: Interview Gabriella Papadakis : "Le patinage artistique doit évoluer en même temps que la société, si on veut que notre sport reste pertinent"
La Française et son amie américaine Madison Hubbell vont devenir, jeudi, les deux premières femmes de l'histoire à patiner ensemble, à l'occasion d'un spectacle en Suisse pour la troupe Art on Ice.
/2023/06/13/64889a6246014_quentinrond.png)
/2025/02/02/img-5539-679fe2a2003c6472010017.jpg)
Casser les codes et changer la face du patinage artistique. Pendant plus d'une décennie, Gabriella Papadakis a tutoyé la perfection à chacune de ses prestations en compagnie de son partenaire Guillaume Cizeron, avec qui elle a été championne olympique à Pékin, en 2022. Jeune retraitée des compétitions, la Clermontoise de 29 ans retrouve la glace, cette fois-ci aux côtés de son ancienne compagne d'entraînement à Montreal, Madison Hubbell.
Avec l'Américaine, elles vont devenir, jeudi 6 février à Zurich (Suisse), les deux premières femmes de l'histoire à patiner ensemble à l'occasion d'un spectacle de la troupe internationale Art on Ice. Une véritable révolution dans ce monde du patinage particulièrement codifié. Dans un entretien accordé à franceinfo: sport, Gabriella Papadakis explique ses motivations et les objectifs derrière ce projet, qui vise à promouvoir un sport plus inclusif, et plus accessible.
Franceinfo: sport : Gabriella, pouvez-vous nous expliquer comment est venue l’idée de patiner avec une autre femme ?
Gabriella Papadakis : Madison et moi, on s’entraînait ensemble à Montreal, pendant que l'on faisait des compétitions. A l'époque, on se disait déjà que ça pourrait être chouette de patiner un jour ensemble dans un spectacle. Mais c’était juste une idée comme ça, entre nous. Puis, il y a deux ans, après les JO de Pékin, nous nous sommes retrouvées chez elle et nous nous sommes entraînées un peu ensemble. On a essayé pour voir à quoi ça ressemblerait.
On avait donc fait quelques vidéos et finalement, l’automne dernier, des personnes de la production d’Art on Ice se sont montrées intéressées d’avoir un numéro comme celui-ci, et elles ont pensé à nous. Ils nous ont contactées. C'est ainsi que tout est parti et qu’ils nous ont invitées.
Pourquoi est-il si important pour vous de mener à bien ce projet ?
Le patinage est un sport auquel je suis évidemment très attachée [rires], donc ça me tient à cœur de faire en sorte de faire évoluer mon sport pour les générations futures. Après avoir patiné ensemble avec Madison, les retombées ont été tellement immenses et positives, il y a eu tellement de gens qui ont partagé sur les réseaux sociaux les vidéos. Dans toutes leurs réactions, ils expliquaient souvent que c’était hyper important pour eux de partager car cela pouvait à terme ouvrir des portes à plein de gens, que ça pouvait apporter quelque chose de super positif dans le milieu du patinage.
Ce n’était pas mon intention première, parce qu’il s’agissait d’abord de patiner avec mon amie. Mais réaliser à quel point ça peut avoir un impact positif sur la culture et le monde du patinage, cela donne encore plus envie de le faire ! J’ai reçu tellement de messages privés de personnes qui m'ont dit : 'Merci, j’ai toujours rêvé de voir ça'. Ou plein de femmes qui me confient que si cela avait pu être une opportunité pour elles à un moment donné, elles n’auraient pas arrêté leur carrière si tôt… Je me dis que tout ce qui peut donner de la joie aux gens via le patinage, c’est gagné !
Pour vous, c'est aussi un moyen de permettre au patinage artistique de s'ouvrir davantage, et de devenir plus universel...
Absolument ! Être plus accessible à toutes et tous. En commentaires de nos vidéos, beaucoup racontaient que le patinage, à la base, ne les avait pas intéressés. Mais savoir que ça peut devenir possible de voir deux personnes du même sexe patiner ensemble, ça allait finalement pouvoir les intéresser. Comme tout ça a semblé attirer beaucoup de personnes ne s’intéressant pas forcément au patinage, je me dis qu’il y a quelque chose à aller chercher !
"Si Madison et moi avons eu la chance de trouver des partenaires masculins avec qui on a pu faire une magnifique carrière, ce n’est pas le cas de tout le monde. Et c’est dommage de perdre beaucoup de gens à cause de ça. De mon point de vue, on perd beaucoup trop de talents pour rien."
Gabriella Papadakis, championne olympique de danse sur glaceà franceinfo: sport
Je ne pense pas que ça apporte quelque chose au sport, de le garder tel qu’il est à la base, ou de rester si traditionnel. Non, je pense que le patinage doit évoluer en même temps que la société si on veut qu’il reste pertinent.
L'objectif est-il aussi de convaincre les dirigeants du patinage mondial, et de la Fédération internationale (ISU), de faire évoluer votre sport dans ce sens-là ?
Oui idéalement, mais je n’ai pas la réponse à la question : 'Qu’est-ce qu’on va pouvoir faire en compétitions ou aux Jeux olympiques ?' Honnêtement, je ne sais pas pour le moment. Mais je pense vraiment que ça vaut la peine d’essayer et de donner l’opportunité, comme le Canada est déjà en train de le faire [la fédération canadienne a revu sa définition d'équipe en danse et en couple pour ses épreuves nationales, pour permettre à deux patineurs de même sexe de concourir ensemble]. Pour voir, dans un premier temps, ce que ça peut donner. Je pense, personnellement, que ça pourrait très bien marcher.
Est-ce que vous avez déjà discuté avec des dirigeants de l'ISU, sur la possibilité de voir un jour en compétition deux personnes du même sexe patiner ensemble en danse sur glace ?
Non, on n’a pas eu ce genre d’échanges, mais peut-être que ça viendra. Peu importe de toute façon. Le plus important, pour nous, c’est de montrer que c’est intéressant, et que c’est possible ! Je sais juste qu’il y a quelques rumeurs, et des gens de l’ISU qui ont vu les vidéos, et qui ont envie de l’aborder aux prochaines grandes réunions. Si c'est le cas, c'est bien. Evidemment, il y a des gens qui râlent. Il y en aura toujours...
Mais j’ai la sensation, par rapport à tous les retours que j’ai pu avoir jusqu'ici, que la grande majorité des personnes sont pour. Je crois même qu'ils n’attendent que ça. Je crois que c’était une demande qui existait depuis un certain temps mais à laquelle personne n’avait jamais répondu. Avec Madison, effectivement, on y répond. C’est sans doute pour ça aussi que cela a un grand succès. Maintenant, ça ne reste qu'une proposition de notre part, et pas nécessairement un combat
En tant qu'ancienne patineuse, vous savez ce que la danse sur glace implique chez une femme ou chez un homme, tant sur le plan physique que technique. Par rapport à aujourd'hui, à quel point ce serait différent pour un tandem de deux femmes ou de deux hommes ?
Je pense qu’il y a moins de différences que ce qu’on pense. Bien sûr, un homme qui mesure 1,90 m aura plus de facilités à porter n’importe qui, que n'importe quelle femme ou presque car on mesure rarement 1,90 m ! [rires] Cette partie-là est, évidemment, à prendre en compte. Après, hormis ça, je pense qu’il faut essayer pour voir comment ça évolue. Pour reprendre le Canada comme cas d'étude, là-bas, tout le monde évolue encore dans la même catégorie car il y a encore trop peu de personnes qui le font. Ça n’aurait aucun sens d’instaurer de nouvelles catégories. Mais cela ne veut pas dire que ça sera toujours le cas ! Peut-être qu’un jour, il faudra séparer les catégories si on a prouvé que ce n’était pas équitable entre chaque duo.
Mais peut-être aussi qu’on réalisera qu’il n’y a presque aucune véritable différence d’un tandem à l’autre, et que, finalement, ça n’a pas de sens de séparer en plusieurs catégories.
"Avec Madison par exemple, nous ne pouvons pas faire de portés. Généralement, les garçons apprennent les portés quand ils sont très jeunes. Ça prend beaucoup de temps. Avec Madison, on n’a eu finalement que trois semaines d’entraînement, ce n’est pas assez pour apprendre à porter quelqu’un lorsqu'on ne l’a jamais fait."
Gabriella Papadakis, quintuple championne du monde de danse sur glaceà franceinfo: sport
Ce qui importe, c’est pour les prochaines générations qui pourraient commencer beaucoup plus tôt. Je pense qu’il y a un vrai potentiel pour que ce soit équitable. Aujourd’hui déjà, il y a plein de couples homme-femme qui font la même taille et le même poids. Ils ont peut-être déjà moins de facilités sur les portés que les couples où la différence de taille, de poids, entre la femme et l'homme est plus grande. Autrement dit, naturellement, cette inégalité existe déjà !
Avez-vous déjà réfléchi à d’autres collaborations et à d’autres échéances après cette première expérience avec Art on Ice ?
Non, pour l'instant, on n’est que sur Art on Ice. Toutes les deux, nous avons aussi nos vies chacune de notre côté. On n’habite pas dans la même ville, Madison a sa famille et son travail à temps plein avec ses élèves [l'Américaine est coach dans la ville de London, au Canada], donc on n’a pas autant de flexibilité qu’on aurait pu avoir dans nos plus jeunes années. [rires] Nous, ce qui est important surtout, c’est de lancer le mouvement, puis après on passe le flambeau !
C’est cool de pouvoir se dire que peut-être, grâce à tout ça, des jeunes filles ou des jeunes garçons se disent que si nous, on a réussi à le faire avec plein de succès, alors eux aussi pourront y arriver ! C’est important qu’ils associent ça à quelque chose de positif, plutôt qu’à quelque chose qui est mal perçu ou mal interprété.
À regarder
-
B. Netanyahou : sa déclaration choc à l'ONU
-
Guerre Israël-Hamas : "Ces deux peuples ne pourront plus jamais vivre ensemble !"
-
Pourquoi on doit garder du cash chez soi ?
-
Ingérences russes en Moldavie
-
À 12 ans, il porte plainte contre Roblox
-
Survol de drones : l'inquiétude grandit au Danemark
-
Gaza : la route de l'exode
-
Pourquoi ce bébé girafe est une bonne nouvelle
-
Marie-Céline Bernard, pionnière du rugby féminin en France
-
Une centaine d'agriculteurs manifestent devant le château de Versailles
-
"Faites des parents" : une campagne pour le don de gamètes
-
Cette alerte a sauvé une ado
-
Un Polonais devient le premier alpiniste à descendre l'Everest à ski sans oxygène
-
L'Oktoberfest à Munich comme si vous y étiez
-
Condamnation de Nicolas Sarkozy : "C'est le pays tout entier qui va être éclaboussé !"
-
Opérations ratées : un ophtalmo visé par plusieurs plaintes
-
Ingérence russe : les élections moldaves sous surveillance
-
Pourquoi faut-il avoir de l'argent liquide chez soi ?
-
Etat palestinien : Benyamin Nétanyahou prépare sa riposte à l'ONU
-
Nicolas Sarkozy : comment va-t-il purger sa peine ?
-
Décès au KFC : un corps découvert aux toilettes au bout de 30h
-
N. Sarkozy condamné : l'ancien président ira en prison
-
Braquage impressionnant dans une bijouterie en Californie
-
L’ancien président Nicolas Sarkozy ira en prison
-
Malfaçons : 38 degrés toute l'année chez eux
-
Cookies, gaufres : le succès des fast-foods sucrés
-
Y'a des pesticides dans les nuages
-
Marylise Léon réagit à la colère des patrons
-
Une nouvelle photo officielle pour Joe Biden à la Maison Blanche ?
-
Carla Bruni arrache la bonnette du micro de Mediapart
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.