Foot : l'autorisation donnée au Lillois Nabil Bentaleb de jouer avec un défibrillateur peut devenir "une jurisprudence", selon un cardiologue
Pour la première fois, un joueur de football professionnel a été autorisé par la Fédération française à jouer avec un défibrillateur en France.
Victime d'un arrêt cardiorespiratoire en juin dernier, Nabil Bentaleb, âgé de 30 ans, a été autorisé à rejouer avec les professionnels par la commission médicale de la Fédération française de football, a annoncé son club de Lille, mercredi 13 février. Membre de cette commission, le professeur François Carré, cardiologue et médecin du sport au CHU de Rennes, explique à franceinfo: sport cette décision qui pourrait faire date pour les sportifs français.
franceinfo: sport : Pour la première fois en France, un footballeur professionnel équipé d'un défibrillateur a été autorisé à reprendre la compétition par la commission de cardiologie de la FFF, dont vous faites partie.
Professeur François Carré : Tout à fait. C'est une commission constituée de plusieurs cardiologues spécialisés dans la cardiologie du sport. Nous avons été sollicités pour donner notre avis sur le plan cardiologique. Dans ce dossier de Nabil Bentaleb, son club, le Losc, a sollicité la Fédération française de football (FFF) pour savoir si le joueur pouvait jouer avec un défibrillateur. La FFF nous a transmis ce dossier. On l'a examiné, on a retenu toutes les données médicales et fait un compte rendu à la fédération sur le plan médical.
La FFF a alors jugé que le joueur pouvait jouer avec un défibrillateur. C'est une question très précise qui a été posée ici : est-ce que ce joueur peut jouer avec un défibrillateur ? Que ce soit bien clair, on ne met pas un défibrillateur pour permettre à Nabil Bentaleb de jouer au football. Ce n'est pas cette question-là qui nous a été posée, mais bien de savoir si on peut jouer avec un défibrillateur.
Nabil Bentaleb a été victime d'un arrêt cardiorespiratoire en juin 2024. Concrètement, ça signifie quoi ?
L'arrêt cardiorespiratoire complique ce qu'on appelle un foyer arythmogène, jeune, c'est-à-dire une zone du cœur qui a provoqué une arythmie. Dans 99% des cas, quand il y a un arrêt cardiorespiratoire, une zone du cœur a provoqué une arythmie pour différentes raisons. Le fait de faire du sport peut favoriser la survenue de l'arythmie parce que le corps est déshydraté, il y a de l'acidose et de l'adrénaline qui ont tendance à favoriser le rythme cardiaque, etc. C'est parce qu'il y a ce foyer d'arythmie qu'il y a la survenue de l'arrêt. Il y a une perte d'irrigation du cerveau, d'où un arrêt cardiorespiratoire. Ce joueur avait un foyer d'arythmie qui a provoqué un arrêt cardiaque notoire. Derrière, il y a tout un bilan, une analyse de toutes les données, et dans son cas une pose de défibrillateur.
Un défibrillateur, ça fait peur. On n'associe pas ce mot au sport.
C'est vrai. Mais un défibrillateur, c'est un stimulateur cardiaque, comme un pacemaker, c'est-à-dire une machine de cinq centimètres sur dix. C'est un boîtier dans lequel il y a une batterie et des électrodes, qu'on met près du cœur. Cette électrode enregistre en permanence ce qui se passe dans le cœur. Quand le cœur bat régulièrement, le défibrillateur ne fait rien. Et puis, si jamais, tout d'un coup, ça commence à devenir anormal, le défibrillateur commande au cœur, pour essayer de couvrir l'arythmie ou de faire faire un choc pour arrêter le cœur et le redémarrer.
Un défibrillateur ne comporte aucun risque pour un sportif de haut niveau ?
L'ennui de ce défibrillateur, c'est qu'il peut parfois se tromper et mal analyser une situation. Or, un sportif, surtout jeune, peut être amené à faire des efforts très violents, intenses, avec 200 battements par minute, ce que le défibrillateur pourrait trouver anormal. C'est pour ça que, chez les sportifs, on est très minutieux sur le réglage, pour éviter que le défibrillateur ne s'active à tort. On le règle après des épreuves où on les pousse à fond.
Ce qui veut dire qu'un athlète de haut niveau a le même défibrillateur que "Monsieur tout le monde", mais réglé différemment ?
Exactement. C'est comme une voiture citadine qu'on règle différemment pour faire du rallye. Qu'on soit amateur ou professionnel, à moins d'une contre-indication claire à cause d'une pathologie, on peut faire du sport. C'est l'intensité des efforts qui varie. Quoi qu'il arrive, évidemment, il y a quand même un risque supplémentaire à jouer avec un défibrillateur, parce que ça n'est plus un cœur normal. Le patient est parfaitement au courant de tout ça.
Justement, quels sont les risques pour Nabil Bentaleb ?
Le principal risque, c'est le même que pour Monsieur tout le monde : il peut avoir un choc inapproprié parce que le défibrillateur analyse mal la situation. L'autre risque, c'est qu'un duel ou un coup reçu vienne détériorer le défibrillateur. Enfin, le risque sous-jacent, c'est que la maladie s'aggrave, mais ça dépend des maladies, de leur évolution. Parce que vous avez des gens qui font beaucoup d'arrêts cardiorespiratoires, et d'autres qui en font un puis plus aucun de leur vie. Comme Christian Eriksen, d'ailleurs, chez qui on n'a rien trouvé après son arrêt cardiaque à l'Euro 2021.
Les sportifs de haut niveau sont déjà plus suivis que la moyenne. On imagine qu'un footballeur professionnel équipé d'un défibrillateur va faire l'objet d'un suivi encore plus poussé ?
Effectivement, dans notre avis rendu à la FFF, on a dit simplement qu'il y a des règles absolues de sécurité à respecter chez ces joueurs. Le médecin de son club doit être au courant, avoir le matériel nécessaire, ainsi que ceux des clubs affrontés. Bien sûr, il doit avoir un suivi plus poussé, ainsi qu'un suivi de son défibrillateur. Il va faire l'objet d'une attention toute particulière.
Vous évoquiez le cas de Christian Eriksen, qui a beaucoup fait changer les choses. En France, Nabil Bentaleb devient le premier footballeur professionnel majeur autorisé à jouer avec un défibrillateur. Cette décision marque un tournant ?
Oui, ça peut très bien devenir une jurisprudence pour tous les joueurs qui ont des défibrillateurs, qui pourront poser la question. Derrière, il y aura une étude au cas par cas, car ça dépendra toujours de la pathologie qui a entraîné l'arrêt cardiaque. Mais, dans les faits, il suffit qu'un seul cardiologue donne son feu vert pour qu'un footballeur professionnel puisse continuer sa carrière. La FFF ne pourra rien faire puisque dans son règlement, elle autorise à jouer avec un défibrillateur.
Qu'est-ce qui a rendu cette évolution possible ?
D'abord, les évolutions des défibrillateurs, évidemment. Mais aussi celle des connaissances. Ça dépend toutefois des pays. Si on revient sur Christian Eriksen, il n'a pas été autorisé à jouer en Italie et au Danemark, avant de rejoindre un club anglais. Depuis, il rejoue finalement pour le Danemark d'ailleurs, ce qui prouve que ces décisions dépendent de plusieurs facteurs, pas seulement médicaux, mais aussi juridiques.
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