Harcèlement moral à France Télécom : "Ils savaient ce qu'ils faisaient"
L'ex-PDG de la société a été mis en examen, mercredi, après les 35 suicides de salariés survenus en 2008 et 2009. L'avocat Philippe Ravisy explique les enjeux de l'affaire.
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L'ex-PDG de France Télécom, Didier Lombard, a été mis en examen, mercredi 4 juillet, pour "harcèlement moral" après le suicide de 35 salariés entre 2008 et 2009. Vendredi 6 juillet, c'est l'entreprise qui pourrait être mise en examen à son tour. Des décisions inédites, selon des juristes, dans la mesure où les précédents dossiers au pénal n'étaient pas liés à un "harcèlement managérial collectif" des salariés, mais à un harcèlement individuel.
L'avocat Philippe Ravisy, auteur du livre Le harcèlement moral au travail (Editions Delmas), explique pour FTVi les enjeux de cette affaire.
France Télécom pourrait-elle être à son tour mise en examen en tant que personne morale ?
Philippe Ravisy : Quand il s'agit d'une personne physique, le harcèlement peut être la conséquence d'un trouble comportemental, d'un problème psychologique de la personne qui est poursuivie.
Mais quand il est question d'une personne morale, cette thèse ne tient pas car plusieurs acteurs sont mis en cause. Concernant France Télécom, la direction a donné des consignes précises : supprimer 22 000 postes. Ils savaient que leur nouvelle technique de management laisserait certains salariés "au bord de la route" [rapport de l'Inspection du travail, page 9]. Ils ont formé 4 000 agents pour suivre ces directives. Ils savaient donc ce qu'ils faisaient.
Que risque France Télécom?
En tant que personne morale, la loi prévoit une amende de 15 000 euros maximum. Puisqu'il s'agit d'un groupe, il ne peut pas être envoyé en prison... En ce qui concerne les ex-dirigeants, comme Didier Lombard, ils peuvent être condamnés à un an de prison ferme. Mais dans ma carrière d'avocat, je n'ai jamais vu personne subir cette peine. Je n'ai vu que des peines qui allaient jusqu'aux six mois avec sursis.
Qu'en est-il des salariés victimes de harcèlement ?
Tout dépend de leur statut. S'ils sont fonctionnaires, ils pourront faire appel au tribunal administratif. S'ils ne le sont pas, alors cela relève du droit privé. Les salariés devront donc s'adresser au conseil des prud'hommes. Dans tous les cas, ils seront indemnisés en fonction des dommages subis.
Connaissez-vous d'autres entreprises qui ont été poursuivies pour harcèlement moral ?
La même situation s'est produite lors de la fusion entre les groupes d'assurances Axa et Union des assurances de Paris (UAP), en 1996. Une association de victimes s'est créée pour dénoncer la nouvelle gestion des ressources humaines, mais l'entreprise n'a pas été condamnée. La loi sur le harcèlement moral n'a été promulguée qu'en 2002.
Le point commun de ces sociétés est toujours le management par la terreur. Les dirigeants croient qu'en déstabilisant les salariés, ces derniers auront peur et travailleront mieux.
Ça se passera de la même façon pour France Télécom ?
Si vous m'aviez posé cette question il y a dix ans, ma réponse aurait été ambiguë. A l'époque, la loi sur le harcèlement moral n'était pas appliquée. Les juges ne rentraient pas dans les détails. Ils estimaient que l'employeur était juste de mauvaise foi, et ce dernier n'était jamais condamné.
Mais cette situation a changé à partir de 2008, quand la Cour de cassation a rendu une série d'arrêts qui obligeaient les juges à examiner les griefs pour harcèlement moral un par un. Depuis, ils donnent une explication s'ils considèrent que le plaignant n'a pas été harcelé. La probabilité pour que France Télécom soit condamnée est donc plus élevée.
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