Pénurie de psychotropes en France : "Chaque mois, c'est la loterie, c'est catastrophique", alerte un psychiatre

Le Dr Michael Sikorav assure que des suicides ont lieu en raison de l'arrêt brutal de ces traitements essentiels, ou encore, des insomnies complètes.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Une quinzaine de tensions d'approvisionnement ou de ruptures de stock en médicaments psychotropes ont été signalées par l'ANSM depuis début janvier. (FIORA GARENZI / HANS LUCAS via AFP)
Une quinzaine de tensions d'approvisionnement ou de ruptures de stock en médicaments psychotropes ont été signalées par l'ANSM depuis début janvier. (FIORA GARENZI / HANS LUCAS via AFP)

"Chaque mois, c'est la loterie, c'est catastrophique", déplore le Dr Michael Sikorav, psychiatre libéral à Changé en Mayenne, invité de franceinfo lundi 23 juin, au sujet des fortes tensions et ruptures de stocks qui touchent les médicaments psychotropes. Alors que la santé mentale est "grande cause nationale" en 2025, une quinzaine de tensions d'approvisionnement ou de ruptures de stock en médicaments psychotropes ont été signalées par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) depuis début janvier.

Une situation intenable pour le psychiatre : "J'ai des patients qui ont décompensé, des patients qui ont terminé à l'hôpital psychiatrique. J'ai des patients qui appréhendent à chaque fois qu'ils vont à la pharmacie, de savoir s'il y a effectivement des bons traitements ou pas, et on n'a pas d'alternative". Le psychiatre évoque un "problème quotidien". Rien que ce lundi, il indique avoir eu trois patients qui n'étaient plus stables, faute de médicaments. "On sait que ce sont des médicaments qui ne doivent pas être arrêtés d'un coup", souligne-t-il, "et on connaît un peu le risque de problématiques suicidaires par exemple qui peut survenir quand le lithium est arrêté de façon brutale".

Suicides, insomnies...

Un arrêt qui a parfois des conséquences dramatiques, confie Michael Sikorav : "Il y a des suicides, il n'y a absolument aucun doute sur ça". L'arrêt brutal de médicaments psychotropes peut aussi conduire à des insomnies complètes. C'est le cas pour les patients privés de quétiapine, le "seul traitement dans le trouble bipolaire qui a l'autorisation de mise sur le marché en France", détaille le psychiatre. Atteint de trouble bipolaire de type 2, il a lui-même expérimenté la privation : "C'est à peine descriptible. Les gens sont les yeux grands ouverts pendant 8h, ils ne dorment pas".

Selon lui, la première cause de ces ruptures est le prix "extrêmement bas" imposé par la France sur ces traitements. "Dès qu'il y a des ruptures quelque part, on est dans les premiers touchés", ajoute le psychiatre. Autre raison de ces tensions en approvisionnement selon lui, le "manque de psychotropes de façon chronique" en France. "Il nous manque une trentaine, une quarantaine de médicaments qu'on peut avoir dans d'autres pays, mais auxquels on n'a pas accès en France parce qu'il y a une charge administrative énorme et parce que les prix sont imposés trop bas", explique-t-il.

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.