Suicides et harcèlement moral à l’hôpital public : une plainte visant trois ministres déposée devant la Cour de justice de la République

Cette plainte concerne Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Yannick Neuder, ministre de la Santé et de l'accès aux soins, et Élisabeth Borne, ministre de l'Éducation nationale mais aussi de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

Article rédigé par franceinfo
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Les soignants manifestent pour dénoncer leurs conditions de travail devant l'hôpital de Forez à Montbrison dans la Loire, le 5 décembre 2024. (SONIA BARCET / MAXPPP)
Les soignants manifestent pour dénoncer leurs conditions de travail devant l'hôpital de Forez à Montbrison dans la Loire, le 5 décembre 2024. (SONIA BARCET / MAXPPP)

Une plainte visant trois ministres a été déposée jeudi 10 avril devant la Cour de justice de la République, révèle, lundi 14 avril, France Inter en exclusivité avec le journal Le Monde. Les plaignants dénoncent le harcèlement qu'ils subissent au sein de l'hôpital pour certains, le suicide de leur proche soignant pour d'autres. Vingt plaignants se sont regroupés pour déposer cette plainte devant la Cour de Justice de la République, seule instance apte à juger des ministres pour des faits commis dans l’exercice de leurs fonctions.

Cette plainte pour "harcèlement moral, violences mortelles, homicide involontaire, et mise en péril de la personne", a été déposée jeudi 10 avril. Elle vise Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Yannick Neuder, ministre de la Santé et de l'accès aux soins, et Élisabeth Borne, ministre de l'Éducation nationale, mais aussi de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Elle est aussi en charge de l'enseignement de la médecine et a autorité disciplinaire sur les professeurs des universités praticiens hospitaliers (PU-PH).

Plusieurs cas de suicide

Les dossiers qui nourrissent cette plainte émanent d'infirmiers, de directeurs d'hôpitaux ou encore de la très prestigieuse catégorie des professeurs des universités praticiens hospitaliers (PU-PH). Certains dossiers sont portés par des ayants droit, car il y a eu plusieurs cas de suicides. Notamment une infirmière du centre hospitalier de Béziers qui a mis fin à ses jours en juin 2024, en laissant une lettre derrière elle, comme le raconte Sam, son mari. "Elle a fait ce geste pour protéger les autres infirmières, témoigne-t-il. Elle était confrontée à un planning déséquilibré, une surcharge de travail." Par ailleurs, cette infirmière "se sentait harcelée par son chef de service aussi", poursuit son mari. Trois mois plus tard, dans le même hôpital, un brancardier a mis fin à ses jours. Autre cas : celui d'un chef de pôle des urgences du groupement hospitalier de territoires (GHT) des Yvelines Nord, mort en septembre 2023, ou encore celui d'un infirmier du travail de l'Epsan, l'établissement public de santé Alsace nord de Brumath dans le Bas-Rhin, qui s'est pendu en janvier 2023.

"L'État instrumentalise le dévouement des personnels"

Christelle Mazza, l'avocate qui porte cette plainte, dénonce les conséquences de la gestion hospitalière. Elle évoque un harcèlement moral systémique et se base sur trois principes. "Il y a d'abord l’organisation de la désorganisation institutionnelle, avec des ministres qui changent tout le temps, de multiples réformes de l’hôpital", explique-t-elle. "On a un tel chaos que les agents ne savent plus à qui rendre des comptes, et cela dilue les responsabilités. Il y a aussi la prétendue doxa des contraintes budgétaires où l’on dit qu’il va falloir faire plus avec moins", regrette Christelle Mazza. "Et puis il y a évidemment la pression exercée sur les personnels, on écrase toute forme de dissidence. Et le système ne fonctionne que sur leur dévouement, le respect du patient et du serment d’Hippocrate, mais là où l’État est considérablement responsable, c’est d’instrumentaliser ce dévouement pour écraser et utiliser les personnels", dénonce l'avocate.

Pour avoir une chance d’aboutir, la plainte doit passer un premier filtre à la Cour de justice de la République, celui de la commission des requêtes. Elle étudiera la plainte le 19 juin prochain pour déterminer si elle part à l'instruction ou ne va pas plus loin. La réponse de cette commission est attendue à l'automne.

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