Sécurité routière : vitesse, alcool, drogue... Tolérance zéro à Orléans

Publié
Temps de lecture : 7min - vidéo : 7min
Article rédigé par France 2 - L. Nahon, L. Bensimon, R. Perret, D. Chevalier. Édité par l'agence 6Medias
France Télévisions

À Orléans (Loiret), les infractions routières dangereuses sont monnaie courante. La police et la gendarmerie y livrent une traque sans repos aux chauffards.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder dans son intégralité.


La nuit vient de tomber sur Orléans (Loiret). Début de patrouille dans une voiture entièrement banalisée, qui se fond incognito dans le flot de véhicules. "On va sur la tangentielle, c'est notre rocade. Elle est limitée à 70 km/h, c'est très accidentogène, tout le monde roule comme des fous", explique le commissaire Théophile Leroux, chef du Service Départemental Sécurité Publique du Loiret.

La stratégie des policiers : rouler environ à la vitesse autorisée et patienter. Après seulement quelques minutes, les premiers comportements dangereux. Une moto et la voiture noire qui la suit filent à très vive allure. Les policiers mettent le gyrophare. Il leur faut énormément accélérer pour intercepter les chauffards. "Ils font la course à 160 km/h sur une route qui est limitée à 70 km/h, avec des gens qui s'insèrent, avec des véhicules qui n'ont rien demandé", souligne le commissaire Théophile Leroux.

La moto ne sera pas interceptée tout de suite. Les policiers relèvent seulement sa plaque. Ils décident de se concentrer sur l'automobiliste. Vitesse excessive, absence de clignotants, plaques non conformes, le conducteur sera convoqué dans les tout prochains jours au tribunal de police. Il risque 750 euros d'amende. Son véhicule est immobilisé et, surtout, avec seulement deux points restants, il vient de perdre son permis. "J'ai fait une erreur et honnêtement, ça va me servir de leçon, je pense. Ma conduite a représenté un danger pour tout le monde", admet-il.

Un drame qui fait bouger les choses

Une fois par semaine, les policiers d'Orléans pratiquent ces contrôles en véhicule banalisé. Parfois, ils assistent à des drames. "On est allé annoncer des décès à 3h du matin aux parents, à des femmes enceintes qui viennent de perdre leur mari. Donc on sait ce que c'est que le choc de la mortalité routière. C'est-à-dire que c'est une vie qui se brise en 10 secondes", regrette le commissaire Théophile Leroux.

Sur les routes du Loiret, de nombreux accidents graves avec une année noire, 2024, et une mortalité qui repart à la hausse. 43 morts, c'est 60 % de plus que l'année précédente dans le département. En novembre dernier, sur une route, Myriam, 38 ans, a été mortellement fauchée. L'automobiliste prend la fuite. Sa mère et son beau-père s'y recueillent toutes les semaines. "Il est arrivé comme une flèche, comme une balle. Elle a volé par-dessus la voiture. Elle est retombée, toute cassée. Et le docteur nous a expliqué qu'elle était en arrêt cérébral et qu'il n'y avait pas d'espoir de la sauver", confie la mère.

Le chauffard a fini par se rendre à la police. L'homme a déjà plusieurs contraventions au code de la route à son actif. Une enquête a été ouverte pour conduite sans permis et usage du portable au volant. "Je n'attends rien de spécial de la justice. Il a volé la vie de ma fille. C'est quoi maintenant ? C'est apprendre à vivre sans elle, c'est tout", déplore-t-elle. Depuis la mort de Myriam, la mairie a limité la vitesse sur cette route, installé quatre dos d'âne pour faire ralentir les voitures et ajouté des lampadaires.

Stupéfiants, alcool et fouilles

Des aménagements et de la prévention. Orléans a décidé de frapper fort. Partout dans la ville, des affiches annoncent la traque des chauffards, qualifiés tour à tour de guignols ou de blaireaux. Une campagne qui laisse sceptique. "Je pense que c'est pour se donner bonne conscience. Je ne suis pas certaine que les gens s'en soucient", considère une Orléanaise. "Il faut emmener les gens voir des accidentés", estime un autre habitant.

Dans le département, les contrôles se multiplient. Un véhicule vient d'être repéré aux jumelles en excès de vitesse sur l'autoroute. Les motards de la gendarmerie d'Orléans parviennent à l'intercepter et l'escortent jusqu'à la prochaine sortie. Pas d'immobilisation du véhicule ni mise en fourrière car l'excès de vitesse est limité. Mais un point sera retiré sur le permis du conducteur. "Mon sentiment, c'est que je n'ai pas été prudent. Après une dure journée de travail, on est pressé de rentrer chez soi et parfois, on manque de vigilance", reconnaît-il.

Et la vitesse n'est pas le seul danger traqué. 25 contrôles ont lieu chaque jour dans le département, en ville comme en campagne. Partenariat inédit entre mairie, préfecture et autorité judiciaire qui s'allient pour une tolérance zéro. Ce soir-là, la police municipale et nationale opère ensemble. Des contrôles de stupéfiants, d'alcool, des fouilles des voitures et la vérification des papiers.

Un automobiliste n'a pas le droit de conduire avec les chaussures qu'il porte. Mais surtout, il roule avec un permis étranger non valide en France et sans assurance. À ce titre, il n'a donc plus le droit de reprendre le volant. Un policier est chargé de garer sa voiture. Le contrevenant est emmené au commissariat. "Il va être présenté à un officier de police judiciaire qui soit le reconvoque, soit le relâche, soit il le sanctionne tout de suite", explique un agent.

La peur des représailles

À la Préfecture de police du Loiret, rares sont les caméras à pénétrer dans les bureaux. C'est ici que sont suspendus administrativement les permis de conduire. Des rayonnages remplis de cartons, rien que pour les deux dernières années dans le département. À l'intérieur, les fameux titres confisqués. 1 883 permis de conduire ont été suspendus l'an dernier dans le Loiret. Les agents préfèrent rester anonymes tant les menaces peuvent être grandes. "J'ai peur de représailles, d'intimidation ou de personnes qui insisteraient très lourdement, voire même physiquement, pour récupérer leur permis. C'est un sujet qui est très sensible", raconte l'une d'entre eux.

Pour les affaires les plus graves, c'est à la justice que les conducteurs doivent rendre des comptes. Ce matin-là, cinq affaires différentes devant le tribunal correctionnel d'Orléans. Des conduites sans permis, des rodéos urbains. Aucun des prévenus n'accepte d'être filmé ou de répondre à nos questions. "Ça relève véritablement de la violence routière. Je pense que c'est comme ça qu'il faut l'appeler. Ce sont des personnes qui, souvent, ont des casiers judiciaires, ont des faits de même nature, qui vont conduire sous l'emprise de l'alcool, qui vont conduire sous l'emprise de stupéfiants", souligne Emmanuelle Bochenek-Puren, procureure de la République d'Orléans.

La lutte contre la violence routière, une lutte de tous les acteurs et de tous les instants à Orléans. Mais les mentalités peinent à évoluer. Déjà 27 morts depuis janvier dernier et l'année n'est pas terminée.

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.