"Ce n'est pas parfait mais c'est plus que ce que j'attendais"... Léon Marchand boucle ses Mondiaux à Singapour avec la sensation du devoir accompli

Avec trois médailles en poche, dont deux sacres individuels et un record du monde à la clé, le Toulousain a réussi ses championnats du monde.

Article rédigé par Quentin Ramelet
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 8min
La star mondiale de la natation, le Français Léon Marchand, exulte après son record du monde sur 200 m 4 nages, lors des Mondiaux de Singapour, le 30 juillet 2025. (MANAN VATSYAYANA / AFP)
La star mondiale de la natation, le Français Léon Marchand, exulte après son record du monde sur 200 m 4 nages, lors des Mondiaux de Singapour, le 30 juillet 2025. (MANAN VATSYAYANA / AFP)

"Cela prouve que j'ai fait les bons choix et que je fais ce que j'aime." Comme à son habitude, quand il s'agit de dresser le bilan d'une compétition, Léon Marchand aime faire passer des messages. Alors que sa décision de faire l'impasse sur les 200 m papillon et 200 m brasse lors des Mondiaux de Singapour avait pu surprendre, la star de la natation mondiale a remis l'église au centre du village en remplissant, avec brio, tous ses objectifs.

En s'offrant un record du monde vieux de 14 ans sur 200 m 4 nages, et une septième médaille d'or planétaire après son troisième sacre en carrière sur sa course fétiche du 400 m 4 nages. "Ce n'est pas parfait, parce que ce n'est jamais parfait, mais c'est plus que ce que j'attendais", a affirmé le principal intéressé en zone mixte, dimanche 3 août, au moment de tirer les premières conclusions de cette semaine.

"Ça montre que j'ai toujours la flamme pour la natation, que j'aime ça, que c'est toujours ce qui me plaît le plus et que j'ai envie de continuer."

Léon Marchand, quadruple champion olympique à Paris en 2024

à l'AFP, en zone mixte

Avec Camille Lacourt, consultant France Télévisions et quadruple champion du monde sur 50 m dos (en 2013, 2015, et 2017) et 100 m dos (2011), Franceinfo: sport analyse la semaine de Léon Marchand, trois fois médaillé dans le grand bassin de Singapour.

Un 200 m 4 nages pour offrir un nouveau chef d'œuvre

Il y avait eu Fukuoka, sous les yeux de la légende Michael Phelps, avec un record du monde du 400 m 4 nages explosé, sous les yeux de son idole américaine. Deux ans plus tard, il faudra aussi parler de Singapour et ce chrono mythique de Ryan Lochte (1'54''00), qui tenait depuis 2011, renvoyé dans les livres d'histoire avec une facilité déconcertante. Léon Marchand, en 1'52''68, a offert un nouveau chef d'œuvre à la France, un an après les quatre médailles d'or glanées dans la piscine olympique de Paris La Défense Arena. "Je me suis surpris au 200 m 4 nages, en 1'52'', franchement, c'était vraiment surprenant pour moi", a même avoué le chouchou du public tricolore et local, dimanche soir.

Mais derrière, en bon Toulousain, il lui fallait aussi transformer l'essai et décrocher l'or. "Je pense quand même qu’il s’est un peu mis la pression le lendemain [en finale], estime notre consultant Camille Lacourt. En fait, tu as le record du monde, mais tu n’as pas le titre. Donc tu as l’air bien d’un con si tu fais une mauvaise course en finale derrière ! Mais je pense que pour lui, c’est une pression qui est dérisoire car tu viens de nager 1’52’’60 et que derrière les autres sont loin [trois secondes environ]." Surtout, le quintuple champion du monde [il a aussi remporté l'or sur le relais 4x100 m 4 nages en 2013] a tenu à mettre en avant l'évolution du protégé de Bob Bowman et Nicolas Castel sur sa nage de prédilection.

"Ce qui m’a vraiment impressionné, c’est son passage en dos. Quand il détache Hubert Kos, pourtant champion du monde du 200 m dos, je me suis dit : ‘Mais en fait, le mec il va pouvoir se mettre sur le 200 m dos bientôt, on est sérieux là ?’. Alors que l’an dernier c’était sa nage faible, il avait dit qu’il allait le travailler et aujourd’hui, on en est là ! Et il le nage bien, c’est propre, vraiment."

Camille Lacourt, ancien champion du monde du 50 m et du 100 m dos

à franceinfo: sport

Une progression fulgurante qui lui permet désormais d'avoir un peu plus de marge sur un passage en dos qui, jusqu'ici, pouvait permettre à certains de ses adversaires de reprendre du temps. Une époque désormais révolue. Camille Lacourt glisse même être"vraiment très curieux de le voir en dos à terme". Une nouvelle piste d'évolution pour le génie tricolore en vue des JO de Los Angeles 2028 alors que Léon Marchand pourrait y viser un autre record hors du commun : imiter Micahel Phelps en remportant cinq médailles d'or individuelles.

Un 400 m 4 nages pour remettre les pendules à l'heure

Avec un programme allégé, beaucoup s'attendaient à retrouver un Léon Marchand irrésistible dès les séries matinales de sa course préférée. "Même s'il a moins nagé que d'habitude, une semaine de compétition comme des Mondiaux, c'est énorme à vivre et c'est très fatigant", assure Camille Lacourt pour expliquer son septième chrono des qualifications, l'obligeant à partir en finale du plot n°1.

Inhabituel pour le Toulousain, mais bien loin de le perturber, avec la meilleure performance mondiale de l'année (4'04''73), et une nouvelle avance insolente, de plus de trois secondes, sur son premier poursuivant le Japonais Tomoyuki Matsushita. "Je me suis éclaté ce soir, c’était trop bien. C'est la raison pour laquelle je nage alors que ce n'était pas facile le matin. Je ne suis pas un nageur du matin, donc je n'étais pas trop inquiet non plus", savourait-il en zone mixte à l'issue de la finale. 

De quoi se rassurer et envoyer un nouveau message à la concurrence ? "Oui, j'ai un peu remis les points sur les i sur cette épreuve, a-t-il répondu à la presse. Je n'ai pas vraiment regardé ce qui se passait à côté, j'ai vraiment fait ma course et je l'ai réussie du début à la fin, je suis content." En signant un chrono à deux secondes environ de son record du monde (4'02''50), Léon Marchand a tout de même admis qu'il allait travailler davantage l'endurance pour s'éviter des fins de course aussi difficiles.

"C’est vrai qu’il est un peu moins saillant que l’an dernier aux JO. Mais c’est normal vue l’année qu’il a vécue ! Des nageurs fatigués en 4'04'', il n'y en a jamais eu puisque seul Michael Phelps avait nagé plus vite dans le temps. Donc on n'est pas dans la magie comme à Paris, mais nous sommes quand même sur le phénomène que l'on connaît."

Camille Lacourt, quintuple champion du monde

à franceinfo: sport

"Il a l’habitude de nous offrir des courses pareilles, donc il n’y avait aucune inquiétude à avoir, insiste Camille Lacourt. Au contraire, car ce chrono, ça reste une très belle performance, surtout lorsqu’on sait qu’il est encore en train d’évoluer. Il a pris trois à cinq kilos cette année, donc il a fallu réhabituer le corps à faire des longueurs pour utiliser cette puissance sur le 400 m 4 nages." 

Des relais pour l'expérience et prendre du plaisir en collectif

Enfin, outre ses deux courses de prédilection, Léon Marchand s'attendait à disputer les deux relais pour lesquels il pouvait s'engager. Vendredi, c'était le 4x200 m nage libre. Si les jeunes nageurs tricolores n'ont pas décroché de médaille, signant le 6e temps en 7'03"69, Roman Fuchs, Yann Le Goff, Rafael Fente-Damers et le Toulousain se sont sérieusement rapprochés du record de France (7'02''77). De bon augure à an des championnats d'Europe  et toujours dans la perspective des Los Angeles 2028.

D'autant plus que Léon Marchand adore nager avec ses compagnons de l'équipe de France, et qu'il compte surtout présenter, à un moment donné en individuel, ce 200 m nage libre si cher à son mentor. "De toute façon, on le sait, c’est la course préférée de Bob Bowman", rappelle Camille Lacourt alors que sa marge de progression, sur cette course si exigeante, qui demande une vraie gestion de son effort, est encore très importante.

"Il fait un temps très sérieux sur son relais, clairement, mais sa course n’est pas bonne du tout et c’est ça qui est incroyable ! C’est ça qui est intéressant et que j’ai adoré, car il a posé son cerveau à côté en se disant qu’il allait les rattraper au début avant de serrer les dents ensuite. Mais bon, à côté de lui il y avait les meilleurs du monde, donc ça n’a pas marché évidemment ! (rires)"

Camille Lacourt

à franceinfo: sport

Ça s'est confirmé sur l'ultime relais français de la compétition. Pour une jolie breloque en argent sur le 4x100 m 4 nages disputé en compagnie de Yohann Ndoye-Brouard (dos), Maxime Grousset (papillon) et Yann Le Goff (crawl). Même s'il avait remporté l'or sur 400 m 4 nages moins de 35 minutes plus tôt, ça n'a pas empêché Léon Marchand de sortir un énorme chrono sur le 100 m brasse, pour propulser Le Goff dans les meilleures conditions.

"Ce qui est assez fou, c’est que, outre le champion du monde de la distance qui n’était pas dans la finale, il est à deux centièmes seulement du vice-champion du monde et champion olympique en titre [Nicolo Martinenghi], analyse Camille Lacourt, encore impressionné. Et tout ça avec une prise de relais un peu moins bonne que l'Italien !"

"Dans ce relais français quatre nages, il avait vraiment envie d’être à fond. Il l’a toujours dit, les relais ravivent son âme d’enfant, et je pense qu’il aime bien être intégré dans un groupe sans être forcément le seul à prendre la lumière. C’est un exercice qu’il apprécie beaucoup et il l’a encore montré à Singapour, avec son énergie, son sourire et sa détermination. C’est agréable à voir."

Camille Lacourt, consultant France Télévisions

à franceinfo: sport

Une recette gagnante puisque Léon Marchand, qui va s'accorder quelques jours de vacances avant de retrouver Bob Bowman à Austin (Texas), repart d'Asie avec le plein de confiance. Et déjà un nouvel objectif en ligne de mire : les championnats d'Europe 2026, à la maison, à Paris. "J'ai aussi vu pas mal de choses à améliorer, donc je vais essayer de préparer les championnats d'Europe le mieux possible", promettait-il quelques minutes seulement après le podium en relais. Une remise en question immédiate qui fait aussi, et souvent, la marque des grands champions.

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