Enquête Mobilisation du 10 septembre : pas d’opération d’ingérence étrangère massive, mais des reprises "opportunistes" venues d’Iran, d’Algérie ou de Russie

Article rédigé par Simon Soubieux, Angélique Bouin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Illustration du message "Indignons nous, Bloquons tout", relayé sur les réseaux sociaux. (LP/OLIVIER ARANDEL / MAXPPP)
Illustration du message "Indignons nous, Bloquons tout", relayé sur les réseaux sociaux. (LP/OLIVIER ARANDEL / MAXPPP)

Des sources gouvernementales ont détecté des opérations venues de l'étranger, notamment d'Iran, pour amplifier l'appel à la mobilisation du 10 septembre. Ces opérations ont peu de retentissement à ce stade mais restent très surveillées.

"Nous n’avons pas détecté de campagne d'ingérence massive, d’ampleur et coordonnée" à l'approche de la mobilisation "Bloquons tout" du 10 septembre en France, explique à l’Agence de vérification de Radio France une source gouvernementale spécialisée dans le numérique. En revanche, selon la même source, des "reprises opportunistes" émergent via plusieurs modes opératoires informationnels étrangers. 

Des centaines de faux comptes, en particulier sur X, gravitent dans "l’écosystème iranien ou russe" et tentent d’amplifier certains hashtags populaires pour instrumentaliser un contexte domestique sensible, comme l'ont relevé les analystes du groupe français Projet Fox, spécialisés dans le renseignement numérique.

Des boucles de comptes X identifiées comme étant en provenance d'Iran

Une boucle de dizaines de faux comptes X intéresse en particulier les spécialistes. Très active, cette boucle relaie massivement depuis quelques mois les hashtags #10septembre2025, #MacronDémission ou encore #GouvernementDeTromperie.

Un de ces comptes, celui d'une jeune femme, Iva Mason, réactivé en avril dernier et suivi par plusieurs milliers de personnes, affiche une photo de profil générée par intelligence artificielle. Ce compte a été identifié par les services gouvernementaux comme étant un faux compte en provenance d’Iran. Sont également cités, au sein de la même boucle, les comptes X de Fleur Morel, Ana Blan ou encore Ava Lune. Ils sont eux aussi suivis par plusieurs milliers de personnes, et certains affichent exactement la même biographie, relayant également des messages appelant au blocus ou à la démission d’Emmanuel Macron.

Des comptes X, en provenance d'Iran, relaient des hashtags populaires pour tenter d'amplifier la mobilisation. (CAPTURES D'ECRAN / X)
Des comptes X, en provenance d'Iran, relaient des hashtags populaires pour tenter d'amplifier la mobilisation. (CAPTURES D'ECRAN / X)

Une source gouvernementale pointe également, auprès de l’Agence de vérification de Radio France, "des activités d’influence" exercées par certains nouveaux médias proches du pouvoir en Azerbaïdjan, en Russie, en Turquie, en Iran ou encore en Algérie, relayant particulièrement l’appel du 10 septembre.

L'Agence de vérification de Radio France a effectivement constaté que des médias en ligne proches du pouvoir, comme Caliber en Azerbaïdjan ou encore Alfadjr en Algérie, pointent ces derniers jours la très faible popularité d'Emmanuel Macron en France ou la possibilité d'un chaos dans le pays, à l’approche de la mobilisation. Sur le site internet du média algérien Alfadjr est notamment mis en avant une possibilité de "France assiégée" le 10 septembre, dans un pays menacé par "une mise sous tutelle du FMI" et où "la pauvreté a atteint son apogée". "Tout ce qui est exploitable est exploité", souligne une source gouvernementale, évoquant "des gens qui sont là pour fragmenter la société française". "Ce n’est pas de l’ingérence, c’est de l’influence, ça se traduit par des articles dénonçant la situation politique et évoquant le chaos en France".

Des médias en ligne azerbaidjanais et algériens, proches du pouvoir, accentuent l'idée d'un chaos à venir en France. (CAPTURES D'ECRAN / CALIBER.AZ / ALFADJR.DZ)
Des médias en ligne azerbaidjanais et algériens, proches du pouvoir, accentuent l'idée d'un chaos à venir en France. (CAPTURES D'ECRAN / CALIBER.AZ / ALFADJR.DZ)

Un mouvement essentiellement porté par des sphères françaises

Selon ces sources, le mouvement du 10 septembre reste avant tout un mouvement domestique, relayé sur les réseaux sociaux français par des comptes français, tels que "Les Essentiels", à l’initiative du premier appel au blocage le 21 mai dernier, ou via les centaines de boucles locales "Indignons Nous" sur Telegram et Signal. À la fin du mois d’août, la plateforme Visibrain, spécialisée dans l’analyse des tendances sur les réseaux sociaux, avait déjà dénoncé un phénomène d’"astroturfing", un processus de manipulation visant à diffuser massivement un message sur les réseaux sociaux pour influer sur le débat public.

Mais la plateforme notait que le phénomène est avant tout porté par des sphères françaises de militants issus de la gauche, voire de l’extrême gauche. Si des tentatives de reprises opportunistes venues de l’étranger existent, et sont sous haute surveillance des spécialistes, ont-elles une réelle conséquence sur l'ampleur de la mobilisation à venir ? "C'est une énorme question pour nous", assure un expert. "Un post avec un million de vues peut n’avoir aucun impact, alors qu'une centaine de vues par des groupes particuliers peut en avoir beaucoup". Avant d'ajouter : "À date, il n’y a pas une haute visibilité de ces tentatives, car notre sentiment est que la mobilisation est déjà devenue un sujet national, présent dans les médias en France. Ils ne vont pas mettre plus d’énergie à l’amplifier, car c’est déjà très présent dans le débat".

L’appel à la mobilisation du 10 septembre 2025, lancé par le collectif "Bloquons Tout", vise à "paralyser" la France. Né sur les réseaux sociaux, ce mouvement citoyen, soutenu par certains syndicats (CGT, SUD) et partis de gauche, prévoit grèves, blocages et manifestations dans plusieurs villes. Selon les renseignements territoriaux, 100 000 participants sont attendus et "des actions de blocages de sites ou d'emprises stratégiques dans le domaine des transports, de l'énergie ou encore de l'industrie de Défense" sont à prévoir.

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