Affaire Bétharram : François Bayrou a accordé 223 000 euros de subventions à l'établissement entre 1995 et 1999, selon Mediapart
Le Premier ministre présidait alors le département des Pyrénées-Atlantiques. Le site d'investigation révèle que l'attribution d'importantes sommes à l'établissement privé est contemporaine de certains signalements de violences, dont plusieurs témoins affirment qu'il était informé.
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"Interroger la responsabilité de l'Etat, notamment de François Bayrou, dans l'affaire Bétharram." C'est l'un des objectifs affichés par la commission d'enquête parlementaire sur les violences en milieu scolaire, selon son corapporteur, le député La France insoumise Paul Vannier, qui s'est exprimé sur BFMTV jeudi 13 mars, juste avant de se rendre au ministère de l'Education nationale pour saisir des pièces liées à ce dossier.
Cette première action de la commission, créée par l'Assemblée nationale dans le sillage des révélations sur des accusations violences physiques, d'agressions sexuelles et de viols s'étalant sur plusieurs décennies au collège-lycée Notre-Dame de Bétharram (Pyrénées-Atlantiques), puis dans d'autres établissements privés catholiques, survient au lendemain de la publication d'une nouvelle enquête de Mediapart. Le site d'investigation assure que l'actuel Premier ministre, dont plusieurs témoins affirment qu'il avait connaissance de certains faits de violence à Bétharram, a approuvé l'octroi de près d'un million de francs de subventions à l'établissement privé entre 1995 et 1999, en tant que président du conseil général du département. Le total des sommes votées équivaut à 223 000 euros aujourd'hui, selon l'Insee.
Trois versements votés par le département
Le site dit avoir consulté des documents de l'époque sur l'attribution de cette somme dans le cadre de trois subventions facultatives, qui ne sont pas liées aux financements que le département était tenu de verser à tous les établissements privés pour leurs frais de fonctionnement.
La première enveloppe, de 300 000 francs (73 000 euros), a été votée le 29 septembre 1995 par le conseil général des Pyrénées-Atlantiques, alors présidé par François Bayrou. Elle était supposée financer une "opération exceptionnelle de mise en sécurité", notamment la démolition et la reconstruction d'un bâtiment. Un document obtenu par Mediapart précise que l'aide pouvait être reconduite durant toute la durée de l'emprunt contracté pour les travaux, dans la limite de quinze ans, mais le site dit ignorer si elle l'a été.
En 1998, une nouvelle subvention de 299 655 francs (70 000 euros) a été allouée pour la rénovation de la cantine de l'établissement, toujours selon les archives consultées par Mediapart. Ce montant correspondait au plafond maximal autorisé par la loi et faisait de l'établissement Notre-Dame de Bétharram le collège privé bénéficiant de la subvention la plus importante dans le département cette année-là. En 1999, une troisième aide de 345 119 francs (80 000 euros) a de nouveau été accordée pour la suite des travaux de cette cantine, atteignant une nouvelle fois la limite légale.
Des sommes allouées malgré de premières affaires
Mediapart souligne que ces subventions ont été approuvées alors que des violences avaient déjà été signalées au sein de l'établissement. Des plaintes avaient été déposées contre des encadrants de Notre-Dame-de-Bétharram entre 1993 et 2013, rappelle le site. Et François Bayrou, dont plusieurs enfants ont été scolarisés dans l'établissement où son épouse a aussi enseigné le catéchisme, est mis en cause depuis début février par plusieurs témoignages affirmant qu'il était informé de certaines affaires.
Une ancienne professeure de mathématiques de l'établissement affirme ainsi l'avoir directement interpellé sur le sujet alors qu'il était ministre de l'Education nationale, lors d'un déplacement à Pau en 1995. En 1996, un surveillant avait été condamné pour une violente claque ayant percé le tympan d'un élève qui, selon son père, était dans la même classe qu'un fils de François Bayrou. L'affaire avait été relayée dans les médias nationaux et avait conduit ce dernier à diligenter une inspection, qui n'avait rien relevé d'anormal, mais dont l'auteur reconnaît aujourd'hui qu'elle "ne tient pas la route". Un mois plus tard, les archives du quotidien Sud Ouest rapportent que le ministre de l'Education national s'était même rendu sur place pour apporter son soutien à Notre-Dame de Bétharram, dénonçant des "attaques" ayant provoqué chez de nombreux "Béarnais (...) un sentiment douloureux et un sentiment d'injustice".
En mai 1998, un ancien directeur Notre-Dame de Bétharram, le père Carricart, avait été mis en examen pour viol. Le juge d'instruction chargé de l'affaire affirme en avoir discuté, à l'époque de l'affaire, avec François Bayrou. Cette procédure n'avait pas empêché le vote, un an plus tard, de la troisième subvention attribuée au collège-lycée, relève Mediapart.
François Bayrou sera "bien sûr" auditionné à l'Assemblée
Depuis le début des révélations, François Bayrou a toujours démenti avoir fermé les yeux ou être intervenu en faveur de l'établissement, et dénonce des "polémiques artificielles". "Une plainte en diffamation va être déposée", avait-il même affirmé dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale le 11 février.
S'il n'a pas encore réagi à l'enquête de Mediapart concernant les financements octroyés à l'établissement quand il présidait le conseil départemental, son bureau est cité dans l'article et assure que François Bayrou "n'a jamais été rapporteur" dans les dossiers financiers évoqués. La délibération votée en 1995 pour accorder la première subvention mentionne pourtant un "dossier de monsieur le président du conseil général", mais ses services assurent qu'il s'agit "d'une formule générique qui ouvre toutes les délibérations", et qu'elle ne signifie pas qu'il était à l'origine de cette proposition.
Egalement interrogés sur l'attribution de ces sommes par l'actuel Premier ministre alors que ses fils et son épouse étaient liés à l'établissement, ses services répondent que cette dernière "n'a jamais été 'enseignante' dans l'établissement. Elle a été contributrice bénévole une heure par semaine avec une de ses amies au CM2 pendant neuf mois".
La commission d'enquête de l'Assemblée nationale dispose de trois mois pour ses investigations. Dans un premier temps, elle auditionnera les victimes, puis l'administration, notamment de l'Education nationale, et enfin les responsables politiques, et pourra convoquer sous serment toute personne impliquée, y compris François Bayrou. Selon Fatiha Keloua Hachi (PS), la présidente de la commission, le Premier ministre sera "bien sûr" auditionné.
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