"L'Allemagne n'a jamais vraiment commémoré la guerre de 14-18"
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Alors que la France lance le début des commémorations liées au centenaire de la Grande Guerre, francetv info s'intéresse au regard allemand porté sur ce conflit.
François Hollande lance, jeudi 7 novembre, les cérémonies du centenaire de la guerre de 1914-1918. L'occasion de s'interroger sur le regard que portent les Allemands sur ce conflit.
Francetv info a interrogé deux historiens : Wilfried Loth, professeur à l'université de Duisburg-Essen (Allemagne) et Nicolas Beaupré, maître de conférences à Clermont-Ferrand et spécialiste de la Grande Guerre et de l'Allemagne.
Francetv info : Commémore-t-on la Grande Guerre en Allemagne ?
Wilfried Loth : Il n’existe pas de commémoration officielle en Allemagne. La fin de la Grande Guerre reste associée à la défaite, même si celle-ci a été digérée depuis. En revanche, pour le centenaire, beaucoup de colloques et d’expositions sont prévues. Notamment des partenariats entre historiens français et allemands, qui gardent la même appréciation générale de ce conflit. On s’intéresse aux réalités de la guerre de 14-18, aux conditions de vie, aux conséquences techniques, matérielles et morales de cet événement.
Nicolas Beaupré : L'Allemagne n'a jamais vraiment commémoré cette guerre. Il y a juste un jour de deuil, le dimanche suivant le 11 novembre, pour les victimes de tous les conflits. Pour le centenaire, c’est surtout dans les Länder que vont s'organiser des expositions. Il y a aussi le succès de la collecte Europeana, qui en France comme en Allemagne vise à numériser les objets des particuliers liés à la Grande Guerre.
L'intérêt du public allemand pour cette période est réel, contrairement à ce qu'avancent plusieurs historiens anglo-saxons. Mais il y a une dimension moins émotionnelle qu'en France, un rapport plus distancié.
Quel regard porte la société allemande sur cette période de l'histoire ?
Wilfried Loth : On a eu une large discussion, dans les années 1960, sur les causes de la première guerre mondiale. La thèse de l’historien allemand Fritz Fischer a attribué la responsabilité de la Grande Guerre à l’Allemagne. Après de nombreux débats, la thèse fut acceptée, notamment au regard des actions diplomatiques du pays, même si pour de nombreux historiens, les autres puissances gardent également une part de responsabilité.
Cette année, le livre de l’historien australien Christopher Clark, Les Somnambules [Flammarion, 2013, voir cet article de La Croix] fait beaucoup de bruit chez nous. Car il repose de manière un peu provocante sur la thèse de la responsabilité partagée.
Nicolas Beaupré : De mon point de vue, Christopher Clark revient sur cette thèse de manière un peu contestable. Il noircit le tableau pour tenter d'apporter un éclairage nouveau sur le déclenchement de la guerre. Mais c'est intéressant de voir que le livre a beaucoup de succès outre-Rhin, comme si le public appréciait cette version qui "pardonne" aux Allemands, qui relativise les responsabilités. Cela leur permet de se dédouaner d’une forme de responsabilité sur la succession des catastrophes du XXe siècle, avec la montée des extrêmes dans l'entre-deux-guerres, qui va conduire l'Allemagne au nazisme.
Quels sont les enseignements que la société allemande retient de la première guerre mondiale ?
Wilfried Loth : Les leçons n'ont pas été tirées tout de suite après la seconde guerre mondiale, mais dans les années 1960-1970. On a alors considéré que la République de Weimar avait été minée par la défaite de 1918. Et on en a retenu la nécessité d'une surveillance accrue de la force militaire et des tendances militaristes, pour consolider la place des autorités politiques. La réflexion sur la Grande Guerre a aussi eu des conséquences sur le fonctionnement de l'Allemagne fédérale et sur l'enracinement de la démocratie dans la société.
Nicolas Beaupré : Dans les années 1920-1930, le ressentiment était très fort dans la population allemande, en raison de la défaite et du traité de Versailles, vu comme une humiliation. Aujourd’hui, ce n’est plus la problématique de la défaite qui occupe les esprits, mais bien plus la question du deuil et de la souffrance.
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