Centres de rétention administrative : "Plus les années passent, plus ça se dégrade", dénonce la contrôleure générale des lieux de privation de liberté
"Dans les chambres, ils ne peuvent pas fermer la porte, donc il y a des gens qui rentrent la nuit. Comme les policiers ne rentrent pas, c'est la loi du plus fort qui s'installe", raconte par exemple sur franceinfo Dominique Simonnot la contrôleure générale des lieux de privation de liberté.
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"Plus les années passent, plus ça se dégrade", dénonce Dominique Simonnot la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, sur franceinfo ce jeudi, après la publication d'un rapport sur quatre centres de rétention administrative (CRA) pour les immigrés en situation irrégulière. Son document, publié ce jeudi au Journal officiel, cible les CRA de Lyon 2, du Mesnil-Amelot, de Metz et de Sète, qui sont jugés "attentatoires à la dignité" humaine.
Qu'avez-vous découvert en visitant ces quatre CRA ?
On a découvert ce qu'on ne cesse de découvrir, mais que le ministère de l'Intérieur, hélas, laisse sans suite. Après nos recommandations, malgré des engagements chaque fois de changer les choses. Ce qu'on voit, évidemment, ça empire au fil des années, parce que quand on parle de locaux dégradés, plus les années passent, plus ça se dégrade. Les CRA sont confiés à la garde de policiers, mais les policiers n'ont pas pour métier la garde. Le dernier CRA qui a vu le jour est celui de Lyon. C'est censé être le CRA du futur mais, plus que les autres encore, il montre une organisation très carcérale. Dans le cahier des charges, les policiers doivent le moins possible croiser les retenus. Ce qui fait qu'il y a une espèce de méfiance et de crainte qui s'installent de part et d'autre. Quand les gens ne se parlent pas, ça se traduit par de la violence. Il y a beaucoup de violence dans les CRA actuels.
Vous avez également constaté d'autres énormes manquements ?
Totalement. Il y a des endroits, par exemple, les gens dans les chambres, où ils sont trois ou quatre, ne peuvent pas fermer la porte, donc il y a des gens qui rentrent la nuit. Comme les policiers ne rentrent pas dans ce qu'on appelle ces "zones de vie", c'est la loi du plus fort qui s'installe. Ils tressent des espèces de lianes ou de cordes avec des draps pour condamner un peu l'entrée, pour comprendre quand quelqu'un rentre dans leur chambre, parce qu'ils ont peur. Il n'y a aucune distinction entre les portes des sanitaires et les portes des chambres, donc on peut rentrer dans une chambre en croyant entrer dans les toilettes. De plus, les toilettes ne ferment pas de l'intérieur, ce n'est pas très agréable.
Les retenus ont faim. Les rations prévues ne sont pas conformes. On a pesé le pain. Quand 100 grammes de pain est prévu, il n'y a que 80 grammes sur le plateau repas. C'est quand même moche d'économiser sur le pain.
Et c'est d'une saleté repoussante dans les chambres qu'on appelle "de mise à l'écart", qui pourtant sont destinées à des gens qui auraient causé des troubles graves et qui auraient mis en danger la vie des autres retenus. On a vu des gens qui, après des tentatives de suicide, étaient mis à l'écart, parfois 108 heures de suite. Quelque chose m'a dévastée au CRA de Lyon. Il y avait des croix gammées tracées sur les murs avec des excréments, à côté d'autres graffitis d'ailleurs, et personne n'avait pensé à nettoyer ces excréments. Quand j'en ai parlé au chef de zone, il a paru tomber du ciel. Se dégage de là-dedans une odeur pestilentielle. Quand on pense qu'il y a des gens qui passent des heures et des heures sans que ce soit nettoyé, c'est un peu effarant.
Vous avez transmis ces informations au gouvernement. Avez-vous eu une réponse ?
Pas de réponse. On en a eu assez que nos recommandations ne soient pas suivies d'effet, donc on a décidé de prendre quatre CRA qu'on a trouvés symptomatiques et on a fait les recommandations pour les quatre. Je ne sais pas ce que le gouvernement peut répondre, mais j'attends sa réponse avec impatience.
Il y a de plus en plus de monde dans les CRA, alors que les perspectives d'éloignement diminuent. Est-ce que vous avez remarqué que on ne nous donne plus le chiffre des OQTF (obligations de quitter le territoire français) ? Je pense que c'est parce qu'on pourrait faire le ratio entre le nombre d'éloignement effectif du territoire et le nombre d'obligation de quitter. Je sais, par des policiers, qu'on est à moins de 10% de taux d'éloignement, ce qui est relativement très faible.
Est-ce là un problème de moyens financiers, humains ou d'approche plus globale de ce que doit être un centre de rétention administrative ?
Je crois qu'il y a un peu de tout. Si nos concitoyens français étaient traités dans les pays étrangers comme on traite ici les ressortissants étrangers, je pense qu'on ne serait pas très contents. Il y a un problème de moyens, parce que, par exemple, bien que le cahier des charges prévoit 2h de ménage par jour, il y a une demi-heure qui est faite. Je ne comprends pas pourquoi on n'oblige pas les concessionnaires à respecter le cahier des charges. Et puis, il y a ce problème diplomatique avec les pays de retour qui ne reprennent pas leurs ressortissants. Alors quand j'entends des partis politiques dire "avec nous il y aurait 100% de retours", c'est faux. Et quand j'entends même le gouvernement prétendre que aujourd'hui "il y aura bientôt 100% de retours", c'est faux aussi parce que ça dépend des pays de retour.
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