"Impatiente et un peu frustrée", la neurologue Servane Mouton s’inquiète du gel du plan gouvernemental sur les dangers des écrans pour les enfants

70 % des Français sont pour l’interdiction totale des écrans avant 6 ans, selon un sondage confidentiel pour Matignon. Un plan d’actions interministériel était prévu, mais semble aujourd'hui suspendu.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Servane Mouton (au centre) et Amine Benyamina (à droite), à leur arrivée avec les autres membres de la commission, à l'Élysée, le 30 avril 2024. (ALAIN JOCARD / AFP)
Servane Mouton (au centre) et Amine Benyamina (à droite), à leur arrivée avec les autres membres de la commission, à l'Élysée, le 30 avril 2024. (ALAIN JOCARD / AFP)

Servane Mouton, neurologue et coprésidente de la commission sur l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans, s'est dit mercredi 3 septembre sur franceinfo "impatiente et un peu frustrée" alors que le plan pour protéger les enfants des dangers des écrans avant 6 ans a été mis sur pause par l'exécutif. Selon les révélations de la Cellule investigation de Radio France, le projet a été repris en main par l'Elysée et est aujourd'hui en suspens, sans calendrier de reprise.

Le 29 avril dernier, des spécialistes publiaient dans Le Monde une tribune alarmante sur les risques liés aux écrans pour les moins de 6 ans. En amont, Matignon organisait le 3 avril une réunion interministérielle avec Servane Mouton et le professeur Amine Benyamina, psychiatre addictologue, coprésidents d’une commission d’experts. Leur rapport, remis à Emmanuel Macron en avril 2024, préconisait 29 mesures, dont l’interdiction totale des écrans avant 3 ans.

Un projet qui "semble être mis sous le tapis"

Malgré l’engagement présidentiel d’agir rapidement, le projet s’est enlisé après cette première réunion, selon la Cellule investigation de Radio France. "Ce rapport qui nous avait été demandé dans un délai extrêmement court, dans lequel il y avait eu plusieurs fois des engagements d’agir également extrêmement rapidement, semble être mis sous un tapis ou, en tout cas, de côté", déplore Servane Mouton.

"Après le 3 avril et cette réunion, il y a eu encore une réunion organisée par Madame Chappaz (ministre déléguée au Numérique) pour discuter de la sécurité des jeunes par rapport aux réseaux sociaux. Depuis, il n’y a pas eu d’échange avec les représentants des ministères ou de l’Élysée", explique la neurologue. Selon plusieurs sources auprès de la Cellule investigation de Radio France, l’Élysée a bien repris la main sur le dossier.

L'influence du lobby de la tech ?

Clara Chappaz, ministre déléguée au numérique, assure à Radio France que la campagne de communication décidée début avril est bien sur les rails. Une enquête de la Cellule investigation de Radio France avait révélé en juin comment le lobby de la Tech influence la décision publique via des laboratoires et chercheurs influents, dont certains membres de la commission d’experts réunie par l’Élysée. Ces derniers ont d’ailleurs plaidé pour éviter des mesures trop restrictives sur l’usage des écrans à l’école.

"Je ne peux qu’imaginer que dans un secteur où autant d’intérêts économiques et financiers sont en jeu, il est difficile que des pressions n’aient pas lieu sur les politiques, notamment pour limiter la régulation et toute mesure qui restreindrait leur business", explique Servane Mouton. Mais selon elle, il y a urgence : "La question des écrans est une question systémique et elle doit appeler aussi des réponses systémiques".

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