Témoignage Aide à mourir : "Est-ce que vous pensez que le malade aura envie d'appuyer sur la seringue ?", s'interroge une patiente qui a programmé sa fin de vie en Belgique

L'Assemblée nationale a approuvé, en première lecture mardi, la proposition de loi sur le droit à l'aide à mourir en consacrant le suicide assisté plutôt que l'euthanasie. Mais pour Dominique Pelletier, le texte voté ne va pas assez loin.

Article rédigé par Willy Moreau
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Un docteur tient une seringue contenant un produit à injecter pour pratiquer une euthanasie, en Belgique, le 1er février 2024. (SIMON WOHLFAHRT / AFP)
Un docteur tient une seringue contenant un produit à injecter pour pratiquer une euthanasie, en Belgique, le 1er février 2024. (SIMON WOHLFAHRT / AFP)

La France fait un pas de plus vers la légalisation du suicide assisté. Mardi 27 mai, les députés ont voté en première lecture la proposition de loi sur l'aide à mourir, avec 305 voix pour, 199 contre et 57 abstentions. Le texte doit désormais être examiné par le Sénat, certainement à partir de l'automne prochain. Des personnes directement concernées ont suivi avec attention le vote solennel à l'Assemblée nationale. C'est le cas de Dominique Pelletier, 83 ans : cette habitante de Roubaix, dans le Nord, a entamé un parcours pour une euthanasie en Belgique et elle n'est pas convaincue par le texte français.

Devant sa télévision, Dominique, atteinte d'un cancer généralisé, ne cache pas sa déception : "Il y en a beaucoup [qui votent] contre quand même." Elle pensait qu'il y allait avoir davantage de pour : "Oui, tout à fait, mais c'est tellement vague leur loi...", regrette la retraitée qui a un avis très tranché sur la fin de vie et défend l'euthanasie."C'est une piqûre. Après, vous vous endormez et vous ne vous réveillez plus, terminé", assure Dominique.

Dominique Pelletier, 83 ans, a entamé un parcours pour une euthanasie en Belgique. Elle n'est pas convaincue par le texte français. (WILLY MOREAU / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Dominique Pelletier, 83 ans, a entamé un parcours pour une euthanasie en Belgique. Elle n'est pas convaincue par le texte français. (WILLY MOREAU / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

En France, à l'inverse, les parlementaires ont retenu en priorité le suicide assisté, que le malade s'injecte lui-même la substance létale. "Pourtant, je suis costaud, mais je ne sais pas si j'aurais le courage, souligne Dominique. Ce n'est pas l'aide à mourir ça. Quand on en peut plus et tout ça, est-ce que vous pensez que le malade il aura envie de prendre sa potion? Est-ce qu'il aura envie d'appuyer sur la seringue ?"

"Quand on souffre, allez savoir"

Pendant près de deux heures, l'octogénaire suit les prises de parole des députés et s'agace souvent. "Certainement qu'elle n'a jamais vu souffrir autour d'elle. J'ai vu ma fille souffrir, J'ai vu ma sœur souffrir. J'ai vu mon mari souffrir. J'attendrai pas ça, j'attendrai pas ça." Car souffrir lui fait peur, elle qui, physiquement, paraît en bonne santé même si son état se dégrade.

Dominique acquiesce quand on parle soins palliatifs, "pour vous endormir, pour ne pas souffrir, parce que ça c'est clair", mais ils ne sont pas une fin en soi pour elle. "Pourquoi faire attendre alors que, ces personnes, on les met sous sédation ? Quand le produit ne fait plus effet, il faut refaire une piqûre. Pour moi, ça fait peur, c'est inhumain." Mais pour des personnes qui veulent rester en vie ? "C'est possible, c'est possible, admet-elle, mais quand on souffre, vous savez, allez savoir."

"Le jour où je ne saurai plus me gérer, je ne saurai plus m'occuper de ma maison, de mon jardin, de mes amis, de mes associations... Je me dirai 'là ma vieille, c'est le moment."

Dominique, atteinte d'un cancer généralisé

à franceinfo

Aujourd'hui, elle se dit très soulagée. Après s'être rapprochée de l'association Le Choix citoyen et du collectif de médecins Accompagner mon choix de fin de vie, Dominique a entamé des démarches en Belgique et désormais, son dossier est validé. Elle aimerait juste voir à quoi ressemblera le texte final, "mais je ne me fais pas d'illusion ce n'est pas pour demain", conclut-elle.

Fin de vie : le témoignage de Dominique, au micro de Willy Moreau

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