: Témoignage "Je n'existe pas avant l'âge de 12 ans" : pour Djamila, fille de harki, le combat pour la reconnaissance du camp où elle a grandi
Djamila a aujourd'hui 63 ans. A la fin de la guerre d'Algérie, elle a vécu trois ans à la cité des Chaumines à Buchelay (Yvelines). Un camp de harkis qui, comme d'autres, n'est pas encore reconnu comme ayant servi de structure d'accueil.
Aujourd'hui, il ne reste rien. Aucun vestige. Seulement de petits pavillons enroulés juste en haut de l'église. Pourtant, Djamila, 63 ans, se souvient très bien de ce jour de décembre 1968. Elle a neuf ans quand elle arrive avec ses parents dans la cité des Chaumines à Buchelay (Yvelines). Il y a ce grand portail et derrière, "des préfabriqués". "Je crois qu'il devait y avoir entre 20 et 25 familles, il me semble. On n'était qu'entre nous, on n'était qu'entre rapatriés d'Algérie."
Il fallait fuir le pays, car son père était harki. Plusieurs dizaines de millers de ces supplétifs musulmans de l'armée française pendant la guerre d'Algérie, souvent accompagnés de femmes et d'enfants, ont été transférés en France après l'indépendance, où ils ont été placés dans des camps de transit aux conditions de vie indignes. Pour Djamila, la nouvelle vie dans le camp à Buechelay est rude. Deux pièces pour une famille de six, un petit poêle et à l'extérieur, c'est la double peine. "Les Arabes, rentrez chez vous, les bougnoules... On était perdus : on ne sait pas qui on est, où on est et pourquoi on est là." Elle y restera trois ans, jusqu'en 1972. Ensuite, c'est le silence pendant des décennies. L'histoire est trop douloureuse. On n'en parle pas en famille ni aux amis.
"Pas de papiers, pas de documents scolaires"
Mais en 2022, la loi portant sur les aides attribuées aux harkis est l'un des éléments déclencheurs pour Djamila. Elle se rapproche alors de l'association Agir pour les harkis, qui n'avait jamais entendu parler de ce camp de Buchelay. Depuis le mois de mai 2023, 45 nouveaux sites ont été reconnus comme des structures d'accueil donnant droit à réparation, c'est-à-dire à une indemnisation, pour les harkis et leurs familles.
Mais la cité des Chaumines n'en est pas encore là. Le travail d'investigation commence, épaulé par la mairie de Buchelay, qui exhume les archives de l'époque. "Il y avait des plans, beaucoup de courriers, plusieurs documents sur la vie des Chaumines, explique Djamila. C'est bien indiqué, bien spécifié que c'étaient des familles qui étaient rapatriées d'Algérie."
Le 9 septembre dernier, le dossier est remis au préfet pour que le camp des Chaumines soit officiellement reconnu. Et ce serait pour Djamila une sorte de renaissance : "Je n'existe pas avant l'âge de douze ans. Je n'ai pas de papiers, je n'ai pas de documents scolaires. J'ai eu une existence à partir de l'âge de douze ans quand on a déménagé. Donc si les Chaumines sont reconnus, mon parcours sera reconnu. Pour moi, pour ma famille et toutes celles qui ont habité ici. Donc on attend la reconnaissance et l'indemnisation pour tout ce que nous avons subi. Il faut que ça se sache. Ce qu'ils n'avaient pas le droit de nous abandonner, comme ils l'ont fait".
Pour la première fois, cette année, une cérémonie en hommage aux harkis aura lieu lundi 25 septembre à Buchelay.
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