Psychiatrie : le Comité d'éthique réclame en urgence des moyens supplémentaires

Le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) lance une alerte sur l'état de la psychiatrie en France. Face à la hausse des demandes d'hospitalisation, l'allongement des délais d'attente ou le manque de personnel, il réclame une réponse politique rapide et concrète.

Article rédigé par Solenne Le Hen
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Un psychiatre montre son slogan "psy en grève" sur sa blouse, lors d'une manifestation pour dénoncer le manque de moyens alloués à la psychiatrie publique, le 29 novembre 2022. (JULIEN DE ROSA / AFP)
Un psychiatre montre son slogan "psy en grève" sur sa blouse, lors d'une manifestation pour dénoncer le manque de moyens alloués à la psychiatrie publique, le 29 novembre 2022. (JULIEN DE ROSA / AFP)

Le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) alerte lundi 27 janvier sur l'état de la psychiatrie : un manque de soignants, des bâtiments délabrés, des lits d'hospitalisation fermés, des délais d'attente allant jusqu'à 18 mois pour obtenir un rendez-vous avec un psychiatre. Alors que chaque année un peu moins de 10% des Français souffrent d'une dépression, il faut une réforme urgente, plaide le Comité d'éthique dans un nouvel avis.

Le constat, on le connaît déjà, estime le CCNE, des Assises de la psychiatrie se sont tenues, une vingtaine de rapports ont été rédigés ces dernières années. Tous décrivent dans le détail la crise dans laquelle est plongée la psychiatrie, constate le professeur Angèle Consoli, elle-même psychiatre à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. "Ce qui me frappe, c'est l'augmentation des demandes de consultation en urgence, des demandes d'hospitalisation, les listes d'attente et le fait qu'on ait des lits fermés, décrit-elle. Ça fait plus de 20 ans que je suis dans le service, c'est la première fois que je vois sur une période aussi longue autant de lits fermés, la difficulté à recruter des infirmiers. Ceux qui sont là sont des personnes engagées, mobilisées et qui aiment leur travail, malgré des conditions parfois difficiles et la difficulté qui commence à recruter des médecins."

Fini le constat, maintenant, il faut agir, il faut un plan pour la psychiatrie, estime le CCNE, dont est membre la neurologue Sophie Crozier. "Tout cela est dénoncé depuis une dizaine d'années et, c'est le paradoxe que souligne le CCNE, on est très étonné de l'absence d'action, de réponse politique forte pour soutenir le champ de la psychiatrie, déplore-t-elle. Il faut de l'action de façon urgente, pouvoir répondre là, maintenant, ici, tout de suite à la grave crise de la psychiatrie - c'est pour ça que le CCNE a utilisé le terme d'alerte - avec un plan pluriannuel, avec des moyens alloués qui répondent aux enjeux et aux besoins de santé psychique de la population."

Pas d'effets concrets malgré l'argent investi

Pourtant ces dernières années, les gouvernements successifs ont mis de l'argent sur la table pour la psychiatrie. Mais on n'en voit pas les effets concrets sur le terrain, regrette Sophie Crozier. Ces sommes sont largement insuffisantes, une réforme est nécessaire. "Si on a plus de monde aujourd'hui pour accueillir par exemple les enfants, c'est un vrai sujet car ce sont les adultes de demain, si vous avez un retard de prise en charge de six mois ou d'un an, ce qui est énorme dans la vie d'un enfant, ça va aboutir à des situations de crise beaucoup plus graves, à des prises en charge qui peuvent être davantage prolongées et beaucoup plus coûteuses pour la société. Si on regarde d'un point de vue collectif, évidemment que c'est un investissement essentiel aujourd'hui."

"Il faut absolument qu'on recrute des psychologues, des psychiatres, des psychomotriciens. Il faut qu'on ait des personnes auprès des patients en situation de souffrance psychique."

Sophie Crozier, neurologue membre du Comité d'éthique

à franceinfo

Le Comité d'éthique réclame en urgence des moyens pour un accès garanti aux soins psychiatriques sur tout le territoire et un accès digne. Il rappelle qu'aujourd'hui, 1 Français sur 5 est atteint de troubles psychiatriques au cours de sa vie, et que la France compte chaque jour 24 décès par suicide.

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