"C'était vraiment une personnalité différente" : Alain Prost évoque Ayrton Senna, 25 ans après sa mort
L'ancien pilote de Formule 1 Alain Prost est revenu sur franceinfo sur ses relations avec son ancien rival sur les circuits.
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Vingt-cinq ans après la mort du pilote de Formule 1 Ayrton Senna sur le circuit d'Imola, le 1er mai 1994, son ancien rival sur les circuits Alain Prost lui rend hommage, sur franceinfo, saluant "une personnalité vraiment différente".
franceinfo : Vous étiez évidemment très proche d'Ayrton Senna en tant que coéquipier chez McLaren. Ce 1er mai 1994, vous étiez sur place en train de commenter la course. Quel souvenir en gardez-vous ?
Alain Prost : Il s'est passé beaucoup de choses entre mon arrêt de la compétition, fin 1993, et ce jour du 1er mai 1994, les relations avec Ayrton se sont incroyablement apaisées. On est devenus assez proches, et même presque confidents. Cette semaine du 1er mai a été absolument folle en terme de relationnel : Ayrton n'était pas spécialement bien dans sa peau, sur plein de niveaux. Sur le plan professionnel, il n'était pas très satisfait, il avait des doutes sur la légalité des méthodes de Michael Schumacher. Il avait des problèmes personnels, des confidences qu'il m'a faites, que je n'ai d'ailleurs jamais dites à personne. Et puis, ce week-end de folie : l'accident de Rubens Barrichello, la mort de Roland Ratzenberger, lui-même me demandant depuis deux, trois jours de prendre un peu le leadership de l'Association des pilotes pour parler de sécurité. Il avait aussi ce problème par rapport à ça, alors qu'il n'avait jamais vraiment trop parlé de peur, ou en tout cas de crainte sur la sécurité (…). J'ai été le voir dans le garage juste avant la course, où il m'a encore parlé de certains problèmes. Dans la grille de départ il enlève son casque dans sa voiture, alors qu'il il ne l'enlève jamais. Je commentais cette course pour TF1, à l'époque, et j'ai un souvenir… Il venait juste de me faire un message, la veille, en disant que je lui manquais d'une certaine manière, c'est un message qui était plus que touchant… Et puis voilà, cet accident, les doutes qu'on avait sur la gravité. J'ai appris son décès à l'aéroport, avec le président de Renault de l'époque, Louis Schweitzer. On a même fait le communiqué pratiquement ensemble. Ça a été une période complètement folle, on se souvient de cela toute sa vie.
Comment avez-vous vécu sa disparition ?
Ça a été terrible, parce qu'il n'y a rien de mieux qu'un adversaire. Une fois que vous avez arrêté, l'adversité, ça devient beau, parce que, après, on avait construit une relation humaine. On ne s'aperçoit qu'après de pourquoi il avait été comme ça, pourquoi c'était aussi violent. En fin de compte, j'étais son modèle : plusieurs fois, il m'a appelé en me disant "reviens, je ne peux pas me motiver contre les autres, quand j'étais gamin, quand j'étais en karting, je te voyais courir, déjà, tu étais mon modèle et aussi mon but, mon challenge". Donc, on comprend mieux les choses. Aujourd'hui, 25 ans après, que vous soyez dans n'importe quel pays du monde, quand vous parlez de Senna vous pensez à Prost, quand vous parlez de Prost vous pensez à Senna, donc on a construit quelque chose d'assez incroyable ensemble, sans le savoir et sans le vouloir (…). Il y avait une question humaine, il y avait un rapport de forces incroyable, on était de couches sociales, de caractères différents, lui étant un peu mystique, mais il était absolument incroyable. C'est tout un pan de votre vie qui s'arrête, et puis je ne pensais pas, d'ailleurs, vivre comme ça, pratiquement au quotidien, avec son image et sa mémoire. Mais ça n'en est que plus beau, parce que c'est aujourd'hui que l'on se rend compte de ce que l'on a fait à l'époque, alors que, quand vous êtes dans la bagarre, vous ne pensez pas vraiment à tout cela.
Ce duel Prost-Senna a marqué l'histoire de la Formule 1. Comment l'avez-vous vécu ?
Pas toujours très bien. Quand vous avez une rivalité comme ça, premièrement, c'est toujours à l'avantage du plus jeune, de celui qui arrive, qui vient bousculer celui qui est déjà en place. C'est normal. Vous le voyez aujourd'hui avec Charles Leclerc et Sebastian Vettel, et je l'ai vécu, moi aussi, avec Niki Lauda à l'époque, où avec d'autres coéquipiers, comme quand j'étais plus jeune et que j'arrivais. On ne le vit pas très bien, à l'époque, c'était très violent, et d'ailleurs, en France, c'était peut-être même le pays où c'était le plus violent, parce qu'on est le pays du 50-50 : il y avait des gens qui vous adoraient et des gens qui vous détestaient, il n'y avait pas de juste milieu.
Qu'a représenté et que représente aujourd'hui Ayrton Senna ?
J'ai eu plein de champions du monde avec moi dans la même équipe, je crois qu'on en a eu cinq, mais Ayrton était différent. C'est vraiment une personnalité différente, un pilote différent, exceptionnel sur un tour, en qualifications notamment, avec une implication dans sa conduite, dans son travail, absolument incroyable. C'est vrai qu'il avait un côté mystique qui était compliqué à gérer quand on était coéquipiers, parce qu'on ne voit pas toujours les choses de la même manière. Quand vous êtes sur la première ligne avec quelqu'un comme lui, de temps en temps, vous êtes même un peu effrayé. Mais il était totalement à part, sur la piste, et en-dehors de la piste, en termes de personnalité. Je ne sais d'ailleurs pas ce qu'il aurait fait après, mais c'est quelqu'un qui était complètement convaincu de ce qu'il pensait, de ce qu'il disait, et il pouvait aussi convaincre les gens.
Quel souvenir précis avez-vous de lui ?
Le souvenir que je garderai, c'est vraiment l'image de la dernière discussion derrière le garage de l'écurie Williams, tous les deux en tête à tête. Je n'ai pas vu la même personnalité que j'ai connue quand j'étais coéquipier avec lui. J'ai vu de l'amitié dans ces yeux, et c'est l'image que je garderai à jamais.
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