"Immigration du fait accompli" : pourquoi les propos d'Edouard Philippe marquent-ils un tournant ?
Édouard Philippe se pose contre une "immigration du fait accompli", alors que le sujet agite la majorité et la droite. Et il prône la remise en cause d'un accord de 1968 avec l'Algérie. Autant de prises de position qui tracent un chemin vers 2027.
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Le dossier polémique de l’immigration devrait succéder à celui de la réforme des retraites : le gouvernement peaufine son texte pour juillet et espère un compromis avec la droite, tandis que des députés Les Républicains ont déposé coup sur coup deux propositions de loi sur le sujet. Et voilà qu'Edouard Philippe lance un pavé dans la mare avec une interview, lundi 5 juin dans L’Express, dans laquelle il préconise notamment de revoir l'accord de 1968 qui organise l'entrée, l'emploi et le séjour des Algériens en France depuis la fin de la guerre d'Algérie. En dénonçant, au passage, une "immigration du fait accompli".
>> Immigration : on vous explique l'accord de 1968 sur l’emploi des Algériens en France
En proposant de revoir cet accord, Édouard Philippe assume une volonté de "rupture" et fait une entrée fracassante dans le débat. D’abord, parce que l'ancien Premier ministre brise ce qui relève du tabou en dehors de l’arc qui va d'Eric Ciotti et Eric Zemmour en passant par Marine Le Pen, qui eux plaident pour la fin de cet accord. Et puis parce qu'il y a là de quoi déclencher une nouvelle crise diplomatique avec l'Algérie : les prises de positions d'un ancien ambassadeur de France au début de l'année avaient déjà déclenché un vent de colère de l'autre côté de la Méditerranée.
Le raisonnable Edouard Philippe, autoproclamé "loyal, mais libre", n'a donc cure de mettre dans l'embarras l'actuel gouvernement. Rappelons également qu'Emmanuel Macron travaille inlassablement depuis le début de son premier quinquennat à réconcilier les mémoires, panser les plaies de la guerre d'Algérie. Son ancien Premier ministre n'hésite pas à les rouvrir.
Des balises sur le chemin vers la présidentielle
A quoi joue donc l’ancien Premier ministre d’Emmanuel Macron ? Nul n'ignore son ambition présidentielle : l’homme place des balises sur le chemin jusqu'en 2027. C'est la première fois qu'il lance une proposition susceptible d'électriser le débat politique. Son parti, Horizons, appartient à la majorité présidentielle, or Gérald Darmanin, l’actuel ministre de l'Intérieur, a déjà dit qu'il ne toucherait pas à l'accord de 1968. Il fait valoir publiquement que son texte ne va pas assez loin. Edouard Philippe lui donne tort face aux Républicains qui eux-mêmes, dans leurs projets de loi, ne vont pas aussi loin.
Edouard Philippe a des relais à l’Assemblée nationale et un groupe qui a vocation à porter des amendements lors de l'examen du texte. De quoi faire tanguer le navire alors que Renaissance s'inquiète déjà de voir son unité dangereusement fragilisée dans le cadre des discussions, et que l'aile gauche s'inquiète que la recherche de compromis avec la droite ne vire à la compromission. "C'est une manière de les secouer, de leur faire comprendre qu'il faut faire preuve de courage", décrypte un proche du maire du Havre pour qui le concept de "ligne rouge" est fantaisiste et doit être rapidement abandonné par la majorité pour pouvoir avancer dans la négociation.
Une stratégie : celle de la parole rare
Edouard Philippe avance donc vers 2027, en rupture avec Emmanuel Macron, et imprime sa différence. Et il va continuer, en conservant une stratégie de la parole rare. Pendant ce temps-là, pour nourrir ses éléments de doctrine, il se déplace, "voit des gens", explique son entourage. "Il ne faut jamais oublier d'où vient Horizons", rappelle un de ses amis qui définit le parti comme une "diaspora d'élus locaux", de maires, anciens giscardiens, chiraquiens, sarkozystes, au cadre idéologique "patiné par leur expérience de terrain". Et régulièrement, celui qui n'est plus que maire du Havre envoie des cartes postales… On peut considérer qu'à partir de maintenant, il commence à égrener des éléments de programme : Edouard Philippe achève l’écriture d’un livre qui doit sortir à la rentrée et un fidèle avance que ce sera l'occasion de porter sa vision de l'école et de l'éducation. Il sait que le chemin est long : il doit tenir quatre ans.
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