: Témoignage "On m'a poignardé à coups de compas" : 30 ans après son harcèlement scolaire, les séquelles toujours vives de Jérémy
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Jérémy a été victime de harcèlement scolaire lorsqu'il était au collège. Un calvaire quotidien qui a duré quatre ans. Âgé de 40 ans aujourd'hui, les séquelles sont toujours là.
Jérémy a 11 ans et demi lorsqu'il commence à être harcelé à l'école. Nous sommes en 1995, à Ballancourt, une petite ville rurale située dans le sud de l'Essonne. L'adolescent vient de dire au revoir à sa petite école de village composée d'une trentaine d'élèves pour faire son entrée en classe de sixième. Le collège compte 700 élèves au total. "Je n'étais pas prêt à affronter tout ça. Je n’avais pas les codes sociaux", se souvient Jérémy, âgé de 40 ans aujourd'hui. "Très rapidement, un petit groupe de personnes m'a repéré et s'est mis à jouer de moi", ajoute-t-il.
>> Angoisses, blessures, isolement... Comment repérer un enfant victime de harcèlement scolaire ?
Jérémy confie avoir à l'époque ce qu'il appelle "une famille à problèmes" : son père, peu présent, n'est pas là pour l'écouter, sa mère, en détresse psychologique, n'est pas capable de s'occuper de son fils correctement. Résultat, Jérémy est un enfant négligé, pas toujours très bien habillé et qui porte parfois des vêtements sales. C'est en partie à cause de cela que les autres se moquent de lui. La précarité familiale dans laquelle il vivait a été le point de départ de son harcèlement, explique-t-il à franceinfo.
"J'étais leur victime, leur passe-temps, leur défouloir"
Jérémy raconte que le harcèlement a d'abord commencé avec des demandes humiliantes, comme chanter des chansons ridicules en se mettant en scène devant les autres, un peu comme le bouffon d’un roi. "J’ai eu le malheur d’obtempérer la première fois, parce que je pensais que c’était comme ça qu’on se faisait des amis... Le piège s'est refermé autour de moi", confie-t-il. Puis, le groupe de huit harceleurs s'est peu à peu étendu : "Je me suis retrouvé face à 100 personnes qui se mettaient autour de moi et qui venaient me chercher jusque dans les toilettes pour m'obliger à me produire comme un bouffon à la récréation", se souvient-il douloureusement.
À l'époque, les équipes éducatives ne réagissent pas, ou pas assez. "Les pions étaient autour et ne bougeaient pas spécialement. Les CPE voyaient ça d'un œil un peu distant. Ils avaient sûrement d'autres chats à fouetter", dit-il. Et rapidement, après les moqueries, il y a eu les insultes, le racket puis les coups : "Des coups de poing sur l'épaule, des béquilles, des coups dans les jambes. Quand je rentrais à la maison, je prétextais être tombé dans les escaliers", raconte Jérémy. Un jour, un coup de poing dans le plexus l'a conduit directement à l'hôpital.
Le pire pour Jeremy a été l’année de quatrième, classe qu’il a redoublée. "J'étais persuadé que j'allais y laisser ma vie. Ça a été le climax de mon harcèlement", se rappelle-t-il avant de dénoncer le manque d'empathie et de réaction de la part du collège.
"J'étais dans une classe difficile, parce que l’administration avait décidé que j’étais un enfant à problèmes. Personne n’avait cherché les raisons de mon mal-être, de mes difficultés scolaires, des cernes que j’avais sous les yeux ou de mon absentéisme"
Jérémyà franceinfo
Jérémy se souvient d'un exemple traumatisant. "On est en cours d’histoire et d’un coup, je sens comme un coup de marteau dans mon dos. On venait de me poignarder à coup de compas. C'était un compas comme on en avait à l'époque, avec une grosse pointe", confie-t-il avant de continuer. "Je me suis écroulé sur ma table. J’ai réprimé un sanglot parce qu'évidemment, ça aurait rajouté à mon malheur". Il est sorti de la salle sans rien dire.
"Si les réseaux sociaux avaient existé, je serais mort aujourd'hui"
Comme beaucoup, Jérémy s'est isolé. À l'école, en se cachant par exemple derrière un mur à la récréation, et dans sa famille, en feignant que tout allait bien. "Tu t'enfermes dans ta tête. Tu te barricades et tu évites de laisser entrer les gens", explique-t-il. Lorsque l'on est harcelé, insiste Jérémy, "on a la certitude que personne ne peut nous sortir de là. On est en mode survie". Puis il confie avoir pensé au suicide : "Il y a un jour où j'ai failli faire une connerie. J'aurais pu. Si les réseaux sociaux avaient existé, je serais mort aujourd'hui", lance-t-il avec certitude.
"On a du mal à poser le terme de victime. On se dit que c’est dans l’ordre des choses."
Jérémy, 40 ansà franceinfo
Les choses ont commencé à s'arranger lorsque Jérémy a changé d'établissement en allant au lycée. Il y a rencontré ses premiers véritables amis, et aussi celle qui est devenue sa femme, Mélanie. Jérémy a par la suite quitté le domicile familial pour aller vivre chez les parents de sa compagne. La route a été longue. "C'est après, quand on sort de cet enfer, qu'on se rend compte qu’on peut, peut-être, mériter autre chose de l'existence", dit Jérémy avant de terminer. "Je vais avoir 40 ans dans quelques jours, et il m'arrive encore d'en douter".
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