Hausse de la délinquance : "Sur ces questions d'insécurité, sur 30-40 ans, notre qualité de vie a baissé", pointe Frédéric Lauze, secrétaire général du Syndicat des commissaires de la police nationale
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Invité du "11h/13", Frédéric Lauze, le secrétaire général du Syndicat des commissaires de la police nationale, réagit aux chiffres de la délinquance publiés vendredi 26 septembre par le ministère de l'Intérieur, démontrant une hausse des crimes et délits, qu'il attribue à plusieurs facteurs.
Les chiffres de la délinquance sont en hausse. Publiées ce vendredi 26 septembre par le ministère de l'Intéreur, ces données font état d'une croissance sur les 12 derniers mois des tentatives d'homicide ou encore les violences sexuelles. Que retenir de ce bilan ? Frédéric Lauze, secrétaire général du Syndicat des commissaires de la police nationale, auteur de Insécurité : Stop à la descente aux enfers à paraître chez Fayard le 1er octobre, fait part de sa vision de la situation et de ces nouveaux chiffres, dans le "11h/13h" du vendredi 26 septembre.
Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
Florence O'Kelly : Vous êtes secrétaire général du Syndicat des commissaires de la police nationale. Vous n'êtes pas surpris par ces chiffres, j'imagine ?
Frédéric Lauze : Je ne suis pas surpris, mais j'ai un peu de recul, toujours, sur les chiffres. Ils traduisent une augmentation de la violence, ce qu'on voit également sur le temps long. Après, il faut faire un petit peu attention. C'est-à-dire que les chiffres de la délinquance, une partie des agrégats augmentent également tout simplement parce qu'on fait une comparaison sur un an. La comparaison sur un an, on compare également avec la période des Jeux Olympiques. Vous savez que la période des Jeux olympiques, on avait mis énormément de moyens, une immense mobilisation pendant les deux mois d'été, parfois un petit peu avant. Il y avait des moyens exceptionnels.
Donc c'est normal qu'il y ait mécaniquement une remontée ?
Exactement, c'est-à-dire que, mécaniquement, vous avez quand même une augmentation de la délinquance. Il faudrait voir ce qui relève de l'augmentation objective de la délinquance, mais ce qui relève aussi de ce que vous disiez très justement. L'augmentation mécanique, parce que quand vous avez une période où vous êtes saturé d'effectifs, forcément, la délinquance baisse.
On vous laissera analyser dans le détail et au calme ces chiffres parce que c'est votre travail aussi, c'est ce que vous faites et vous l'avez fait dans ce livre : Insécurité : Stop à la descente aux enfers qui paraît donc chez Fayard le 1er octobre. Parmi ces chiffres sur lesquels vous développez vos idées, c'est celui-ci qui nous a marqués : en 1960, seulement 500 000 crimes et délits pour une population de 46 millions d'habitants à peu près. Aujourd'hui, 3,6 millions. Ça, c'est le chiffre de 2022. Il signifie quoi ce chiffre ? C'est une explosion de l'insécurité et de la violence en France ?
Oui, c'est une explosion. Il signifie que sur ces questions d'insécurité, sur le temps long, notre qualité de vie a baissé. Je fais une comparaison. Je dis souvent, si le taux d'alphabétisation en France avait baissé de 30 %, 40 % sur 40 ans, évidemment, ce serait la folie en général, l'alerte, et on dirait que ce n'est pas satisfaisant dans un grand pays comme la France. Si l'espérance de vie avait baissé de 20-30 %, personne ne dirait que c'est normal, qu'il faut prendre en compte des paramètres, qu'on dirait qu'il y a quelque chose qui ne va pas, et qu'il faut se mobiliser. L'insécurité qui monte objectivement en prenant en compte la population, ça veut dire que notre qualité de vie baisse, ça veut dire que le coût de la sécurité augmente, ça veut dire que la confiance n'est plus là. Bien sûr, c'est un problème qui veut dire que l'on doit se mobiliser indépendamment du fait que le mode de comptabilité des statistiques a évolué, il était un peu moins fiable avant, mais il y a quand même une donnée de fond, c'est une très forte augmentation de la délinquance sur le temps long, sur 30-40 ans, et il faut se mobiliser, il faut inverser cette tendance, il ne faut pas l'accepter. Pas de fatalisme.
On ne peut pas dire que ça ne soit pas un sujet dont les politiques se sont saisis au cours des dernières années, même loin de là. Sauf que les faits se font toujours attendre et, la preuve, c'est le chiffre, avec la petite nuance qu'on a apportée tout à l'heure, mais ce sont tout de même des tendances de fond. Qu'est-ce qui a déraillé dans la lutte contre la délinquance et quand ?
Ce qui a déraillé, ça a commencé certainement dans une période où le civisme a baissé. Tacite, un philosophe ancien, disait que quand une société n'a plus de mœurs, elle crée des lois. On a fait des lois, on a moins de mœurs. Et tous les cadres, le service national, la notion d'autorité, je ne parle pas d'autoritarisme, tous les cadres qui existaient, la famille, un petit peu la morale, se sont quand même délités.
Vous nous ramenez à mai 68.
Ça a commencé, ça vient de loin. Et puis après, il y a eu une nouvelle stratégie, probablement dans les années 80, avec la gauche au pouvoir, qui a considéré que la délinquance était, en marginalisant la notion de responsabilité individuelle, de prison, de sanction, surtout un problème de contexte social. Elle a mis l'accent sur la prévention de la délinquance, ce qui n'était pas inutile, mais malheureusement, petit à petit, des armées au niveau judiciaire, d'après moi, la police et la justice, on a stigmatisé la prison et on a moins compris... Alors que la délinquance de masse montait, au même moment, on a quelque part désarmé les policiers. Par exemple, on a fait en sorte que la procédure pénale soit de plus en plus compliquée et complexe jusqu'à dégoûter les policiers. Des peines avec sursis qui se confondent avec des peines de prison ferme, on n'y comprend plus rien, on ne sait plus ce que veut dire ferme ou sursis.
"Le ministère de l'Intérieur réagit dans l'urgence, le primat de la communication l'emporte sur l'action"
On pourrait vous rétorquer qu'avant d'en venir à la justice, il y a aussi des raisons sociologiques. Une population immigrée paupérisée par rapport au reste de la population, logée dans certains quartiers avec moins d'accès aux ressources que le reste de la population, l'accroissement des inégalités aussi, ça, c'est quelque chose dont vous tenez compte ?
Tous les facteurs sont importants. Je suis persuadé que, d'abord, on peut rétablir la sécurité. On est dans un cadre national et souverain. Si vous me dites comment améliorer les questions strictement d'écologie en France, on a notre part à faire. Mais on dépend tellement d'un cadre mondial, pareil pour les questions économiques... Mais pour les questions de sécurité et justice, on peut le faire. Alors, bien sûr, il y a des conditions sociales, etc. Mais il y a aussi le fait qu'on a reculé sur la sanction. On n'est plus assez ferme. On a délité l'autorité, mais ce n'est pas que la police. Regardez dans les classes également, les enseignants qui se font attaquer, les pompiers qui se font attaquer. C'est pour ça que je parle d'un civisme en déperdition, parce que ce n'est pas qu'une question de police ou de justice, c'est une question globale. Et puis, je pense que le ministère de l'Intérieur réagit dans l'urgence. Le primat de la communication l'emporte sur l'action. Il faut une véritable stratégie, et une stratégie comme il en existe une pour la défense nationale, ça n'existe pas en matière de sécurité.
C'est vrai que l'instabilité politique n'aide pas. Vous parlez des maux de notre société, plus dans le détail, vous parlez du narcotrafic, du chiffre d'affaires que ça représente aujourd'hui, le chiffre est impressionnant. Puis aussi, dans ces mêmes maux, vous mettez la fraude sociale. Pour vous, ça va sur le même plan, ça contribue à ces problèmes de notre société ?
D'abord, oui, c'est un tout. Dès que vous n'avez pas de sanctions pénales, y compris de prison quand il le faut, de prison ferme avec incarcération, de la même façon, dès que vous ne faites pas payer les auteurs d'infraction, les gens vont continuer. Ce sont des êtres rationnels. Regardez les automobilistes. C'est quand même transférable et intéressant. Les automobilistes, la délinquance routière et la mortalité sur les routes a baissé drastiquement. On est passé de 17 000 morts en 1974, à 3 000 morts, on a économisé 500 000 vies. Mais pourquoi ? Parce que dès que vous commettez une infraction, que vous ne respectez pas un stop, vous dépassez la vitesse, vous avez immédiatement certitude de la sanction et de sanctions financières. On vous retire des points, vous payez et il n'y a pas de rappel à la loi. On ne dit pas rappel à la loi. C'est pour ça que moi, je prône une responsabilité avec des amendes pénales systématiques, un recouvrement de ces amendes parce que c'est une question de justice, d'équité, mais également parce que ça participe de cette dissuasion financière, y compris pour des gens dont on nous dit qu'ils ne sont pas solvables. Ils le seront un jour et s'ils ne sont pas solvables ou qu'ils organisent leur insolvabilité, contrainte par corps. Mais il faut défendre la société.
"Je suis favorable au retour d'un service militaire, non pas obligatoire, mais fortement incitatif"
Attaquer au porte-monnaie, c'est là un début de solution ?
C'est une des solutions, même si, comme je vous l'ai indiqué tout à l'heure, il faut aller sur tous les leviers. La prévention, la répression, le civisme. Moi, je suis favorable, je ne suis pas quelqu'un d'archaïque, ultraconservateur. Je suis favorable au retour d'un service militaire, non pas obligatoire, mais fortement incitatif. C'est ce que je mets dans mon livre, avec de véritables avantages, des avantages sociaux, des avantages retraite, des avantages formation pour ceux qui donneraient 10 mois de leur vie pour la nation sur un service militaire.
On va vous répondre que l'armée est professionnalisée, que personne aujourd'hui n'a vraiment envie ni intérêt à ce que ce service militaire revienne...
C'est un choix. Vous savez, à l'époque où moi j'ai fait l'armée, personne n'avait envie de faire l'armée et on le faisait parce qu'on avait des droits mais qu'on avait aussi des devoirs et qu'on était dans une société qui nous protégeait. Et aujourd'hui, avec la menace de la guerre en Ukraine et les autres menaces qui arrivent, on se rend bien compte à quel point le service militaire, mais cette fois qui serait universel, hommes et femmes, serait important pour des raisons de cohésion nationale aussi.
Vous dites fortement incitatif, pas obligatoire. Mais ce n'est pas un dealer qui va se porter volontaire...
Si, ce sont les Français, il faut que tout le monde fasse l'armée. Les dealers, ça va leur remettre pour une partie d'entre eux les idées en place. Et incitatif, c'est pour ça que je dis que celui qui fait ça doit avoir un avantage pour la formation, pour l'accès à l'emploi, pour les points retraite. Il faut que ce soit valorisé, et petit à petit, comme ça sera fortement incitatif, qu'il y aura un véritable plus, vous allez avoir de plus en plus de jeunes filles et de jeunes femmes qui vont venir de toute origine. Et ça, c'est important. Quand j'ai fait l'armée, la cohésion sociale nationale était plus forte, parce que, qu'on soit musulman, juif, ouvrier, on était tous ensemble. C'est qu'une des propositions parmi une quarantaine qui sont faites, qui ne concernent pas que la police, parce que la question de la sécurité englobe tout.
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