Reportage "On a besoin d'eux dans tous les services" : en Allemagne, les soignants étrangers inquiets des projets de politiques migratoires

Les débats sur la politique migratoire s'enflamment à quelques jours des élections législatives en Allemagne, dimanche.

Article rédigé par Sébastien Baer
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Panneau indiquant l'entrée en Allemagne à hauteur de l'ancien poste frontière de Stiring-Wendel sur l'autoroute E50. (ALEXANDRE MARCHI /NCY / MAXPPP)
Panneau indiquant l'entrée en Allemagne à hauteur de l'ancien poste frontière de Stiring-Wendel sur l'autoroute E50. (ALEXANDRE MARCHI /NCY / MAXPPP)

À cinq jours des élections législatives en Allemagne, plusieurs partis - dont la CDU, favorite du scrutin - ont durci le ton en matière de politique migratoire. Le débat s'est encore enflammé après le soutien du clan Trump à l'AfD, l'extrême droite en 2e place dans les sondages. Il y a là un paradoxe : l'Allemagne souffre d'une grave pénurie de personnel qualifié et elle a donc besoin de la main-d'œuvre étrangère. C'est particulièrement le cas dans le domaine de la santé. En Saxe-Anhalt, région de l'ex-RDA, un médecin sur cinq est étranger et 1 300 postes sont vacants dans les métiers de la santé.

Au premier étage de la clinique du Harz, Salah Layka, médecin syrien de 44 ans, sort du bloc opératoire. Le chef du service de neurochirurgie a passé deux heures à résorber une hémorragie cérébrale : "Je fais une trentaine d'opérations par mois sur la boîte crânienne et la colonne vertébrale. Ce sont des interventions lourdes donc je me sens très utile ici. Sinon, les patients seraient transférés ailleurs, loin de là où ils vivent. On doit faire pas mal d'heures supplémentaires parce qu'il y a une pénurie de personnel."

"Sans nos collègues étrangers, l'établissement ne pourrait plus fonctionner"

À la clinique, qui accueille 100 000 patients par an, un médecin sur trois est étranger. Vingt nationalités sont représentées, explique le directeur Matthias Voth : "On a besoin d'eux, en cardiologie, en neurochirurgie, dans tous les services… Sans nos collègues étrangers, l'établissement ne pourrait plus fonctionner. Dans les zones rurales, c'est difficile d'attirer les gens. Le nombre d'étudiants en médecine en Allemagne n'augmente pas et seuls 30% de ceux qui sont formés dans la région restent ici. Les autres partent."

Depuis une série d'attaques meurtrières impliquant des étrangers, le thème de l'immigration domine la campagne électorale. L'AfD veut fermer les frontières. Un dirigeant du parti conservateur a, lui, proposé d'offrir aux Syriens installés en Allemagne un billet retour et une prime de 1 000 euros.

Uwe Ebmeyer, président de l'ordre des médecins de Saxe-Anhalt. (SEBASTIEN BAER / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Uwe Ebmeyer, président de l'ordre des médecins de Saxe-Anhalt. (SEBASTIEN BAER / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Le ton se durcit, ce que regrette Uwe Ebmeyer, le président de l'ordre des médecins de Saxe-Anhalt : "La polémique est nuisible. Je trouve ça terrible, surtout en période de campagne électorale, quand on n'utilise pas les bons arguments et qu'on propage parfois des fake news. Cela a tendance à m'agacer."

"Nous devons veiller à ne pas laisser échapper cette main-d’œuvre et ces collègues."

Uwe Ebmeyer, président de l’ordre des médecins de Saxe-Anhalt

à franceinfo

Pour certains étrangers, ce climat devient pesant. Certains se sentent indésirables, remarque Samer Matar, le cofondateur de l'association des médecins syriens. "On aime notre travail en Allemagne, mais si le climat politique et social devient trop hostile, on se pose des questions sur notre avenir. Si on ne sent plus respectés ou valorisés, certains médecins pourraient choisir de partir" En 2015, Angela Merkel avait ouvert les portes de l'Allemagne à un million de réfugiés. Son successeur à la tête de la CDU, Friedrich Merz, promet lui de freiner l'immigration.

En Allemagne, les soignants étrangers inquiets des projets de politiques migratoires. Reportage de Sébastien Baer

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