Projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles : "On ne peut pas mettre un policier derrière chaque femme"
La secrétaire nationale du syndicat de la magistrature, Katia Dubreuil, s'est inquiétée lundi sur franceinfo du projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes. Selon elle, l'allongement du délai de prescription en cas de viol apporte "de faux espoir" aux victimes. Elle regrette par ailleurs qu'on fasse "du pénal quelque chose de symbolique".
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La secrétaire d'État à l'égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, a développé lundi 16 octobre dans une interview au journal La Croix les grandes lignes de son projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles, pour lequel une grande consultation est lancée.
La secrétaire nationale du syndicat de la magistrature Katia Dubreuil a estimé sur franceinfo que "les pistes développées par Marlène Schiappa dans son interview ne sont absolument pas la bonne voie pour mieux répondre aux violences sexuelles". Selon elle, le fait de pénaliser le harcèlement de rue par une verbalisation "n'est pas adapté". Le syndicat de la magistrature n'est "pas favorable" non plus à l'allongement du délai de prescription en cas de viol ou de violences sexuelles.
franceinfo : avez-vous déjà échangé avec la secrétaire d'État à propos de ce projet de loi ?
Katia Dubreuil : Non, mais nous allons demander à être consultés sur ce projet puisqu'il nous apparaît que les pistes développées par Marlène Schiappa dans son interview ne sont absolument pas la bonne voie pour mieux répondre aux violences sexuelles. Sur l'idée d'un seuil pour présumer qu'un mineur n'est pas consentant à un acte sexuel, il y a déjà dans notre droit une protection du mineur de moins de 15 ans concernant les actes commis par un majeur, à travers l'infraction d'atteinte sexuelle, qui dit que tout acte sexuel est interdit. C'est puni d'une peine de cinq ans d'emprisonnement. D'autre part, il y a l'infraction de viol, où on apprécie la contrainte et la surprise, et dans cette appréciation, on prend déjà en compte la fragilité particulière d'un mineur de moins de 15 ans.
Certains disent qu'il y a en France un vide juridique sur cette question du viol des mineurs.
Non, on a les éléments qui permettent au magistrat d'apprécier le défaut de consentement et de caractériser le viol. Dans notre système actuel, ce sont les magistrats qui ont une appréciation "in concret"' de la situation, en fonction du contexte, et ils sont guidés par la loi pour retenir plus facilement la contrainte et la surprise par rapport aux mineurs, puisque la loi dit qu'on peut déduire cette contrainte de la différence d'âge ou de la relation d'autorité.
Êtes-vous favorable par ailleurs à l'allongement du délai de prescription en cas de viol ou de violences sexuelles ?
Non. On connaît toute la complexité énorme et la difficulté terrible de déposer plainte quand on est une victime de ce type d'actes : la peur, la honte, et le fait que ces femmes ou ces hommes se sentent responsables à tort de ce qui leur est arrivé. On sait que certaines victimes occultent ce qui leur est arrivé pour supporter ce qu'il s'est passé. Mais ce n'est pas à travers un allongement de la prescription qu'on pourra répondre à ce problème. C'est à travers un travail d'éducation et de prévention qui doit encore être renforcé, des dispositifs d'aide aussi bien des accompagnements et de la prévention à l'école ou dans les services médicaux. Car quand on augmente la prescription, on donne de faux espoirs aux victimes. Aussi longtemps après, le dépérissement des preuves est évident. Donc on a simplement la parole de la victime, et même si elle est crédible, on ne peut pas fonder une condamnation d'une personne sur l'unique parole de la victime.
La prévention doit-elle être renforcée en France ?
C'est indispensable que ce genre de faits ne soit pas toléré. On voit bien à travers tout ce qui se passe sur les réseaux sociaux qu'il y a une parole qui n'est pas exprimée de la part de victimes. Il faut modifier la façon dont notre société conçoit et réagit à ces faits. Pénaliser ces faits par une verbalisation n'est pas adapté. D'abord pour une raison pratique : il est impossible de mettre un policier derrière chaque femme, si on est sérieux. Ce sera donc comme d'habitude une procédure classique, avec une plainte, et un risque fort que ce soit comme d'habitude la parole de la femme contre la parole de l'agresseur. Et puis pour des raisons de fond. Le pénal, on en fait souvent à travers un certain nombre de lois quelque chose de symbolique. Notre droit pénal regorge d'infractions qui ne peuvent pas être appliquées en pratique, qui s'accumulent et qui brouillent notre droit. L'effet dissuasif par ailleurs est nul car les personnes savent qu'il n'y aura pas un policier derrière chaque femme.
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