Mondiaux d'athlétisme : de la course aux records à celle aux médailles, comment Jimmy Gressier a changé de dimension

Article rédigé par Anaïs Brosseau - envoyée spéciale à Tokyo
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
Le Français Jimmy Gressier célèbre sa victoire sur le 10 000 m aux championnats du monde de Tokyo, le 14 septembre 2025. (JEWEL SAMAD / AFP)
Le Français Jimmy Gressier célèbre sa victoire sur le 10 000 m aux championnats du monde de Tokyo, le 14 septembre 2025. (JEWEL SAMAD / AFP)

Longtemps adepte de la chasse aux chronos, Jimmy Gressier s'est assagi et a appris à courir tactiquement. Avec une confiance gonflée par ses podiums en meeting, il est devenu le premier Français champion du monde sur 10 000 m dimanche.

Patienter 24 tours dans le premier tiers du peloton, caché à la corde. S'engager dans les derniers pour ne pas lâcher la tête. Et tenir lors d'un sprint haletant sur la dernière ligne droite pour aller cueillir la médaille d'or du 10 000m, devant l'Ethiopien Yomif Kejelcha et le Suédois Andreas Almgren. En devenant le premier champion du monde français du 10 000 m, dimanche 14 septembre à Tokyo (Japon), le Boulonnais Jimmy Gressier est entré dans l'histoire.

Dès jeudi en conférence de presse, le Français rêvait tout haut de ce scénario où il pourrait faire la différence dans l'emballage final à l'issue d'une course "lente". "Sur tous mes footings, ces deux dernières semaines, j'avais mal au cerveau parce que je ne faisais que penser à la course. Je me disais, si t'es dans le dernier 400 ça va le faire, et encore plus dans le dernier 100, tu vas le faire. J'ai fait un sprint comme si on me mettait une balle en profondeur", a retracé, enroulé dans un drapeau tricolore, Jimmy Gressier, qui s'est longtemps rêvé footballeur professionnel.

"Je suis arrivé avec beaucoup de confiance. Je contrôle beaucoup plus. C'est la maturité qui fait aussi ce résultat."

Jimmy Gressier, champion du monde du 10 000 m

en zone mixte

"J'aime beaucoup la règle des trois T de Bob Tahri [ancien athlète tricolore muti-médaillé] : talent, travail, temps. Aujourd'hui, je pense qu'elle a été appliquée", a savouré à l'issue de sa course Jimmy Gressier, qui ouvre le compteur des médailles de l'équipe de France dans une soirée aussi marquée par la 4e place de la sauteuse en longueur Hilary Kpatcha. "C'est la récompense pour le personnage que j'essaye d'être au quotidien. Je pense à tous ceux qui m'ont toujours accompagné, ceux qui ne m'ont pas lâché, même quand on a essayé de me faire du mal", a glissé le coureur, en écho à la plainte classée sans suite de l'ancienne athlète Claire Palou pour harcèlement sexuel à son encontre.

Première victoire européenne depuis 2017

Le 10 000 m aux Mondiaux n'avait plus été gagné par un Européen depuis 2017, et le Britannique Mo Farah, né en Somalie. Les podiums des trois dernières éditions étaient même uniquement composés d'athlètes africains. Or, dimanche, dans la touffeur tokyoïte, les coureurs des hauts plateaux n'ont que rarement cherché à donner le rythme. Leurs relances n'ont jamais été assez franches. Et c'est finalement l'Américain Grant Fisher qui a pris les devants dans le dernier tour, Jimmy Gressier bien collé dans sa foulée. 

Jimmy Gressier lors de sa victoire sur le 3 000 m de la finale de la Ligue de diamant, le 28 août 2025, à Zurich (Suisse). (FABRICE COFFRINI / AFP)
Jimmy Gressier lors de sa victoire sur le 3 000 m de la finale de la Ligue de diamant, le 28 août 2025, à Zurich (Suisse). (FABRICE COFFRINI / AFP)

Cette arrivée au premier plan des Européens et Américains sur la scène internationale lors des courses de fond commençait à se faire sentir, en dehors même du cas à part du Norvégien Jakob Ingebrigtsen. Cette saison, Jimmy Gressier avait lui-même passé un cap en prenant la 4e place sur 5 000 m au meeting de Ligue de diamant à Paris, puis la 2e à celui de Monaco, et enfin la première, au sprint, sur le 3 000 m de la finale de Ligue de diamant à Zurich, fin août. De quoi rassurer celui qui s'enfilait "des séances de la mort à l'approche des grosses courses" les années passées.

"On a changé quand même pas mal de choses avec mon entraîneur. J'arrive beaucoup moins cramé sur les courses."

Jimmy Gressier, champion du monde du 10 000 m

en zone mixte

"À l'époque, mon coach me disait déjà que je pouvais suivre les meilleurs Africains. Encore fallait-il le faire. Et je n'arrivais pas à le faire tout simplement parce que je me cramais à l'entraînement", a déroulé Jimmy Gressier, qui avait terminé 13e de la même distance aux Jeux de Paris. Avant son entrée en lice, celui qui s'illustre autant dans les labours (multiple médaillé européen sur le cross), la route (champion d'Europe en titre du semi-marathon) que sur la piste avait confié ne "s'être jamais senti aussi fort mentalement" grâce à beaucoup de "fraîcheur".

Les effets de la lutte anti-dopage

En plus d'un plein de sagesse à l'entraînement, Jimmy Gressier a aussi fait évoluer ses ambitions, lui qui a longtemps couru après les records de France et d'Europe, faute de pouvoir jouer les premiers rôles face à la concurrence africaine. "Aujourd'hui, vu que j'ai déjà réalisé des bons chronos dans ma carrière, je ne suis plus pressé de vouloir les faire. Quand je suis en championnat, je m'en fous du chrono", posait-il en conférence de presse jeudi. 

Très engagé dans la lutte anti-dopage, Jimmy Gressier a aussi tenu à remercier les agences internationales pour leur travail "monstre". "Ça permet de remettre le niveau un peu plus à plat, plutôt que d'avoir des extraterrestres intouchables devant. Je pense que c'est grâce à eux aussi qu'aujourd'hui je suis champion du monde." 

Le programme de Jimmy Gressier à Tokyo n'est pour autant pas achevé. Il a rendez-vous avec les séries du 5 000 m, vendredi, avant une éventuelle finale, dimanche. "Si je réussis mon 10 000 m, je peux être très, très compétitif sur le 5 000 car je serai ultra-motivé, appuyait-il jeudi. Et le niveau de forme ne va plus bouger. Ce qui va soit progresser ou régresser, c'est le mental." Mais peut-être ne pensait-il pas déjà réaliser "son rêve d'enfant" dès sa première épreuve. 

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