"Il m'a fallu plus de 30 ans pour libérer ma parole" : une étude inédite révèle que près de 4% des hommes disent avoir subi des violences sexuelles au cours de leur vie

L'Ined a exploité des dizaines de milliers de données, issues de la seule étude scientifique en France sur les violences datant de 2015, pour mieux comprendre ce phénomène et le tabou qui l'entoure.

Article rédigé par Valentin Dunate
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
3,9% des hommes disent avoir subi des violences sexuelles au cours de leur vie. (VALENTINO BELLONI / HANS LUCAS via AFP)
3,9% des hommes disent avoir subi des violences sexuelles au cours de leur vie. (VALENTINO BELLONI / HANS LUCAS via AFP)

C'est une première en France, une étude scientifique uniquement dédiée aux violences sexuelles envers les hommes vient d'être publiée. L'Institut national d'études démographiques (Ined) a exploité des dizaines de milliers de données (issue de la seule étude scientifique en France sur les violences qui date de 2015) pour mieux comprendre ce phénomène et le tabou qui l'entoure. 3,9% des hommes disent avoir subi des violences sexuelles au cours de leur vie, contre 14,5% pour les femmes, et 8 fois sur 10 ces violences sont commises sur des mineurs.

Les violences sexuelles envers les hommes s'étendent sur une période de vie beaucoup plus courte que chez les femmes. Ces violences sont commises quasiment à chaque fois par d'autres hommes, principalement avant 14 ans, dans la famille et l'entourage. "Moi, j'ai été victime de l'âge de 6 ans, jusqu'à 9 ans. Je suis complètement dans cette étude", raconte Laurent Boyer, fondateur de l'association "Les papillons blancs" qui lutte contre les violences faites aux enfants. "J'étais victime par mon frère qui avait 10 ans de plus que moi. Il m'a fallu plus de 30 ans pour libérer ma parole."

Un silence persistant

A l'adolescence, ces violences quittent l'espace familial pour se déplacer vers le milieu scolaire, les loisirs, les sports, comme en témoigne Adrien Borne, romancier. "J'ai été victime l'été 1993 d'un moniteur de colonie de vacances qui s'en est pris à moi tous les jours pendant une semaine dans ma chambre. Je rentre chez moi après cette colonie de vacances et je ne vais jamais raconter", confie-t-il.

"Je vais littéralement fermer la porte sur ce qu'il s'est passé pendant plus de 20 ans."

Adrien Borne

à franceinfo

Dans tous les cas, les hommes continuent à avoir des difficultés à nommer les violences sexuelles. C'est pour cela que Laurent Boyer a fondé son association. "Les victimes, on n'ose pas parler parce que l'on a cette peur inconsciente qu'il nous arrive quelque chose. En revanche, personne ne nous interdit d'écrire, c'est pour ça que j'ai créé cette association avec ce slogan, 'si tu ne peux pas le dire, écris-le', et on va ainsi installer des boîtes aux lettres papillons dans des écoles, des clubs de sport..."

Si l'essentiel est que les mots sortent, pour Adrien Borne, ni sa famille, ni ses enseignants ni ses camarades de classes n'ont permis cette libération de la parole. "Allez raconter à des copains, dans cette phase-là, qu'un homme s'en est pris à vous, c'est tout simplement impossible, en tout cas à l'époque pour moi", se souvient-il. Cette étude le dit clairement, les hommes sont donc souvent contraints au silence, et ce, même des années après.

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