un écrin tel que le stade de Roland-Garros ? Pas grand-monde, poursuit-il. Pour tous les skateurs, c'est une reconnaissance de leur sport et de leurs performances avec un éclairage qui sera tout autre. Les images seront incroyables : on construit un skatepark à l'intérieur de cette enceinte qui aura les couleurs de la terre battue, avec des clins d'œil évidemment à Roland-Garros. Pour eux, ça va être un moment magique devant 9 000 spectateurs puisqu'on sera à guichets fermés."

Boxe, basket, breaking... et même running

Lors de ces cinq dernières années, Roland-Garros a déjà accueilli des combats de boxe mais aussi le Red Bull BC One, la plus grande compétition mondiale de breaking, Quai 54, le plus grand tournoi de streetball ou, plus récemment, la Super Coupe de basket : "Roland-Garros est une marque exceptionnelle. C'est un stade exceptionnel, donc on a vocation à accueillir des événements exceptionnels, précise Stéphane Morel, directeur général de la fédération française de tennis (FFT). On va choisir des événements qui s'ouvrent à de nouveaux publics mais qui ont vocation à accueillir les foules et à remplir les stades, ce qui est le cas pour le skateboard." Autre exemple : le running, avec l'organisation de la première édition de Run Set et Match, une course de dix kilomètres qui s'est tenue début octobre dans les allées de Roland-Garros et prisée par plus de 10 000 concurrents. Et qui devrait probablement connaître une nouvelle édition l’an prochain.

"La priorité absolue reste l'organisation du tournoi de tennis."

Stéphane Morel, directeur général de la fédération française de tennis

à franceinfo

Une logique de diversification qui permet de faire vivre Roland-Garros toute l’année… même si la priorité reste l’organisation des Internationaux de tennis, vitrine de la FFT et qui lui procure 80% de ses revenus : "Tous les mois qui précèdent le tournoi ne sont pas ouverts donc la période de disponibilité du stade est assez réduite. Et comme nous ne sommes pas une arène, les courts ne sont pas chauffés. La grosse période pour des événements annexes, c'est surtout la période estivale et celle de la rentrée en septembre et octobre. Par conséquent, nous devons être exigeants dans nos choix. On évalue le côté exceptionnel des événements qui nous sollicitent. Ensuite, en fonction du calendrier, on fait notre sélection finale. On accueille des nouveaux venus en fonction de nos souhaits et des opportunités qui nous sont proposées, même si certains événements ont vocation à être renouvelés année après année." C’est le cas par exemple du Paris Major Premier Padel, qui est désormais installé dans la première quinzaine de septembre.

Plus de 350 millions d'euros pour moderniser Roland-Garros

Une stratégie qui s’inscrit dans la lignée d’autres grandes enceintes sportives selon Guillaume Gouze, co-directeur du diplôme stadium manager au Centre de Droit et d’Economie du Sport à Limoges : "Il faut 90 à 110 dates par an pour qu’une arena soit rentable contre une vingtaine voire une trentaine pour un stade. Il y a tout intérêt à se développer pour assurer la rentabilité du lieu, le rendre économiquement plus viable ou à rembourser des encours d'emprunt, voire équilibrer le coût et les charges d'exploitation et de rénovation. Avec Roland-Garros, on a un site aux standards du temps voire en avance sur les standards du temps puisqu’il y a eu plus de 350 millions d’euros d’investissement portés sur la rénovation du stade. Sachant que pour la Fédération française de tennis et le site de Roland-Garros, on est un peu dans un cas particulier. En effet, il y a cette manne financière en tant que tournoi du Grand Chelem qui lui permet de vivre."

"Paris a rattrapé son retard avec des enceintes de référence en Europe comme l’Adidas Arena ou Paris la Défense Arena."

Guillaume Gouze, consultant économique au CDES Limoges

à franceinfo

Toujours est-il que l’organisation des Jeux Olympiques permet désormais à Paris (et sa proche banlieue) d’avoir plusieurs infrastructures de très haut niveau pour accueillir les plus grands événements sportifs de la planète. "Pendant longtemps, il n’y a eu une seule arena à Paris avec Bercy, ce qui était faible par rapport à d'autres grandes capitales européennes ou certaines villes des Etats-Unis", souligne Guillaume Gouze.

Même si Stéphane Morel ne se place pas sur le même plan et refuse une diversification tous azimuts : "Nous n’avons pas la vocation d’être l'annexe des arènes parisiennes ou d'un club pour des matchs à l'année. Nous n'avons pas non plus vocation à accueillir des concerts. L'acoustique n'est pas la même que celles des arenas. Nos riverains pourraient également s'en offusquer. Aujourd'hui, l'ADN de Roland-Garros, c'est prioritairement le sport. On souhaite accueillir des publics différents de celui du tennis. Aujourd'hui, le tournoi de tennis de Roland-Garros affiche complet, année après année. Accueillir de nouvelles têtes qui découvrent le stade et donc, par capillarité, le tennis, ce n’est pas l'objectif principal. Mais un souhait à terme, pourquoi pas ?"