Témoignages "Les soignants ne sont pas forcément informés" : les arrêts de travail sans carence pour fausses couches sont très peu appliqués

La loi permettant d'être indemnisée dès le premier jour d'arrêt de travail après une fausse couche est peu appliquée. En France, 200 000 femmes sont concernées chaque année, une grossesse sur quatre se solde par une fausse couche.

Article rédigé par Solenne Le Hen
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Illustration d'un avis d'arrêt de travail. (RICHARD VILLALON / MAXPPP)
Illustration d'un avis d'arrêt de travail. (RICHARD VILLALON / MAXPPP)

C'est une loi qui devait améliorer la condition des femmes victimes de fausses couches. En 2024, le Parlement a adopté un texte supprimant les trois jours de carence pour un arrêt de travail consécutif à une fausse couche. Mais plus d'un an plus tard, cette loi n'est pas, ou peu appliquée. Par méconnaissance, les soignants remplissent très souvent le mauvais formulaire.

Après la fausse couche d'Elodie le mois dernier, le personnel des urgences de l'hôpital lui a rempli un arrêt de travail. Mais au lieu du formulaire spécifique lui permettant d'être indemnisée dès le premier jour, "ils n'avaient pas rempli le bon, explique-t-elle. C'était un avis d'arrêt de travail classique. Normalement, il doit y avoir marqué 'avis d'arrêt de travail sans carence'."

De nombreuses femmes concernées

Elle retourne à l'hôpital, afin de demander le bon formulaire. "On m'a dit : 'En fait on n'a que celui-là. La Sécu se débrouillera', poursuit-elle. C'est un peu 'débrouillez vous'." Résultat, le salaire d'Elodie ne lui a pas été versé pendant les trois premiers jours de son arrêt de travail.

FranceInfo a ainsi recueilli le témoignage d'une dizaine de jeunes femmes. Toutes racontent la même histoire. Ainsi, Léa, arrêtée en octobre par l'hôpital. Elle a dû se rendre ensuite chez son généraliste pour qu'il remplisse un nouvel un arrêt de travail. "Heureusement, je m’en suis rendu compte dès le lendemain donc je n’avais pas encore transmis le premier arrêt à la Sécu, explique-t-elle.

"J’avais trouvé ça fou, qu’aux urgences gynécologiques de l’hôpital, on ne sache pas quel formulaire utiliser."

Léa

à franceinfo

Sarah fait une cinquième fausse couche, fin septembre 2024. Elle est arrêtée deux jours. "En rentrant je m’aperçois que le formulaire Cerfa donné est le même que ceux reçus précédemment. J’appelle le cabinet d’obstétrique de ma clinique qui n’était pas au courant de la création d’un arrêt sans carence, ils doivent se renseigner. Ils me rappellent plus tard en me disant que je suis le premier arrêt de ce genre qu’ils font à l’hôpital, qu’ils ont cherché le bon Cerfa mais ça y est, ils me l’envoient", témoigne-t-elle. La carence lui sera finalement remboursée plusieurs mois plus tard. 

Mathilde Lemiesle, autrice de bande dessinée très active sur les réseaux sociaux sur le sujet des fausses couches est elle aussi contactée régulièrement par des jeunes femmes, qui racontent toujours cette même histoire. "Les soignants, je pense, ne sont pas forcément informés. Des patientes me disent : ce sont elles qui disent aux soignants quel formulaire utiliser", explique-t-elle avant de suggérer une campagne d'information de l'Assurance-maladie auprès des soignants.

"Déjà, on a l'injustice de perdre un bébé, et en plus on a l'injustice que nos droits ne soient pas appliqués", déplore Elodie. Elle essaie désormais de rétablir ses droits auprès de l'Assurance maladie qui reste, pour le moment, sourde à ses messages. "Et en plus il faut aller batailler, poursuit-elle. C'est un moment de vie où on n'a pas trop envie de batailler, on a juste envie que les choses puissent se faire, qu'on puisse se sentir portée, pouvoir se reposer un peu sur toute cette administration et en fait, on se retrouve très seule."

"Ça fait vraiment double injustice"

Élodie

à franceinfo

Batailler, c'est également le quotidien de Chloé, "en combat avec la Sécu depuis dix mois" pour se faire rembourser ses indemnités journalières : "Ce matin j'ai eu un énième rendez-vous téléphonique Sécu et la réponse est toujours la même 'ah bon, je n'ai pas la main, je vais voir avec le service concerné"", raconte-t-elle.

"J’aurais pu laisser tomber, ça m’a demandé de l’énergie dans un moment ou j’avais envie de tout sauf de me battre, mais par principe je trouvais ça important d’aller jusqu’au bout. "

Sarah

à franceinfo

Marie, quant à elle, avoue ne pas avoir eu la force de se battre, "prise dans [son] deuil et les conséquences physiques" d'une quatrième fausse couche. 

Contactée par franceinfo, l'Assurance maladie assure pourtant qu'une information a été faite aux professionnels de santé en 2024, lorsque la loi est entrée en vigueur.

La loi sur les arrêts de travail après une fausse couche peu appliquée

Lancez la conversation

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.