Le CV anonyme est-il vraiment efficace ?
Voté en 2006 et jamais appliqué, ce dispositif, dont le Conseil d'Etat a ordonné la mise en œuvre, serait moins concluant qu'espéré.
Huit ans après l'adoption de la loi, le Conseil d'Etat ressuscite le CV anonyme. Ce dispositif visant à lutter contre les discriminations à l'embauche, voté en 2006 et qui n'a jamais fait l'objet de décret d'application, va devoir être mis en œuvre. La plus haute juridiction administrative a jugé que "le délai raisonnable imparti" pour rendre le texte applicable était "dépassé". Mais le CV anonyme suscite aujourd'hui moins d'enthousiasme que lors de sa création. Décryptage.
Qu'est-ce qu'un CV anonyme ?
D'après l'article L1221-6 du Code du travail, "les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ou à un salarié ne peuvent avoir comme finalité que d'apprécier sa capacité à occuper l'emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé ou avec l'évaluation des aptitudes professionnelles. Le candidat à un emploi ou le salarié est tenu d'y répondre de bonne foi."
L'article 24 de la loi sur l'égalité des chances de 2006 ajoute : "Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, les informations mentionnées à l’article L1221-6 et communiquées par écrit par le candidat à l’emploi doivent être examinées dans des conditions préservant son anonymat. Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret."
En l'absence de décret, il n'existe pas de liste précise et légale d'infiormations à anonymiser. Selon l'association A compétence égale, citée par Cadreemploi.fr, les éléments évidents à gommer sont le nom, la photo, l'âge, l'adresse mais aussi les loisirs, qui peuvent "coller une étiquette". Attention aussi à l'adresse mail qui peut trahir votre nom, au message d'accueil de boîte vocale et aux langues parlées, précise l'association. Selon ZDnet, il faut aussi vérifier qu'aucune de ces informations n'est immédiatement disponible en ligne, sur les réseaux sociaux notamment.
Enfin, les candidats à l'embauche peuvent également effacer la date d'obtention de leur diplôme et autres indices permettant d'évaluer leur âge.
Comment les entreprises le gèrent-elles ?
Du côté des entreprises, la mise en œuvre de la loi de façon systématique nécessite une certaine organisation, soit pour anonymiser informatiquement les CV, soit pour éviter que la personne qui anonymise et celle qui recrute ne s'échangent les informations.
En 2006, L'Expansion avait interviewé deux patrons de PME ayant adopté le système : "Si mon entreprise reçoit mille CV par an, cela fait cinq CV à traiter par jour ouvré. Enlever la photo et effacer les mentions sujettes à discrimination prend quinze secondes par CV. Le travail d'anonymisation prend donc deux minutes par jour en moyenne, pas plus !" racontait celui de de Norsys, une société de services informatiques de 150 salariés. Il effaçait également les dates d'obtention des diplômes ainsi que toutes les expériences professionnelles antérieures à quinze ans.
Pourquoi ses effets sont-ils contrastés ?
Selon un comparatif effectué par le Sénat en 2009, la Belgique est le seul pays à avoir instauré une obligation de recourir au CV anonyme, depuis 2005, mais restreinte au service public. Ailleurs en Europe, le dispositif a été jugé trop peu efficace, notamment en Allemagne et en Espagne. "En Suisse, la tâche a été déclarée trop complexe par les entreprises et aux Pays-Bas, il a été conclu que la décision d'y recourir revenait à l'employeur", rapporte Le Figaro.
En France, une étude menée par le Centre de recherche en économie et statistique (Crest) et Pôle emploi entre novembre 2009 et novembre 2010 sur un millier d'entreprises a conclu que le CV anonyme luttait efficacement contre les discriminations liées au genre, mais pas contre celles liées à l'origine ethnique.
En effet, le CV anonyme se retourne même contre les candidats d'origine étrangère ou résidents de quartiers sensibles : avec un CV nominatif, ils ont une chance sur 10 d'obtenir un entretien, contre seulement une sur 22 avec un CV anonyme. Selon RFI, "les employeurs potentiels déclarent en effet que les CV anonymes nuisent à la confiance réciproque nécessaire à une embauche ; ils y voient aussi une atteinte à leur liberté de choix".
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