: Interview "Il faut être prêt à ce que ça dure longtemps" : les confidences de Mathieu Blanchard, un mois et demi après son exploit lors de la Yukon Arctic Ultra
L’ultra-trailer franco-canadien rechausse ses chaussures cette semaine, un mois et demi après son exploit lors de la Yukon Arctic Ultra : une course extrême dans le froid polaire canadien qu'il a remportée le 10 février dernier. Depuis, sa priorité a été de reconstruire son corps et sa tête, un très long chemin de croix.
Les images étaient très impressionnantes et elles avaient fait le tour des réseaux sociaux début février : de la glace dans la barbe, le visage émacié... Lors de la Yukon Arctic Ultra, une course extrême de 600 km dans le Nord du Canada par des températures de -40 degrés, Mathieu Blanchard est devenu le premier homme à la gagner en courant 7 jours et 22 heures.
Un mois et demi plus tard, le Franco-canadien reprend tout juste la course à pied, lors d'un stage d'une dizaine de jours en Corse avec une trentaine d'athlètes du Team Salomon, son équipementier. Franceinfo l'a rencontré à Annecy avant son départ pour nous raconter ses semaines de souffrances après la course.
franceinfo : Comment se sont passées les semaines qui ont suivi cette course éprouvante ?
Mathieu Blanchard : La première semaine a été très dure sur le plan physique. Le corps a beaucoup travaillé et j'avais mal partout musculairement et aux articulations, avec notamment un genou qui ne se pliait plus et un muscle releveur (muscle au niveau du tibia qui permet de relever le pied) qui était complètement pété. Pendant une semaine, j'avais du mal à me déplacer et je suis resté alité. La deuxième semaine a été compliquée au niveau mental. Je pensais avoir envie de reprendre un peu d'activités physiques pour rebouger mon corps mais pas du tout! J'ai compris que j'avais été pas mal impacté mentalement. La troisième semaine, ça allait un peu mieux puisque j'avais envie d'aller me balader dehors mais j'avais des angoisses qui se matérialisaient par des réveils nocturnes. Ce qui montre bien qu'il y avait quelques traces. Un mois après, je suis rentré en France et j'ai eu des sollicitations médiatiques assez intenses. Ça m'a puisé pas mal d'énergie. Aujourd'hui, je me suis réparé physiquement et mentalement, je dors mieux.
Avez-vous pu recourir ces derniers temps ?
Oui et il faut reprendre le trail en vue de ce camp d'entraînement. C'est sûr que j'arrive sur ce camp moins en forme, ce n'est pas grave mais ça peut être un peu frustrant. Quand on voit les copains faire de longues sorties et qui ramènent des histoires de fou sur les crêtes en haut des montagnes, ça peut être un peu frustrant.
Avant le départ de la Yukon Arctic Ultra, aviez-vous anticipé que ce serait aussi dur de récupérer ?
Je n'avais jamais fait d'aventures avec un tel engagement physique et mental. Je n'avais pas d'expérience qui me permettait d'anticiper ce que j'allais ressentir. En revanche, j'avais discuté avec des personnes qui ont vécu ça. Elles m'avaient bien confirmé que la post-course pouvait être très compliqué, au moins une semaine à éprouver des difficultés. Moi, ça m'a pris un mois. Parfois, ça prend 6 mois pour certaines personnes pour retrouver la motivation d'aller s'entraîner.
Vous êtes habitué aux formats longs : Ultra-trail du Mont-Blanc, la Diagonale des Fous... Ça ne vous était jamais arrivé de manière aussi forte ?
Là, on parle d'un effort entre 20 et 25 heures avec une seule nuit dehors et dans des températures clémentes. Pour ce que j'ai vécu, c'était huit jours dans des températures hostiles. On rentre dans un autre monde. C'est difficile de gérer le froid et la privation de sommeil. Donc ce n'est pas comparable. Il faut être prêt à ce que ça dure longtemps.
Dans votre esprit, êtes-vous prêt à revivre ce genre de courses ?
Oui mais différemment ! J'ai souffert tout du long, mais ça me fait l'effet inverse dans ma tête : je me dis comment je vais faire pour augmenter le pourcentage de kiff et de maîtrise.
"Aujourd'hui, j'ai l'impression d'avoir combattu et j'aimerais plutôt faire l'amour avec le froid. Je vais retourner dans le froid les hivers prochains, je ne sais pas où, mais je reviendrai pour être plus en harmonie avec le milieu."
Mathieu Blanchardà franceinfo
Comme vous avez été contraint par une récupération plus longue que prévu, est-ce que votre saison 2025 est plus allégée que les précédentes ?
Je vais faire moins de courses mais ce n'est pas à cause de la Yukon Arctic. Il y a quelques années, je faisais 10 courses par an, aujourd'hui j'en fais moins parce que j'ai compris que c'est un sport qui impacte. Je suis entré dans une vision long-termiste. Maintenant, je me mets deux ou trois objectifs maximum par an. Je débuterai par la Snowdonia au Pays de Galles mi-mai. Puis le moment fort de ma saison : ce sera Hardrock 100 cet été, considérée comme la course la plus dure aux Etats-Unis. Je soufflerai un coup, voir comment je me sens physiquement et je reconstruirai une deuxième partie de saison par rapport au ressenti que j'aurai à ce moment-là.
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