Rapport critique sur la prison de Fresnes : "Une situation dénoncée depuis des décennies"
Dans un entretien à franceinfo, François Bès, membre de l'Observatoire international des prisons, met en garde l'Etat contre de futures actions en justice.
Après Nouméa, Marseille ou encore Strasbourg, c'est au tour de la prison de Fresnes (Val-de-Marne) d'être pointée du doigt. Pour la huitième fois en huit ans, les équipes du contrôle général des lieux de privation de liberté ont recours, mercredi 14 décembre, à la procédure des recommandations en urgence. Avec cette mesure exceptionnelle, elles alertent le gouvernement sur "un nombre important de dysfonctionnements graves" au sein de cette maison d'arrêt des hommes, où "les conditions de vie des personnes détenues constituent un traitement inhumain ou dégradant".
Le tableau dessiné par cette autorité indépendante n'étonne pas François Bès. Le coordinateur Ile-de-France de la section française de l'Observatoire international des prisons espère que ce rapport va "accélérer les réformes".
Franceinfo : La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, pointe des problèmes de surpopulation, d'hygiène et de violences à Fresnes. Partagez-vous ce constat ?
François Bès : Oui. La surpopulation est le lot de toutes les maisons d'arrêt, du fait de l'explosion du nombre de détenus. Cela peut engendrer de la violence, particulièrement à Fresnes, qui semble avoir conservé sa tradition de prison ultrasécuritaire. Les stagiaires qui sortent de l'école de l'administration pénitentiaire sont effarés par le climat qui y règne. Certains ne tiennent pas le choc nerveusement, et j'ai effectivement des retours concernant des membres du personnel qui ont la main un peu leste sur les détenus.
En matière d'hygiène, des familles nous ont déjà alertés sur la présence de rats dans le tunnel menant aux parloirs, ainsi que de crottes sur le sol de ces parloirs. Des mères gardent leurs enfants sur les genoux, de peur qu'ils attrapent des maladies en touchant le sol.
Nous avions également connaissance des problèmes de punaises de lit, nous avons alerté l'agence régionale de santé et l'administration pénitentiaire à ce sujet. Pour venir à bout de ces nuisances, il ne faut pas se contenter de nettoyer les cellules, car le problème vient notamment des combles. Il faut détruire et reconstruire, ou lancer un vrai programme de nettoyage, comme dans l'hôtellerie, avec une fermeture de l'établissement et une réouverture sous contrôle. A Fleury-Mérogis, le problème a été résolu en vidant des bâtiments entiers. Cela se fait attendre à Fresnes.
Ces difficultés étaient donc largement connues ?
La situation de vétusté à Fresnes est connue et dénoncée depuis des décennies, d'autant que c'est la deuxième prison de France. En 2001, la ministre de la Justice, Marylise Lebranchu, évoquait déjà des besoins de rénovation dans les cinq plus grandes prisons de France. Toutes y ont eu droit (Fleury-Mérogis, la Santé, à Paris, les Baumettes, à Marseille) ou ont carrément été détruites (Loos, près de Lille), sauf Fresnes, où on se contente de menus travaux.
Pourquoi ce manque d'investissements à Fresnes, selon vous ?
Les budgets de rénovation sont avalés par d'autres postes de dépenses jugés plus prioritaires, comme la construction de nouvelles prisons et la sécurisation des établissements. Pour faire avancer la situation à Fresnes ces derniers temps, nous avons dû aller jusque devant les tribunaux. Nous avons ainsi obtenu la destruction des murets séparant les détenus et les visiteurs aux parloirs. En octobre, nous avons aussi fait condamner l'Etat par le tribunal administratif de Melun, qui a réclamé des mesures fortes et rapides contre les rats. On espère en voir bientôt les effets.
Que peuvent changer ces recommandations ?
Ces coups de projecteurs médiatiques peuvent accélérer les réformes, comme cela a pu être le cas aux Baumettes. Cela peut également servir de fondement à des actions en justice de la part de détenus, car il est question de traitements inhumains qui leur sont infligés et pour lesquels l'Etat peut être condamné. Ce type de condamnations, qui se développe, force l'Etat à améliorer les conditions de détention.
Mais, pour l'OIP, le problème se situe surtout au niveau des politiques pénales. La réponse à la surpopulation n'est pas dans la construction de prisons et dans le recrutement d'effectifs - qui, de toute façon, mettent du temps à produire des effets. Le désengorgement des cellules passe par le développement d'alternatives à l'incarcération, comme les mesures de probation, à Fresnes comme ailleurs.
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