Coup de chaise en pleine rue, suspect hospitalisé sous contrainte... Ce que l'on sait de l'agression d'un rabbin à Neuilly-sur-Seine

L'agression est survenue en pleine rue, à l'heure du déjeuner, dans le centre-ville de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Elie Lemmel, rabbin parisien sexagénaire, a été blessé au visage, vendredi 6 juin, frappé par un homme qui l'a attaqué avec une chaise. Le suspect, arrêté juste après l'agression, a été placé en garde en vue, puis hospitalisé après un examen psychiatrique. Les documents d'identité trouvés sur lui indiquent qu'il serait né dans le sud de la bande de Gaza et serait âgé de 28 ans. Cette attaque a suscité l'indignation de la communauté juive et du gouvernement, et ravivé la question des répercussions en France du conflit israélo-palestinien.

Le rabbin déjeunait en terrasse quand il a été frappé

"Au début, je pense que c'est tout simplement une cheminée qui vient de me tomber sur la tête, et puis j'entends : 'Arrêtez-le, arrêtez-le', et là, je comprends que je viens d'être victime d'une agression". Elie Lemmel, un rabbin parisien, déjeunait avec des amis à la terrasse d'un café de Neuilly-sur-Seine, vendredi, lorsqu'un homme, arrivé dans son dos, s'est saisi d'une chaise et lui a asséné un violent coup sur la tête, avant de prendre la fuite. "Je me retrouve par terre, saignant", raconte Elie Lemmel, qui salue la réactivité d'un serveur et de témoins "qui sont intervenus et l'ont attrapé". 

"Des passants, des commerçants et la police municipale, présentes sur place, ont immédiatement immobilisé et interpellé l'individu", a détaillé le maire de la ville, Jean-Christophe Fromantin, dans un communiqué publié sur le réseau social X. "On a beau déployer le maximum de moyens, l'agression isolée, erratique, imprévisible comme celle qui s'est produit inquiète, car elle est imparable", a-t-il plus tard déploré auprès de l'AFP. 

Le parquet a ouvert une enquête, confiée à la police judiciaire, pour "violences ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à huit jours (quatre jours), aggravées par le fait qu'elles auraient été commises à raison de la religion et avec arme par destination".

Le suspect est né dans la bande de Gaza, selon les papiers qu'il avait sur lui

Placé en garde à vue au commissariat de Neuilly-sur-Seine peu après midi, l'homme interpellé "a fait l'objet dans l'après-midi d'un examen psychiatrique imposant son placement en hospitalisation sous contrainte", a précisé le parquet à l'AFP dans la soirée. Le ministère public a par ailleurs précisé que, "selon les documents d'identité en langue allemande trouvés en sa possession", cet homme "serait né à Rafah", dans le sud de la bande de Gaza, "et serait âgé de 28 ans".

Le religieux a déjà été victime d'une agression quelques jours plus tôt à Deauville

Cette agression en pleine rue survient quelques jours après une première attaque similaire dont Elie Lemmel a été victime le 30 mai à Deauville (Calvados). Selon Ouest-France , qui cite la police, trois personnes "semblant alcoolisés" se sont adressées au rabbin "qui portait une kippa et circulait à pied" et l'un d'eux l'a frappé "au niveau du ventre". Le commandant David Hennequet a précisé au quotidien que les hommes s'exprimaient dans une langue que le rabbin ne comprenait pas, possiblement "une langue des pays de l'Est". Pour les retrouver, la procureure de la République de Lisieux, Delphine Mienniel, a ouvert une enquête "au titre de faits de violences sans incapacité de travail à raison de la religion".

La classe politique s'inquiète de la "radicalisation du débat public" autour d'Israël

"S'en prendre à une personne en raison de sa foi est une honte", a réagi le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, dénonçant sur X le caractère antisémite des faits. "Je veux dire à nos compatriotes de confession juive que nous sommes à leurs côtés", a-t-il écrit.

En marge d'un déplacement à Montpellier (Hérault), le Premier ministre a quant à lui déclaré qu'il s'agissait "clairement" d'une agression perpétrée "parce que la personne agressée était un rabbin", a déclaré François Bayrou, déplorant que "l'état de la société entraîne la radicalisation du débat public, et que l'un soutient l'autre".

Invitée de franceinfo samedi matin, la ministre déléguée à la Ville, Juliette Méadel, a ainsi estimé que l'agression de ce rabbin était "vraiment le signe d'une déréliction de la République", appelant à "intensifier les campagnes éducatives et les sanctions en même temps". Elle a rappelé le contexte de hausse des agressions antisémites en France depuis les attentats menés en Israël par le Hamas le 7 octobre 2023, et l'opération militaire sans précédent menée par l'armée israélienne depuis.

"Les juifs ne sont pas responsables de ce qu'il se passe en Israël", a réagi sur franceinfo le député Renaissance Mathieu Lefèvre, président du groupe d'amitié France-Israël à l'Assemblée nationale, qui a fustigé un antisémitisme qu'il juge "nourri par des forces politiques qui n'ont qu'une seule envie : exporter le conflit et faire des juifs de France les porte-parole de Benyamin Nétanyahou".

Des accusations qui visent régulièrement La France insoumise, qui les réfute et attribue l'entretien des discours antisémites à l'extrême droite. Vendredi, le coordinateur du parti, Manuel Bompard, a ainsi repartagé le message du député LFI Antoine Léaument apportant son "plein soutien" au rabbin Elie Lemmel. "La violence haineuse en raison de la religion réelle ou supposée n'a pas sa place en France", a-t-il écrit. L'agresseur "doit maintenant être jugé".

Les représentants des Juifs de France s'alarment de la "résurgence d'un antisémitisme décomplexé"

La victime elle-même s'en est inquiétée : "J'ai l'impression qu'on est face à (...) un délit de faciès et c'est bouleversant", a déclaré Elie Lemmel peu après les faits, sur BFMTV. "J'ai très peur que l'on soit dans un monde où les mots génèrent de plus en plus de maux", a-t-il ajouté. "Parfois les personnes utilisent un langage et des mots qui peuvent générer toutes sortes de réactions".

"Il y a une forme de libération, d'autorisation symbolique du passage à l'acte vis-à-vis des Juifs sur fond d'assignation à la question du Proche-Orient", a abondé le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), Yonathan Arfi, au micro de franceinfo. "L'assignation des juifs à répondre de ce qui se passe à 4 000 kilomètres devient permanente".

Il a ainsi pointé un contexte, depuis le 7-Octobre, de "résurgence d'un antisémitisme décomplexé (...) qui aujourd'hui s'attaque au visage le plus visible de la présence juive dans la société, à savoir un rabbin." "Un rabbin, c'est l'incarnation vivante du judaïsme. S'attaquer à un rabbin, c'est d'une certaine manière vouloir faire disparaître, faire taire les juifs", a-t-il déclaré. Comme il l'avait fait en mars, à la suite de l'agression du rabbin d’Orléans, le président du Crif a mis en cause en particulier le discours de La France insoumise, accusé de "stériliser notre débat public autour de la question de Gaza", dans "une démarche clientéliste de tendre notre débat public".

Le président du Consistoire central, Elie Korchia, a pour sa part réclamé sur CNews que "les actes antireligieux [entraînent] une tolérance zéro" de la part des autorités.