"Le climat scolaire s'est amélioré" : quel bilan pour le dispositif "portable en pause" au collège, que l'Education nationale veut généraliser à partir de la rentrée ?
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Si l'usage des téléphones dans l'établissement est déjà interdit aux collégiens depuis 2018, une centaine d'établissements ont déjà expérimenté une "pause numérique" consistant à isoler les appareils de l'arrivée au départ des élèves.
Vers des cartables sans portables ? Alors que les collégiens reprennent le chemin des classes, lundi 1er septembre, un dispositif prévoyant de les priver de leurs téléphones le temps des cours va être généralisé cette année, a fait savoir la ministre de l'Education nationale, Elisabeth Borne, lors de sa conférence de presse de rentrée. Ce plan baptisé "Portable en pause", parfois désigné sous le terme de "pause numérique", était déjà expérimenté dans une centaine d'établissements depuis un an. L'objectif n'est pas nouveau : ce dispositif complète et renforce en réalité la loi de 2018, qui avait déjà interdit l'usage du téléphone portable dans les collèges et à l'école, en prévoyant cette fois d'isoler physiquement les appareils pendant tout le temps de la vie scolaire. Les établissements devront choisir un moyen de les collecter et les conserver, puis la nouvelle organisation devra être inscrite dans le règlement intérieur.
Leur réflexion pourra s'appuyer sur l'expérience de la centaine d'établissements qui a ouvert la voie, lors de la dernière année scolaire, et testé différents systèmes pour neutraliser les téléphones portables de 32 000 élèves au total. Ainsi, le collège Arthur-Rimbaud de Latillé (Vienne) avait d'abord étudié l'hypothèse des casiers, avant de l'écarter pour des raisons de coût — estimé autour de 20 000 euros. Par ailleurs, "la collecte par un assistant d'éducation aurait été chronophage, tout en engageant ma responsabilité en cas de vols", ajoute le principal, Cyrille Savary, contacté par franceinfo. La solution des pochettes verrouillées s'est donc imposée, en concertation avec des élèves qui ont choisi le modèle, fabriqué en France dans un atelier d'insertion.
Une parenthèse bienvenue face aux écrans
La pochette est verrouillée et déverrouillée par un système aimanté, lors du passage sur une borne – d'autres modèles d'étuis permettent même de bloquer les ondes. Quoi qu'il en soit, il est alors impossible d'utiliser le téléphone avant de quitter le collège. Quelque 170 pochettes ont été commandées l'an passé et 150 vont suivre cette année, pour un coût unitaire de 7 euros, à la charge des familles. D'ailleurs, ce sont parfois les parents qu'il faut convaincre, explique le principal : "Certains m'ont dit que le téléphone de leur enfant permettait de le géolocaliser pendant la journée."
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"C'est une vraie révolution. Nous avons résolu 95% de nos problèmes", s'enthousiasme Cyrille Savary. "Auparavant, nous étions embêtés par dix téléphones par semaine. Là, si on en confisque dix dans l'année, c'est déjà beaucoup." Le principal explique également que ce verrouillage a permis de faire reculer la "consommation de vidéos" dans les toilettes. "Ce dispositif a amélioré le climat. Les assistants, les CPE et la direction n'ont plus ces soucis à gérer." En revanche, il n'a pas totalement bouleversé le déroulé des leçons : seuls 20% des enseignants interrogés dans le collège ont observé une amélioration de la sérénité en cours, concède le chef d'établissement.
A Saint-Thierry (Marne), le collège du Mont d'Hor a profité d'un contexte favorable, car les 500 élèves, demi-pensionnaires, disposaient déjà tous d'un casier individuel. Ils descendent de l'autocar par grappes d'une cinquantaine, plusieurs minutes avant le début des cours, et "le mouvement est donc assez fluide" pour déposer les téléphones, explique le principal, Sylvain Cailleteau. A ses yeux, l'expérimentation du dispositif n'a pas révolutionné le quotidien : "L'utilisation était déjà interdite depuis 2018, et les enseignants n'ont pas observé de changement sur le fonctionnement des cours ou même l'attitude des élèves." Les affaires de cyberharcèlement se jouent moins aux heures de cours que le soir, dans le secret des maisons.
Le ministère évoque des résultats encourageants
Sylvain Cailleteau, toutefois, observe des résultats probants lors des sorties scolaires et des séjours. "Les élèves ont pu passer trois ou quatre jours sans téléphone", notamment lors des transports collectifs. "Nous avons observé que les interactions sociales et leur écoute étaient en nette amélioration." Plus largement, cette nouvelle règle offre "une porte d'entrée" aux équipes "pour aborder ces problématiques d'exposition aux écrans" avec les élèves et leurs parents. Un enjeu important, car le principal observe chez certains jeunes une "addiction très claire" et une "consommation excessive des réseaux sociaux".
Un autre principal, à la tête d'un établissement de l'Indre, constate aussi une "diminution des vols de téléphones" depuis qu'ils passent la journée dans les casiers plutôt que dans les sacs, et davantage de "sérénité pour les élèves" au quotidien. "La majorité des parents et des enfants étaient satisfaits, selon nos enquêtes, explique-t-il. Et la vie scolaire n'a plus à courir après les portables le midi dans la cour."
Bienvenue ou non, la "pause numérique" ne commencera pas partout dès cette rentrée, car les collèges ne sont pas tous prêts. Un chef d'établissement d'Indre-et-Loire explique à franceinfo qu'il s'en tiendra d'abord à l'application stricte de l'interdiction de 2018 : "C'est un système qui fonctionne, hormis les parties de cache-cache qui donnent lieu à des punitions." La mise en place d'une collecte matinale des téléphones serait "probablement très chronophage, et il faudrait faire arriver les élèves en avance", craint-il notamment. "Il faudrait également envisager un poste de surveillant supplémentaire, ce qui me paraît complexe en termes de faisabilité". Enfin, le conseil départemental "nous a fait comprendre que le montant de l'investissement, plusieurs milliers d'euros pour des casiers, serait rédhibitoire."
Boîtes collectives, casiers individuels, pochettes... "La règle sera en vigueur dès la rentrée, mais tous les établissements ne seront pas équipés au départ et il faudra sans doute un peu de temps", concède un rectorat sous couvert d'anonymat. Pour le moment, le ministère de l'Education nationale demande simplement, pour la rentrée, d'entamer dans chaque collège "un dialogue avec l’ensemble des membres de la communauté éducative", avant la fin de l'année civile, pour définir les modalités du dispositif, qui pourront varier d'un établissement à l'autre.
L'expérimentation de l'an passé "a produit des effets positifs sur le climat scolaire, la concentration des élèves et le bien-être général dans les établissements l'ayant mise en place", revendique le ministère. Elle a également permis de réduire les signalements "de cyberharcèlement et d'incidents liés aux réseaux sociaux". Contacté par franceinfo, il n'a toutefois produit aucune donnée pour appuyer ces affirmations.
Un coût assumé par les départements
"Nous, syndicat, on ne voit pas pourquoi il faudrait aller plus loin que la loi de 2018", déclare à franceinfo Nicolas Bonnet, membre de l'exécutif national du SDPEN-Unsa, principal syndicat des personnels de direction de l'Education nationale. "Je n'ai aucun retour d'incident important ou de détournement de la loi actuelle, qui porte ses fruits." L'ancien principal évoque des "élèves qui essayaient de regarder leurs téléphones dans les toilettes, ou sous le bureau, mais simplement de manière ponctuelle." Il estime que le nouveau dispositif "va mettre en difficulté les personnels de direction", contraints d'organiser le système de prise en charge et de restitution des téléphones.
"Ce sujet est monté en épingle par le ministère, qui a voulu communiquer sur la pause numérique."
Nicolas Bonnet, membre de l'exécutif national du syndicat SDPEN-Unsaà franceinfo
Nicolas Bonnet évoque également le coût financier des casiers — l'organisation Départements de France l'avait évalué l'an passé à 125 millions d'euros à l'échelle du pays. Et ce, alors que "les conseils départementaux ont déjà fermé le robinet pour les projets d'accompagnement éducatif et pour la rénovation des locaux", pointe le représentant du SDPEN-Unsa.
Le sujet fait visiblement débat parmi les représentants des chefs d'établissement. Hugues Poirier, secrétaire général adjoint du syndicat Snupden-FSU, estime au contraire que le nouveau dispositif "répond à un réel besoin" car la simple interdiction du portable n'est pas toujours respectée. Ce chef d'établissement dans l'Essonne a ainsi dû organiser des conseils de discipline pour des élèves qui avaient enregistré des enseignants avec leurs téléphones. L'expérimentation de la collecte des portables à l'entrée du collège l'a convaincu : "J'étais sceptique, mais on arrive à fluidifier le dépôt et la récupération dans les boîtes, observe-t-il. Et cela fait du bien aux enfants de faire une pause numérique au sein des collèges."
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