: Témoignages "Le mec qui parle en mal de ses ex, c'est red flag" : le drapeau rouge, symbole des nouvelles exigences amoureuses des jeunes femmes
Cette expression anglophone est entrée dans le langage courant des Français de moins de 35 ans. En particulier des jeunes femmes, qui ne sont pas forcément à l'affut des mêmes mauvais signaux que les hommes, et s'inquiètent davantage pour leur sécurité.
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"Un red flag, c'est la goutte de trop.
– C'est genre quand ça dépasse la limite.
– C'est le truc que tu peux vraiment pas supporter. Tu peux pas fermer les yeux dessus !"
A Nanterre (Hauts-de-Seine), près de l'université, ce mardi de juillet, Inès et Soumeya racontent prendre très à cœur les red flags, ces mauvais signaux que peut renvoyer une personne. Au point, dans certains cas, de mettre fin à une relation amoureuse, ou même de ne jamais l'entamer. La liste de red flags de ces étudiantes en langues s'étend des goûts vestimentaires jugés douteux ("un mec qui porte des socquettes") au manque d'intelligence émotionnelle ("quelqu'un qui minimise mes sentiments quand je suis triste"). "Evidemment, sur les socquettes, on peut s'arranger", rigole Soumeya.
Comme crush, l'anglicisme red flag (littéralement "drapeau rouge") est pleinement entré dans le langage courant amoureux des jeunes Français, peu importe leur orientation sexuelle. "Le terme red flag a d'abord essaimé dans les villes. Avec les réseaux sociaux, il s'est diffusé partout, à la campagne, en banlieue, dans les milieux populaires", constate Rebecca Lévy-Guillain, sociologue spécialiste du genre. "On pourrait en parler des heures. C'est un sujet qui revient souvent dans nos conversations entre copines", glisse Inès.
Pour mesurer la popularité de l'expression, il suffit de faire un tour sur TikTok. Le réseau social brasse des millions de vidéos avec le hashtag #redflag. Mais ce thème reste essentiellement repris par des créatrices de contenus d'une vingtaine d'années qui donnent, pour l'essentiel, des conseils en amour.
"Premier red flag : le mec ne fait que parler de ses ex en mal. (...) Si ses ex étaient folles, tu seras la prochaine folle, donc fuis", assure face caméra Agathe, du compte @agathefeeling, depuis sa salle de bain. Au téléphone, la jeune femme de 23 ans explique que cette vidéo, publiée en janvier, a suscité beaucoup de réactions en commentaires et messages privés. "Dans notre génération, beaucoup de personnes sont sur les applications de rencontre et sont amenées à faire l'expérience du 'dating' [les rendez-vous]", remarque Agathe. A ses yeux, plus on multiplie les rendez-vous galants, plus on risque de tomber sur un red flag ambulant.
"Les jeunes femmes pensent sécurité"
Dans son cabinet, Line Mourey constate une différence nette entre les signaux d'alerte des jeunes femmes et ceux des jeunes hommes. "Elles parlent beaucoup de red flags qui relèvent de leur sécurité, ce qui est logique quand on sait que les femmes sont, dès le plus jeune âge, sensibilisées au danger. Les hommes, eux, ont moins de probabilité d'être victimes de violences (physique, psychologique ou sexuelle) dans une relation amoureuse", développe la psychologue clinicienne, qui précise toutefois que sa patientèle est à 70% féminine.
"Cette dimension genrée du red flag s'inscrit dans la lignée de #MeToo, de la dénonciation publique des violences sexistes et sexuelles."
Rebecca Lévy-Guillain, sociologue spécialiste du genreà franceinfo
"Si un homme est perçu comme un Don Juan, cela fait fuir. A l'inverse, un garçon sensible, ce n'est plus du tout repoussoir pour les jeunes femmes", constate la sociologue dans le cadre de ses entretiens de recherche.
Une récente étude de l'Ifop auprès de 1 000 jeunes de 18 à 35 ans, réalisée pour l'application de rencontres Tinder et le réseau d'associations Solidarité femmes, s'est penchée sur l'importance attribuée aux red flags en fonction du genre. On y apprend que "87% des femmes âgées de 18 à 24 ans sont attentives aux signaux en début de relation, un chiffre significativement plus élevé que pour les hommes du même âge (78%)". Le décalage est aussi frappant concernant la nature de ces red flags : les jeunes femmes accordent plus d'importance "au fait que leur date [la personne avec qui elles sont en rendez-vous] rabaisse les personnes, au chantage affectif et aux attitudes discriminatoires", alors que les jeunes hommes sont plutôt refroidis par "la jalousie et la curiosité excessive".
Dans un bar de Nanterre, Lucas, 22 ans, évoque lui aussi comme mauvais signaux "une partenaire qui veut tout contrôler" et "le côté pas assez 'famille'". "J'ai été avec quelqu'un qui ne voulait pas rencontrer mes parents, alors que je suis très proche d'eux. C'est un état d'esprit qui peut me blesser", relate le jeune homme. Son ami Paul, 21 ans, mentionne "l'absence de second degré" et la couleur des cheveux : "Je préfère les blondes", glisse l'étudiant en architecture. Ce qui s'apparente plutôt à un green flag, un signal positif.
"Ma mère et ma grand-mère ont accepté trop de choses"
Chez les jeunes femmes, les red flags découlent en grande partie des traumatismes hérités de leurs précédentes relations. "J'ai rencontré un garçon dans un magasin où on travaillait tous les deux. Quand il fallait passer le balai, il faisait sans cesse des commentaires du style 'c'est le rôle de la femme', raconte Soumeya. Au début, je lui ai laissé le bénéfice du doute. Aujourd'hui, c'est devenu un red flag, car je pense qu'on ne dit jamais ça que pour rigoler." Dans un bar du 18e arrondissement de Paris, Salomé*, 27 ans, se remémore l'une de ses anciennes relations, qui s'est terminée il y a huit ans.
"Mes amis étaient soulagés que je ne sois plus avec lui. Je ne m'en rendais pas compte sur le moment, mais ses crises de jalousie étaient toxiques."
Salomé, 27 ansà franceinfo
Selon Line Mourey, les jeunes, peu importe leur genre, sont tous à la recherche d'une relation saine. Mais ils ne le "verbalisent" pas toujours de la même manière. Pour la psychologue, l'expression red flag et ce qu'elle implique tranchent surtout l'approche des générations précédentes : la jeunesse actuelle met au centre le bien-être personnel dans une relation – qu'elle soit d'ailleurs sérieuse ou non. "Les jeunes attendent de leur partenaire et de la relation qu'elle leur apporte réellement quelque chose. Ils sont moins tiraillés qu'avant par l'injonction d'être en couple à n'importe quel prix, et fixent d'autres limites", note Line Mourey. "Pendant longtemps, il était inimaginable de ne pas avoir d'enfants et de ne pas être marié", complète Anne Latuille, thérapeute en psychotraumatologie et autrice de Red flags en amour (éditions Syros). Un modèle de réussite de plus en plus questionné.
Mais pour Anne Latuille, tous les signaux ne se valent pas : "Il y a des red flags graves, qui peuvent mener à des séquelles importantes, et d'autres qui sont plutôt de l'ordre de la compatibilité." Rien à voir, par exemple, entre un partenaire qui rabaisserait l'autre et celui qui ne voudrait pas d'enfants. Line Mourey rappelle aussi que l'expression anglophone n'est "en rien un concept validé en psychologie", et que chacun est libre d'y accoler la définition qu'il souhaite. Pour certains, porter des socquettes est un red flag. D'autres parleraient simplement d'un tue-l'amour.
"Il faut laisser le temps à la rencontre, à la complexité de l'être humain", conseille par ailleurs Line Mourey. Elle suggère qu'il est important de déceler les signaux d'alerte, mais rappelle que "le partenaire parfait n'existe pas". Ainsi, un désaccord n'est pas un red flag. Marie, qui a fait plusieurs contenus à ce sujet sur son compte TikTok @mariecaparlefrancais, essaye de "ne pas chercher la petite bête" chez les partenaires qu'elle peut rencontrer. "J'ai parfois des remarques de ma mère et de ma grand-mère, comme quoi j'ai trop de critères, observe-t-elle cependant. De mon côté, je considère aussi qu'elles ont pu accepter trop de choses." Agathe, elle, a quitté les applications de rencontre en janvier, quelques jours seulement après la publication de sa vidéo sur les red flags. Son partenaire coche, d'après elle, tous les green flags.
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