Nantes : qui se cache derrière la tactique Black Bloc ?

Des scènes de "guérilla urbaine " à Nantes, décrira Manuel Valls, le ministre de l'Intérieur. Samedi dernier, en marge d'une manifestation contre la construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, des groupes d'individus, masqués et vêtus de noir, ont dévasté le centre de Nantes. 

Ils font partie de la mouvance des Black Blocs et sont connus depuis les dégradations qu'ils ont causées à Seattle lors du sommet de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1999 et celui de l'Otan à Strasbourg en 2009. L'expression Black Bloc a en fait été lancée par la police allemande en 1980 à Berlin-Ouest. Des affrontements avaient éclaté alors que la police vidait brutalement des squats de militants du mouvement autonome.

"La première fonction d'un Black Bloc est d'exprimer une présence anarchiste et une critique radicale au cœur d'une manifestation" (extrait de "Black Blocs : bas les masques")

Plus récemment, ils ont fait dégénérer des manifestations au Brésil, et en Egypte. Dans une interview donnée de façon anonyme au journal al-Yawm al-Sabi , l'un des activistes avait expliqué que les Black Blocs égyptiens étaient constitués de jeunes non affiliés et de membres du mouvement du 6 avril, une organisation de jeunes très active lors de la révolte qui a renversé Hosni Moubarak. Plusieurs médias égyptiens ont aussi expliqué qu'il s'agit aussi de supporteurs "ultras " du club de foot cairote al-Ahly.

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Impossible à identifier

Les Black Blocs sont décrits comme étant des jeunes de "l'ultra-gauche " hostiles aux institutions qui mènent des actions spontanées, voire violentes. A Nantes, une dizaine de policiers et gendarmes ont été blessés et hospitalisés. "Les Black Blocs forment, dans les manifestations, des groupes éphémères, dont l'objectif est de commettre des actions illégales, en formant une foule anonyme non identifiable ", explique Pierre-Henry Brandet, porte-parole du ministère de l'Intérieur.

"C'est la raison pour laquelle ces individus portent des vêtements noirs ou très sombres, ce qui rend difficile le travail d'identification et d'interpellation. Ils s'habillent ainsi au dernier moment, et changent immédiatement de tenue une fois les exactions terminées ", poursuit-il. 

Un mouvement non coordonné

Rémi Piperaud, auteur d'un mémoire universitaire sur le sujet, estime qu'en France, environ "un millier " de personnes feraient partie de ces mouvances spontanées, hors cadre syndical ou politique, dont sont issus les Black Blocs. "Le refus du principe de représentation est l'un des rares éléments idéologiques fédérateurs " du mouvement "constitué essentiellement de squatteurs et d'étudiants ". 

Ce sont des personnes prudentes qui évitent en général toute action coordonnée mais ils communiquent toutefois par l'intermédiaire de sites d'information ou de socialisation sur Internet ", explique-t-il. Selon Francis Dupuis-Déri, auteur de Block Blocs : bas les masques , paru en 2003, "un Black Bloc n'a pas de chef qui distribuerait les rôles à chacun et imposerait les objectifs collectifs ".

"Frapper un flic, ce n'est pas de la violence mais de la vengeance"(extrait de "Black Blocs : bas les masques")

Dans son enquête, Francis Dupuis-Déri revient également sur le rapport entre la violence et les forces de l'ordre. Il explique que pour les Black Blocs, la violence envers les policiers se "justifie parce que ceux-ci protègent des institutions illégitimes et incarnent la violence de l'Etat ". Devenir violent serait une vengeance qui fonctionnerait comme un "exutoire ". Un jeune Canadien défavorisé interrogé par Francis Dupuis-Déri expliquera ainsi après les violences à Québec en 2001 : "Je viens de la banlieue et les flics font ce qu'ils veulent toute l'année et ça passe sous silence ".

Les Black Blocs qui ont saccagé Nantes le weekend dernier, "ont une haine des forces de l'ordre. Hier, sur certaines façades à Nantes, on pouvait lire 'une balle=un flic' ", précise le porte-parole du ministère de l'Intérieur. Selon lui, les militants présents à Nantes "sont pour une bonne partie installés au coeur de la Zad, la zone à défendre de Notre-Dame-des-Landes. Ce sont eux qui, très régulièrement, prennent à partie les forces de l'ordre pour défendre ce qu'ils considèrent comme 'leur' territoire ", dit-il.