Santé mentale chez les adolescents : "Je suis frappée de la solitude de nos jeunes", lance Marie Rose Moro, pédopsychiatre
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Lundi 20 octobre, Marie Rose Moro, pédopsychiatre et directrice de la Maison de Solenn, était l'invitée du 11/13. Elle vient expliquer les chiffres inquiétants de santé mentale chez les jeunes.
Ce texte correspond à la retranscription d'une partie de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.
Flore Maréchal : La plupart des jeunes, on va le rappeler, vont bien, mais c'est vrai que le nombre de ceux qui vont mal augmente. On vient de le voir dans ce sujet. D'abord, comment l'expliquer ?
Marie Rose Moro : Oui, c'est un constat. Les parents, les professionnels, l'école, se rendent compte de cette augmentation progressive. Je crois qu'il faut préciser qu'il y a à la fois un sentiment de mal-être, mais ça, je pense qu'on peut beaucoup agir là-dessus sur le mal-être, mais c'est quelque chose de diffus et ce n'est pas une maladie. Disons qu'on ne donne pas les meilleures conditions à nos jeunes, qu'ils soient bébés, enfants, ados, pour grandir en sécurité. Être des adolescents heureux et demain des adultes heureux et actifs.
C'est depuis 2018 que ça a commencé à baisser, que ce mal-être s'est un peu ressenti et ça a empiré pendant les confinements successifs et la crise Covid un peu partout dans le monde.
Oui. Alors la crise Covid a fait un effet loupe. Elle nous a montré quelque chose qui avait commencé avant et qui a continué sur la même lancée : souffrance d'un côté et douleur, maladie psychique de l'autre. Ce n'est pas la même chose. Le mal-être et les pathologies, les dépressions, les envies de suicide...
Comment vous les distinguez ? Le mal-être et la dépression ?
Ça se distingue très bien. Dans l'un, vous avez des questions existentielles de tous les êtres en construction, et en particulier des adolescents dans cette phase presque terminale de la construction, même si on grandit un peu tout le temps. De l'autre, vous avez des symptômes, des douleurs et des maladies. C'est comme quand je suis un peu fatiguée, versus quand j'ai une fatigue parce que j'ai un cancer. On n'est pas du tout dans le même état d'esprit. Il faut agir sur les deux, parce que l'un est la prévention, mais la maladie, c'est là où on doit mettre des moyens, où on doit reconnaître une vraie dépression d'une simple crise d'adolescence. Comment on fait pour faire la différence ? Une des manières les plus simples, c'est de demander aux ados eux-mêmes. Eux savent juger leur niveau de souffrance. Ils savent reconnaître quelque chose qui les dépasse ou quelque chose qui est une sorte de mélancolie de l'adolescence. On se demande quel est le sens de la vie, comment je vais être mieux que mes parents, comment je vais faire mieux que ma sœur, mieux que mon frère, etc. Ce sont des questions comme ça. C'est la crise d'adolescence où on s'oppose, on n'est pas contents. Mais la maladie, c'est quand on ne peut pas se lever, on a mal partout, on est incapable de se concentrer, on a envie de mourir. Moi, ça, ça me désespère, l'envie de mourir. 15 à 20 % des adolescents ont eu des pensées suicidaires.
C'est en augmentation ces dernières années. Comment on l'explique ? C'est l'anxiété, c'est le chaos, l'incertitude politique, le flux de l'information, de savoir ce qui se passe dans le monde ? Elle est due à quoi, cette anxiété ?
Non, je ne crois pas. Éventuellement, ça contribue à un sentiment de mal-être, la guerre, l'écologie, etc. Mais non, la maladie, c'est une vulnérabilité. Je pense qu'on n'arrive pas assez bien à protéger le développement de nos enfants et nos adolescents et ensuite à les soigner. Parce que si on les soignait plus tôt et plus vite et plus efficacement, on n'aurait pas ça.
Regardez les chiffres qu'on vous montre sur France Info. 23 % des jeunes pensent ne pas prendre soin de leur santé mentale. C'est un chiffre assez élevé. Plus de la moitié des 18-24 ans ont déjà été affectés par un problème de santé mentale. On est quand même étonné de l'ampleur du phénomène.
Bien sûr, et moi aussi. Mais ça, c'est une enquête en population générale. Mais ce que je veux dire, ça, ce sont les adolescents qui ressentent un sentiment de mal-être. Ils ont le sentiment qu'ils ne s'occupent pas assez bien de leur sommeil, de leur nourriture, de leur temps libre, etc. Mais ce n'est pas de la maladie.
Les piliers d'une bonne santé mentale pour le tout-venant et surtout les adolescents, puisque vous avez rappelé que c'est une période de transition extrême avec de nombreux bouleversements physiques et sociétaux, il faut savoir s'intégrer. C'est aussi des premiers choix, des premiers choix d'orientation, des premiers choix identitaires, pour se construire. Alors, comment on fait justement pour se construire correctement ? Vous avez parlé du sommeil, l'alimentation aussi joue énormément. Comment on se construit correctement ?
Les choses essentielles pour ces êtres en développement que sont les bébés, les enfants, les adolescents, on a dit sommeil, on a dit alimentation... Tout ça, c'est très, très important. Mais la chose dont ils ont le plus besoin, c'est une atmosphère de sécurité et des liens. Ce sont les deux choses essentielles. Moi, je suis frappée de la solitude de nos adolescents. Ils sont dans des trajectoires de solitude. Même à l'école, ils ne sont pas avec leurs copains.
Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.
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