"Ce jour-là, j'ai cru mourir" : le voisin qui a tenté de sauver Chahinez Daoud de l'immolation raconte son face-à-face avec Mounir Boutaa

Le soir du féminicide, Gérard Van Cauwenberge a tenté de s'interposer, mais l'accusé a allumé le feu au corps de sa femme avant de le braquer avec son pistolet, l'empêchant d'agir. Le septuagénaire s'est constitué partie civile au procès.

Article rédigé par Clara Lainé
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Guillaume Sapata, l'avocat de Gérard Van Cauwenberge, et Julien Plouton, l'avocat des parents de Chahinez Daoud, se préparent pour procès le procès de Mounir Boutaa, à Bordeaux (Gironde), le 24 mars 2025. (FABIEN COTTEREAU / MAXPPP)
Guillaume Sapata, l'avocat de Gérard Van Cauwenberge, et Julien Plouton, l'avocat des parents de Chahinez Daoud, se préparent pour procès le procès de Mounir Boutaa, à Bordeaux (Gironde), le 24 mars 2025. (FABIEN COTTEREAU / MAXPPP)

"Je finirai les dernières années de ma vie avec ces images." Celles du corps de Chahinez Daoud en train de s'embraser et du pistolet de Mounir Boutaa braqué sur lui. Gérard Van Cauwenberge a 76 ans et il est venu raconter à la barre, mercredi 26 mars, cette soirée durant laquelle il s'est cru condamné au moment même où il a vu, pour la première fois de sa vie, quelqu'un mourir. Au troisième jour du procès de Mounir Boutaa, accusé d'avoir immolé sa femme, la cour a assisté au témoignage de cet homme aux cheveux blancs. Depuis lundi, il suit les débats, assis sur le banc des parties civiles.

Le 4 mai 2021, Gérard Van Cauwenberge est chez lui lorsque des cris, en langue étrangère, éclatent dans la rue. La dispute se solde par deux détonations. Il sort et découvre le corps d'une femme, la tête sur le caniveau. "Un homme, à côté, tenait un bidon et il lui déversait le liquide sur le corps", relate-t-il. D'abord "sidéré", il se ressaisit et décide de l'insulter pour le faire réagir. "J'ai eu beau le traiter de tous les noms, il ne m'a jamais regardé, il ne m'a jamais parlé." Alors, il se rapproche. Seulement quelques mètres à accomplir, mais c'est déjà trop. "Il sort le briquet, c'est parti tout de suite, elle a crié."

En repensant à la sensation de "chaleur" et à "l'odeur" de cette scène "terrible", la voix du vieil homme se brise. A ses pieds, Chahinez Daoud est en train de brûler vive et Mounir Boutaa le braque avec son pistolet.

"Ce jour-là, j'ai cru mourir, je le supplie, je me dis que je suis le prochain, je vais m'en prendre une."

Gérard Van Cauwenberge, partie civile

à la barre

Puis, aussi brutalement qu'il est apparu, l'agresseur s'éloigne, s'enfuit à petites foulées. Le retraité de La Poste reprend ses esprits. Il court jusqu'à son garage récupérer des couvertures. Quand il revient, le feu s'est affaibli, il ne s'élève plus qu'à une quinzaine de centimètres, selon son récit. La victime est allongée. Il distingue le mouvement de ses lèvres, fait part de son impression fugace qu'elle essaie encore de respirer. "J'ai mis une couverture, puis une deuxième, mais comme elle avait les bras écartés, je ne pouvais pas tout couvrir."

"Vous avez fait preuve d'un immense courage"

Les secours finissent par arriver, mais pour Gérard Van Cauwenberge, la nuit est loin d'être terminée. Lorsqu'il raconte son intervention aux forces de l'ordre, on lui demande de se rendre au commissariat central. "J'y suis allé, il était 22h30, j'en suis ressorti à 2h du matin." Le lendemain, il tente de reprendre un semblant de quotidien. Il part faire des courses, mais lorsqu'il repasse sur les lieux du drame, la scène lui revient. "Je ne pouvais pas marcher dessus, par respect." Le temps passe, mais les images restent. "Pendant des mois, je n'ai pas dormi, je cauchemardais", souffle-t-il.

"A l'époque, j'avais 72 ans, et il m'arrivait de pleurer comme un gamin dans mon lit."

Gérard Van Cauwenberge, partie civile

à la barre

Depuis le box des accusés, Mounir Boutaa lui présente ses excuses. "Je suis vraiment désolé", lâche celui qui se refuse à exprimer la moindre culpabilité vis-à-vis de la victime depuis le début du procès. Gérard Van Cauwenberge ne réagit pas. Lorsqu'on lui demande s'il se considère comme une victime, il balaie la question : "Quand je compare la situation [avec les parents de Chahinez Daoud], non". Julien Plouton, qui les représente, se lève ensuite et assène : "Il n'y a pas beaucoup de moments où on est mené dans la vie à se confronter à ce qu'on a au fond des tripes et ce jour-là, vous avez fait preuve d'un immense courage. Vous avez fait tout ce que vous pouviez faire, Monsieur." 

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