"J'ai été agressée dans l'une de vos piscines et je ne suis pas la seule" : à Paris, une journaliste révèle avoir été filmée à son insu dans les vestiaires et porte plainte
Après avoir partagé son témoignage sur les réseaux sociaux, Laurène Daycard a reçu plusieurs messages de femmes qui expliquent avoir été victimes de faits similaires.
"Mais c'est pas vrai, on est en train de me filmer !" La journaliste Laurène Daycard relate dans un post Instagram avoir poussé ce cri de sidération en apercevant une caméra de téléphone, alors qu'elle se rhabillait dans une cabine de la piscine Georges-Hermant, dans le 19e arrondissement de Paris, mardi 1er avril.
C'est en relevant les yeux qu'elle aperçoit la lentille d'un smartphone, dissimulée dans un sac, glissé sous la cloison. Alors qu'elle tire sur le tissu pour attraper l'appareil, une résistance s'exerce depuis l'autre côté. "C'est mon sac", répond une voix masculine. La jeune femme hésite, relâche sa prise, mais décide de ne pas s'arrêter là. Enfilant ses vêtements à la hâte, elle fonce alerter un agent d'entretien. L'employé s'allonge au sol pour tenter d'identifier le voyeur, lui-même à terre, dans une cabine voisine. C'est de là qu'émerge "au bout de quelques minutes qui [lui] semblent durer une éternité (...) un gringalet en slip, la quarantaine". L'individu est alors interpellé et placé en garde à vue.
"J'ai hésité à poster ce message, ça me dégoûte"
Sa comparution immédiate pour "voyeurisme aggravé", un délit faisant encourir deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende, a été fixée au vendredi 4 avril, selon le parquet de Paris. L’audience a été renvoyée au 13 juin et une expertise psychiatrique a été ordonnée. Le prévenu, âgé de 38 ans, a été placé sous contrôle judiciaire. Jusqu'à son procès, il a interdiction d'entrer en contact avec la victime et de paraître dans les piscines et les salles de sport. Par ailleurs, il devra pointer au commissariat une fois par semaine, suivre des soins psychologiques et justifier d'un emploi ou d'une recherche d'emploi. En parallèle, une enquête incidente a été ouverte pour détention d'images pédopornographiques, ajoute le parquet. Selon le témoignage de la journaliste, l'homme a reconnu "avoir l'habitude" de filmer des femmes, "mais aussi de très jeunes filles" à leur insu.
Sur les réseaux, Laurène Daycard confie avoir "hésité" avant de rendre l'affaire publique. "Ça me dégoûte", lance-t-elle. Son choix a finalement été motivé par le récit d'une autre femme, partagé sous le pseudonyme "Nageuse parisienne", qui évoquait en janvier 2024 "une chose désagréable" survenue à la piscine Alfred-Nakache (20e arrondissement). "Un homme m'a prise en photo ou filmée quand j'enfilais mon maillot dans ma cabine", signalait-elle dans une story.
"Je n'avais jamais envisagé une cabine de piscine comme un lieu où on pourrait ne pas être en sécurité."
Nageuse parisiennesur Instagram
Contactée par franceinfo, la passionnée de natation explique avoir mis du temps à s'exprimer davantage par crainte "d'abîmer l'image de la piscine". Mais la parole de Laurène Daycard l'encourage à revenir sur cet épisode, dans une newsletter datée du 4 avril. "Je ne savais même pas quel nom ça portait, ce genre d'infraction", y confie-t-elle. Ce n'est qu'en déposant plainte qu'elle a découvert les termes juridiques : "atteinte à la vie privée", "violation de domicile".
De nombreux autres témoignages
Elle se souvient avoir été confrontée, au commissariat, à "des dizaines de visages d'hommes" fichés pour des faits similaires. "Ils font ça dans les piscines et dans les cabines d'essayage de magasins de vêtements", lui a expliqué le policier. La victime n'est pas parvenue à identifier son agresseur mais a décidé de retourner nager malgré tout, en prenant le soin de changer de cabine. "Je préfère désormais celle au bord de la rangée, ça ne fait qu'une paroi à surveiller", glisse-t-elle.
Cette vigilance permanente semble être le quotidien de nombreuses nageuses. Depuis ces premières publications, les témoignages se multiplient. Sous le post initial de Laurène Daycard, plus de 200 commentaires de femmes relatent des faits de voyeurisme. L'une évoque un agent d'entretien qui, dans une piscine du 20e arrondissement de Paris, observait les collégiennes dans les vestiaires lors des séances scolaires. Une autre confie qu'un inconnu s'est hissé au-dessus de la cloison des toilettes pour la regarder, à la piscine Jacqueline-Auriol, dans le 8e arrondissement. "Idem à la piscine Saint-Merri [4e arrondissement]". L'autrice du message ajoute avoir changé de structure pour en choisir une "avec des vestiaires non mixtes". A Edouard-Pailleron, dans le 19e arrondissement, une femme écrit avoir été harcelée, suivie jusque dans les vestiaires par un nageur "coutumier des faits".
"Un homme a sorti son sexe de son maillot de bain et a commencé à se masturber devant moi. Je prenais juste ma douche", peut-on lire dans un autre commentaire, qui précise que les faits ont eu lieu à la piscine Georges-Hermant, celle où s'est déroulée l'agression dénoncée par Laurène Daycard.
Les pouvoirs publics appelés à "prendre à bras-le-corps ce problème"
Face à l'ampleur du phénomène, la journaliste indépendante a décidé de créer une adresse e-mail pour constituer un collectif de victimes d'ici au procès. Elle espère, via Facebook, retrouver d'autres femmes filmées à leur insu par le même homme. La journaliste indépendante a aussi interpellé les pouvoirs publics pour qu'ils "prennent à bras-le-corps ce problème". "Une simple recherche par mot clé 'voyeurs piscines' sur Google Actu permet de prendre conscience de l'ampleur du phénomène", a-t-elle martelé.
"La plupart des femmes qui témoignent résident à Paris ou dans la région. Mais il s’agit d’un problème national."
Laurène Daycard, journaliste indépendantesur Instagram
"J'ai été agressée dans l'une de vos piscines et je ne suis pas la seule, ça concerne aussi des enfants", s'est-elle indignée dans une story Instagram sur laquelle elle tague le compte de la Ville de Paris. Karim Ziady, conseiller de Paris délégué au Sport de proximité et élu du 17e arrondissement, l'a assurée de son soutien en commentaires et a promis de "mobiliser [ses] équipes".
En réponse, Laurène Daycard a égrené plusieurs mesures possibles : une campagne d'affichage, la sensibilisation des agents à ce type de risque, la création d'un registre dans chaque piscine pour collecter les signalements et un dépôt de plainte systématique dès lors qu'il y a signalement. Un travail sur "une future campagne d'affichage" est en train de s'organiser, affirme Karim Ziady, mais elle "ne pourra pas se faire dans l'immédiat pour des raisons de processus administratif".
Contactée, la ville de Paris confirme le déploiement de ce dispositif et "condamne avec la plus grande fermeté les faits qui se sont déroulés dans la piscine Hermant", précisant avoir "pris connaissance des témoignages d'autres personnes victimes". Elle entend leur apporter son soutien "en renforçant" les moyens "de prévention et d'action sur ce sujet". Pour ce faire, la ville annonce vouloir mener une "inspection dans toutes ses piscines" afin de "régler les éventuels problèmes de trous constatés dans les parois des vestiaires" et de "renforcer encore (...) la présence d'agents" dans les zones des cabines de déshabillage. "En cas de signalement, les agents sont tenus d'intervenir immédiatement et d'alerter les forces de l’ordre", rappelle-t-elle.
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