Interview "Cette mesure nous met en colère et est complètement inutile", conteste le syndicat Snep-FSU après l'annonce de tests de forme physique au collège

Dès la rentrée prochaine, des tests de forme physique seront généralisés à l'échelle nationale chez les collégiens de sixième.

Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
Des écoliers en plein exercice de sport dans la cour de récréation le jour de la rentrée scolaire à l'école primaire La Roseraie à Marseille (Bouches-du-Rhône), le 2 septembre 2024. (CLEMENT MAHOUDEAU / AFP)
Des écoliers en plein exercice de sport dans la cour de récréation le jour de la rentrée scolaire à l'école primaire La Roseraie à Marseille (Bouches-du-Rhône), le 2 septembre 2024. (CLEMENT MAHOUDEAU / AFP)

Des tests pour évaluer la qualité physique des collégiens. Dans le cadre de la 9e édition de la Semaine olympique et paralympique, Élisabeth Borne, ministre de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et Marie Barsacq, ministre des Sports, de la jeunesse et de la vie associative ont annoncé depuis un collège à Reims (Marne) jeudi 3 avril, "plusieurs mesures afin de continuer à renforcer l’activité physique et sportive dès le plus jeune âge"

Parmi les mesures dévoilées, les ministres ont annoncé la généralisation à la rentrée prochaine de tests de forme physique en sixième à tous les collèges volontaires. Cette généralisation intervient après une première annonce en 2023 du président de la République Emmanuel Macron et une expérimentation en 2024 sur plus de 4 000 élèves. Benoît Hubert, secrétaire général du syndicat Snep-FSU, syndicat majoritaire des professeurs d’EPS, se dit "inquiet" d'une mesure "inutile" et sans horizon.

franceinfo: sport : Marie Barsacq, ministre des Sports, a annoncé la généralisation des tests d'aptitudes sportives en sixième. Cette mesure va-t-elle dans le bon sens, selon vous ?

Benoît Hubert : Cette mesure nous met en colère et est complètement inutile. Ces tests seront, a priori, des tests d'endurance, de vitesse et de force. Je dis bien a priori parce qu'il n'y a eu aucun dialogue sur le sujet. La mesure est inutile dans le sens où ce sont des choses que l'on fait déjà au sein de nos cours d'EPS (éducation physique et sportive) quand on fait un cycle d'endurance, de vitesse ou de saut par exemple. Nous avons déjà ces données, elles sont connues depuis très longtemps.

"Nous alertons sur la situation sanitaire des jeunes depuis longtemps. Cette annonce met la focale sur ce sujet sans que l'on sache ce à quoi cela va aboutir ou servir, si ce n'est compléter des statistiques."

Benoît Hubert, secrétaire général du syndicat Snep-FSU

à franceinfo: sport

Nous sommes inquiets de devoir adapter les séances d'EPS en fonction des résultats de ces tests et donc de changer la focale de l'EPS, autrement dit de ne plus être sur des apprentissages moteurs de culture physique, sportive et artistique, mais davantage s'orienter vers la santé à l'image du système anglo-saxon. Nous pressentons ce changement de paradigme sur l'éducation physique et sportive depuis quelque temps. 

Bien que cela fasse partie des objectifs, ces questions ne sont pas au centre de nos enseignements. Si nous n'enseignons plus ce qu'est la culture sportive, physique et artistique dans notre pays, l'héritage des Jeux olympiques n'existera plus et on ne verra plus les champions que l'on a pu connaître.

Concrètement, comment vont se passer ces tests ? 

Nous n'avons eu aucune discussion avec le ministère sur cette question-là. Ce sont les joies du dialogue social. On essaie donc d'extrapoler un petit peu pour voir ce qu'il en est. Ce que je peux dire, c'est que sur deux heures de cours, cela ne tient pas du fait des effectifs. Dans mon établissement, mes classes sont à 30 élèves. Si je veux vraiment les évaluer correctement, il faut au moins deux séances, donc au moins quatre heures, si ce n'est six. C'est autant de temps perdu sur les apprentissages que je suis censé faire dans mes cours. 

Il y a malgré tout un enjeu de santé publique. L'observatoire national de l'activité physique et de la sédentarité (Onaps) a publié des chiffres montrant que 37 % des enfants de 6 à 10 ans et 73 % des jeunes de 11 à 17 ans n’atteignaient pas les recommandations en matière d’activité physique. Faut-il aller plus loin ?

Sur l'objectif, nous sommes d'accord bien sûr. C'est d'ailleurs un peu l'objectif qui était poursuivi avec les deux heures de sport supplémentaires au collège, où l'on voulait rattacher les jeunes qui étaient en décrochage de pratiques physiques. Mais on voit bien que cela ne marche pas, puisque ce sont des jeunes qui, de toute façon, n'ont aucune appétence pour les activités physiques et sportives. 

"Avec une classe de 30 ou 35 élèves, comment fait-on pour dissocier ceux qui sont sur un profil sportif de ceux décrocheur ? C'est ingérable."

Benoît Hubert, secrétaire général du syndicat Snep-FSU

à franceinfo: sport

Le problème reste le même, qui est que l'on manque de moyens, en termes d'installations et de personnels. J'ai donc peur que ce soit simplement une annonce de plus.

En septembre 2024, un échantillon représentatif de 4 100 élèves de classe de sixième a été évalué. Sur les trois épreuves, "4 % des élèves sont considérés en difficulté" et "19 % des élèves sont considérés comme ayant une qualité physique satisfaisante". Que pensez-vous de ces résultats ?

Je ne suis pas du tout surpris. Ce sont des chiffres globaux. Ensuite, tout dépend du lieu où on se situe, du contexte économique et social des jeunes. Mais une fois que l'on a dit ça, qu'est-ce que l'on met en place pour résoudre cela ? Pour le moment, il ne s'est rien passé. 

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