"Cela ouvre un champ des possibles qui aujourd'hui n'existe pas"... Les casques de réalité virtuelle en passe de bousculer la consommation du sport
Plusieurs championnats américains sont déjà accessibles en réalité virtuelle pour les utilisateurs possédant un casque "VR", comme la NBA, dont la saison reprend mardi.
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Mettre un casque sur les yeux et se laisser transporter dans une autre réalité. Imaginez observer Victor Wembanyama ou LeBron James effectuer un dunk juste devant vous et multiplier les écrans afin de suivre en temps réel les statistiques de chaque joueur. Ou bien suivre la course effrénée de Kylian Mbappé, et pouvoir changer de place dans le stade afin de ne louper aucune action du match. Tout cela à 360 degrés sans bouger de chez soi, sans aller au stade. C'est ce que permettent les casques à réalité virtuelle.
Depuis plusieurs années, ils ont dépassé le stade de l'imagination et permettent, aujourd'hui déjà, de vivre les matchs en version immersive depuis son salon. Cette saison, la NBA permet à Apple et Meta, les deux leaders sur le marché, de diffuser un certain nombre de ses matchs, notamment une sélection des matchs des Lakers de Los Angeles, avec les casques à réalité virtuelle (VR), via l'application NBA et sans frais supplémentaire pour les abonnés du League Pass (la plateforme de streaming de la NBA, dont cette option n'est disponible qu'aux Etats-Unis pour le moment). La saison passée, la prestigieuse ligue de basket avait déjà ouvert la voie avec quelques matchs sélectionnés spécifiquement pour tester l'expérience.
Des modèles économiques à inventer
Le Paris Saint-Germain est, quant à lui, devenu le premier club de football européen à se lancer dans cet écosystème en proposant trois de ses matchs – contre Monaco le 7 février 2025, Marseille le 16 mars et Auxerre le 17 mai, pour la dernière journée Ligue 1 de la saison – en réalité virtuelle aux fans américains, via beIN Sports, diffuseur officiel de la Ligue 1 aux États-Unis. Le circuit de golf (PGA Tour), la NFL et la Formule 1 ont aussi lancé des applications pour la réalité virtuelle.
Avec des images bluffantes, plus vraies que natures, qui ont franchi un cap, cela laisse-t-il entrevoir les prémices d'une nouvelle consommation du sport et donc d'une nouvelle économie ? "Les modèles économiques vont être bousculés, affirme Virgile Caillet, expert en marketing sportif et délégué général de l'Union Sport et Cycle. On ne pourra plus s'appuyer sur les traditionnelles recettes que l'on appelle 'jour de match', qui comprennent la billetterie mais aussi toute la consommation autour des produits dérivés, en buvettes, ainsi que sur les droits télévisés. On peut également penser au prix de la prestation, des publicités virtuelles ou des placements de produits à travers le casque", énumère-t-il.
"Cela ouvre un champ des possibles qui aujourd'hui n'existe pas. C'est une bonne nouvelle, mais il y aura évidemment une période de transition, où ce sera un peu l'inconnu. On est au début de la découverte."
Virgile Caillet, expert en marketing sportif et délégué général de l'Union Sport et Cycleà franceinfo: sport
De même, les prestations, soit par l'achat d'un billet virtuel unique ou par un abonnement, permettent d'imaginer un modèle sans limite du point de vue des audiences, synonyme de gain financier supplémentaire pour les clubs ou les franchises. "Dans le modèle classique, lorsque la demande est très forte, le prix s'ajuste jusqu'à réaliser l'équilibre, rappelle Gary Tribou, professeur à l'université de Strasbourg, expert en marketing sportif. Mais le problème du sport est que, si on laisse jouer la loi du marché, les publics qui vont pouvoir suivre l'augmentation des prix ne seront plus les publics populaires, faiseurs d'ambiance. Et on va se retrouver entre VIP et sponsors, sans qu'il ne se passe plus grand-chose dans le stade", prévient-il en s'interrogeant par ailleurs sur la forme que prendront les futures offres d'hospitalité.
Les "géants du web" aux avant-postes
Un constat partagé par Virgile Caillet : "Si la réalité virtuelle peut être une formidable opportunité où l'on va imaginer des nouvelles sources de revenus, cela peut aussi être un danger, parce que le sport pourrait perdre un peu de son ADN, de sa ferveur populaire. Cette immersion individualise, alors même que le sport est une émotion partagée", pointe ce spécialiste.
"Le sport pourrait perdre à ne plus avoir de public dans les stades et de kops de supporters. Pour que cela ait de la valeur sur le plan technologique, encore faut-il que la réalité corresponde au spectacle que l'on attend. Si on met notre casque et que le stade est vide, cela devient un jeu vidéo."
Virgile Caillet, expert en marketing sportifà franceinfo: sport
Le sujet intéresse déjà les Gafam, surnommés les "Géants du web" que sont Google, Apple, Amazon, Meta (anciennement Facebook), Netflix pour ne citer qu'eux, qui investissent déjà le monde du sport et des droits télévisés. Ils pourraient venir concurrencer d'autant plus les diffuseurs traditionnels avec ces nouveaux modes de consommation du sport et ces expériences immersives. "C'est une évidence, appuie Virgile Caillet. On peut aussi imaginer qu'ils seront les diffuseurs principaux. On est évidemment sur des perspectives, avec deux écoles : soit on attend que cela se développe et on prendra le train en route, soit il y en a quelques-uns qui auront cette capacité à anticiper un peu le sujet et à être dans la locomotive."
Concurrence ou complémentarité des modèles ?
"Jusqu'à présent, on constate que les réseaux sociaux n'ont pas diminué le spectacle télévisé. Il y a une espèce d'accumulation des audiences qui profitent aux uns et aux autres, analyse le professeur à l'université de Strasbourg, Gary Tribou. Je ne sais pas si, au niveau médiatique, cela va créer une concurrence, et que la diffusion télévisée va devenir obsolète pour être remplacée par ce type de produit. Par contre, ce qui est clair, c'est qu'il va y avoir une redistribution des cartes."
Une redistribution notamment au niveau sponsoring, qui rappelle celle vécue avec les jeux vidéo. "Cela a donné beaucoup d'espaces aux marques et aux sponsors. Avec les casques VR, j'imagine que l'audience sera d'autant plus grande pour les marques. Elles vont devoir payer des droits marketing. Mais à qui ? Sans doute aux plateformes", prédit ce spécialiste, auteur de nombreux ouvrages, dont le dernier en date Management du sport, Marketing et gestion des clubs sportifs, en mai 2025.
Tout dépendra aussi des publics réceptifs à ces offres : s'agira-t-il de la jeune génération, la génération Z en particulier, née entre la fin des années 1990 et la fin des années 2000, qui aura grandi avec ces outils ou une partie de l'audience de base, un peu lasse du sport traditionnel ?
Si aucune étude n'a encore été réalisée sur le poids de la réalité virtuelle dans le sport, un rapport produit par le cabinet Deloitte publié en 2025, analyse les investissements en France et à l'échelle mondiale, de la SporTech, autrement dit l'ensemble des sociétés qui ont développé un secteur technologique dédié ou applicable au monde du sport. Dans celle-ci, il y est mentionné que "l'Amérique du Nord continue de s'imposer comme réceptacle majoritaire des investissements dans la SporTech, dynamisée par l'attractivité des startups étasuniennes (...) ayant levé un total de 16,3 milliards de dollars [14 milliards d'euros] au cours des cinq dernières années".
Dans ce classement, l'Inde pointe loin derrière en deuxième position, avec seulement 3,1 milliards de dollars (2,6 milliards d'euros), suivi par la Chine et ses 2,2 milliards de dollars (1,9 milliards d'euros). La France est en 7e place avec 0,9 milliard de dollars (775 millions d'euros). Dans ce contexte, Stéphane Villard, leader du secteur TMT pour "technologies, média, télécommunications" chez Deloitte, estime qu'il est possible d'extrapoler cette tendance à la réalité virtuelle dans le sport, bien qu'aucune étude propre à ce secteur n'ait encore été menée. Les chiffres liés à la réalité virtuelle sont "probablement au moins du même ordre que ceux cités précédemment, avec un marché américain ultra-hégémonique, et d'autres marchés en phase de croissance mais avec un important retard", pose-t-il.
Des contraintes et des coûts encore élevés
Pour l'heure, bien que les casques soient disponibles à la vente en Europe, leur prix reste un frein. Il faut compter aux alentours de 500 euros pour l'un des derniers casques Meta, et pas moins de 4 000 euros pour l'Apple Vision Pro. Autre limite au développement : les accès aux retransmissions en direct accessibles qu'aux Etats-Unis. Mais leur arrivée de l'autre côté de l'Atlantique est imminente. "On peut déjà voir un certain nombre de développements technologiques sur les lunettes connectées, accessibles au grand public, ce qui signifie que la recherche et développement a quelques coups d'avance", estime Virgile Caillet.
"Je suis assez convaincu qu'on va aller vers encore plus de digitalisation. Il est évident que pour toute une partie de la population, notamment les 'Gen Z' d'aujourd'hui qui auront 25-30 ans demain, ces outils technos font partie de leur quotidien, et donc, le sport devra s'adapter."
Virgile Caillet, expert en marketing sportifà franceinfo: sport
Malgré ces signaux, Stéphane Villard nuance l'arrivée massive des casques à réalité virtuelle dans le contexte actuel : "On est aux balbutiements, parce qu'il y a un certain nombre de points à régler, comme le prix des casques et un catalogue encore limité car les coûts de développement ou de transposition d'images en réalité virtuelle sont très élevés", souligne ce spécialiste du cabinet Deloitte.
L'autre problématique concerne surtout la captation en réalité virtuelle, dont les contraintes sont encore nombreuses. "Il faut être capable de capter suffisamment d'images, avec des caméras et angles de vues spécifiques, avec suffisamment de profondeur pour être capable de retranscrire la réalité et de la diffuser en VR. Cela nécessite des investissements importants et une reconfiguration des lieux de captation. Le développement de la VR dépendra de la standardisation de captation, qui n'est pas le cas aujourd'hui", pointe Stéphane Villard.
Un gain évident pour le bilan carbone des événements sportifs
En attendant, le développement de cette technologie est observé d'un œil intéressé par le monde du sport, qui derrière ces réflexions économiques, pourrait résoudre une partie de sa problématique environnementale. "On sait que le bilan carbone d'un événement ou d'une compétition sportive dépend à 75 % des déplacements individuels pour se rendre au stade. Avec ces outils, le bilan carbone serait divisé de manière considérable", observe le spécialiste en marketing sportif, Virgile Caillet.
Avant de questionner : "Est-ce acceptable aujourd'hui de faire déplacer un ou deux millions de spectateurs pour des Jeux olympiques ou une Coupe du monde ? Est-ce qu'il ne faut pas privilégier les populations domestiques dans les stades et trouver des alternatives pour les populations étrangères ? Je ne dis pas que c'est ce qu'il faut faire. Mais cela pose des vraies questions." De quoi, là encore, ouvrir un champ des possibles.
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