: Reportage À la patinoire de Cergy-Pontoise, une "bulle sensorielle" permet aux spectateurs autistes de suivre les matchs de hockey sur glace, à l'abri du bruit

C'est une initiative novatrice et inclusive. À Cergy-Pontoise, dans le Val-d'Oise, les spectateurs souffrants de troubles autistiques peuvent assister aux matchs de hockey sur glace depuis une tribune adaptée. Ce service a été proposé gratuitement à plusieurs familles, à trois reprises cette saison, notamment vendredi 21 février, lors d'un match de Ligue Magnus, le championnat élite de hockey sur glace.

Près de 3 000 personnes patientent pour prendre leur place dans les tribunes pour ce dernier match de la saison régulière de Ligue Magnus, entre les Jokers de Cergy-Pontoise et les Brûleurs de Loups de Grenoble. Mais ce soir-là, il y a également ces deux familles, dont quatre enfants, accueillis comme des invités de marque, à l'entrée VIP de l'Aren'Ice, le nom de la patinoire. Une entrée plus discrète, pour éviter la foule.

Christine, une maman, est accompagnée de ses deux fils. Michael 15 ans, autiste Asperger qui nous confie être : "Fan des Jokers, j'aime le hockey pour l'ambiance, la vitesse et le fair-play". Il y a aussi son frère, le jeune Mathéo, 12 ans, autiste, qui porte fièrement un maillot des Jokers. Christine nous prévient tout de suite avec un sourire : "Il ne parle pas mais il adore voir les Jokers".

Quelques jours plus tôt, Mathéo est venu voir jouer l'équipe, mais en tribune cette fois. Il en a souffert. Trop de bruit, les cris des supporteurs, le son du tambour : "Ça lui faisait mal à la tête, il mettait ses mains devant ses oreilles", raconte Christine.

Inclusion et plaisir

L'hôtesse à l'entrée nous guide jusqu'au premier étage, au niveau des loges. L'un des grands salons avec une vue imprenable sur la glace, a été rebaptisé "l'échappée sensorielle", un "lieu calme", prévient la pancarte sur la porte.

À l'intérieur, la lumière est tamisée. De grands fauteuils confortables ont été installés, et à un endroit de la pièce, du tissu a été accroché au plafond, pour créer comme une petite tente, un refuge, en cas de crise. Surtout dans cette salle sensorielle, aux vitres épaisses, l'écho du public et la ferveur des supporteurs s'entendent avec un niveau de décibels beaucoup plus bas.

Christine et ses deux fils s'installent pour profiter de la fête. Pour les encadrer, deux bénévoles du club sont présentes, Amélie et Céline qui ont contribué à créer cet espace. Céline, notamment, a travaillé 20 ans en pédopsychiatrie : "Il y a besoin d'un lieu sécurisant (...) car c'est une hyperstimulation constante un match de hockey, c'est beaucoup trop pour eux parce qu'ils n'ont pas les mêmes filtres que nous".

En tribune, les encouragements du public peuvent être perçus par ces enfants "comme une intrusion permanente, une agression perpétuelle. Mais notre objectif c'est que toute la famille puisse avoir la même sortie, ce qu'ils ne peuvent que très rarement faire parce que le milieu extérieur n'est pas adapté à leur pathologie". Amélie renchérit avec deux mots : "Inclusion et plaisir. Si vous regardez, tout le monde à la banane : les papas, les mamans, les enfants, c'est gagné !"

"Il a le sourire, il est heureux"

Mathéo pousse quelques cris, mais rien d'inquiétant. Christine, la maman, très émue, nous explique que c'est sa façon à lui d'encourager les Jokers : "Il a le sourire, il est heureux (...) c'est précieux pour moi." Car Christine n'oublie pas "le regard des gens", quand elle est en tribune avec son fils. Elle ressent une forme d'incompréhension chez certains : "Pourquoi il fait ses crises ?"

"Mais en fait ce n'est pas de sa faute. Il a juste un p'tit truc un plus", comme le dit le film d'Artus. Christine espère que les autres équipes de Ligue Magnus suivront l'exemple des Jokers de Cergy et mettront en place leur propre salle sensorielle, "parce que c'est important".

Jean-Christophe Cariou, le responsable des opérations du club, confirme que l'Aren'Ice accueille "la première salle sensorielle dans le hockey sur glace en France". Elle a été mise en place trois fois cette saison, et son ambition pour la saison prochaine : "Le faire une fois par mois et accompagner, pourquoi pas, d'autres clubs qui souhaitent en développer une chez eux."

Pendant ce temps, le nez collé à la vitre, Michael commente le match pour sa famille comme un journaliste sportif. Il ne lâche pas du regard la tribune K de la patinoire, celle où se trouvent les supporters les plus bruyants, qui donnent de la voix sans relâche pendant toute la rencontre : "J'aimerais bien y aller", lâche Michael. Sa mère lui demande d'être patient : "Dans deux ou trois ans."

En attendant, Michael fait passer le message avec une belle maturité : "Si vous avez des enfants en situation de handicap, venez ici, pour que vos enfants profitent du match !" Le match est terminé. Les Brûleurs de Loups de Grenoble ont battu les Jokers de Cergy 2 buts à 1. Michael réagit avec mesure : "Dommage." Fair-play forcément.