Rugby : pourquoi le drop est de moins en moins utilisé au plus haut niveau

Alors qu'il permet de marquer trois points, le drop n'a été utilisé qu'à quatre reprises lors de la phase de poules de la Champions Cup, dont les 8es de finale débutent vendredi.

Article rédigé par Othélie Brion
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le Rochelais Antoine Hastoy passe un drop en fin de match, lors de la rencontre de poules de Champions Cup entre La Rochelle et le Leinster, le 12 janvier 2025. L'un des quatre drops passés lors des 48 matchs de cette première phase de la compétition. (ROMAIN PERROCHEAU / AFP)
Le Rochelais Antoine Hastoy passe un drop en fin de match, lors de la rencontre de poules de Champions Cup entre La Rochelle et le Leinster, le 12 janvier 2025. L'un des quatre drops passés lors des 48 matchs de cette première phase de la compétition. (ROMAIN PERROCHEAU / AFP)

C'est un geste de plus en plus rare. Le drop, qui consiste à lâcher le ballon des mains et frapper du pied juste après son rebond au sol, se fait de plus en plus discret sur les terrains de rugby. Alors que les huitièmes de la Champions Cup s'ouvrent, vendredi 4 avril, seulement quatre ont été passés en 48 matchs de la phase de poules de cette compétition. Certaines années, comme en 2010, jusqu'à 28 drops étaient pourtant réussies sur l'ensemble du tournoi.

Ce constat s'impose sur toutes les compétitions. Lors de la saison 2023-2024, 12 drops ont été passés en Top 14, cinq fois moins qu'en 2012 (60).

Arme offensive qui permet de marquer trois points, le drop a pourtant fait basculer bon nombre de matchs. Il y a 30 ans, il offrait un sacre mondial à l'Afrique du Sud. En 2018, c'est l'Irlandais Jonathan Sexton qui l'utilisait pour renverser la France à la dernière seconde, dans le cadre du Tournoi des six nations (13-15).

"Je trouve ça dommage qu’on en voit moins parce que c’est trois points marqués sans provoquer de faute", constate encore Dimitri Yachvili, consultant France Télévisions et buteur de l’équipe de France entre 2002 et 2012. "Il y en avait beaucoup plus à mon époque. On organisait souvent des lancements de jeu pour aller au milieu des poteaux et mettre le botteur dans de bonnes conditions. C’est peu d’énergie dépensée pour aller marquer trois points, c’est plutôt intéressant".

Un geste dans l'ombre de l'essai

Derrière ces points forts, le drop semble cependant de moins en moins adapté au rugby moderne. "On l'associe peut-être à un rugby lent alors qu'aujourd'hui, les n°10 sont beaucoup plus ambitieux offensivement. On le voit avec les Jalibert, Ntamack et Carbonel, des gamins qui veulent aller au max de l’intensité offensive en portant le ballon", constatait Benjamin Boyet, ancien demi d'ouverture de Bourgoin ou de l'Aviron Bayonnais, à La République des Pyrénées, en 2021.

Une volonté de privilégier l'essai au drop, qui s'explique par le fait que cette action rapporte dans le jeu jusqu'à sept points, si la transformation est réussie, mais aussi par l'instauration du bonus offensif. En Top 14, depuis la saison 2004-2005, une équipe qui inscrit trois essais de plus que son adversaire marque, en effet, un point supplémentaire au classement du championnat. Dans le Tournoi des six nations, depuis 2017, un point de bonus offensif est également donné aux équipes qui inscrivent quatre essais ou plus, au cours d'une rencontre, barême appliqué également dans les coupes d'Europe.

"Tout est fait aujourd'hui pour s’approcher au plus près de la ligne adverse afin de décrocher les sept points. C’est mathématique et psychologique : on est dans la comptabilité et dans le business. Les choses ont bien changé", analysait auprès de l'AFP Pierre Albaladejo, ancien ouvreur de Dax et du XV de France surnommé "Monsieur drop".

Un manque d'automatisme

Aujourd'hui âgé de 91 ans, le Dacquois a fait du geste sa marque de fabrique dans les années 1950-60. "Le sommet a été la finale du Challenge Yves du Manoir face à Pau, au Parc des Princes (1959), où j'en avais fait deux du pied droit et deux du pied gauche", se souvenait-il pour Le Figaro [payant], fin 2024. Le tout, "en ne s'y entraînant pas du tout".

En 2025, le drop reste peu travaillé à l'entraînement mais Dimitri Yashvili l'assure, "tous les buteurs ou botteurs d’une équipe maîtrisent le drop". Il faut dire que s'il n'est pas utilisé pour marquer des points, un drop est tapé à chaque coup d'envoi. Pour l'ancien n°9 de Biarritz (2002-2014), sa disparition progressive est donc plutôt due au fait que les joueurs "n'osent pas prendre la responsabilité de taper"Pour Ouest-France, Yann Delaigue, ancien demi d'ouverture du RC Toulon, va même plus loin, estimant que les joueurs "ne pensent pas forcément [à utiliser cette arme] en cours de match".

Il est pourtant difficile de croire à la disparition définitive du drop. La jeune génération semble ne pas l'avoir totalement enterré. Lors du Tournoi des six nations 2025 des U20, l'Ecossais Matthew Urwin, 19 ans, a intelligemment réussi un drop à la 79e minute pour ramener son pays à cinq points de la France à une minute de la fin du match. Ses coéquipiers n'ont cependant pas réussi à profiter des dernières secondes de la rencontre pour inscrire un essai et renverser les Bleuets.

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