Moratoire sur les fermetures de maternité : "C'est de la démagogie pure", déplore Israël Nisand, ancien président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français

L'Assemblée nationale a approuvé, en première lecture jeudi, un moratoire de trois ans sur les fermetures de maternité. Le texte doit maintenant être examiné au Sénat.

Article rédigé par franceinfo
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Israël Nisand, gynécologue et obstétricien, en mars 2024. (ALEXIS CHRISTIAEN / MAXPPP)
Israël Nisand, gynécologue et obstétricien, en mars 2024. (ALEXIS CHRISTIAEN / MAXPPP)

Ce moratoire de trois ans est "une fort mauvaise idée", juge Israël Nisand, professeur émérite de gynécologie et ancien président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, invité, vendredi 16 mai sur France Inter. La veille au soir, l'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, une proposition de loi pour interdire les fermetures de maternité pendant trois ans, temps durant lequel un "état des lieux" sera réalisé sur les maternités pratiquant moins de mille accouchements par an. L'idée est de répondre à la hausse de la mortalité infantile en France, dont le taux est passé de 3,5 décès pour 1 000 enfants nés vivants en 2011, à 4,1 en 2024.

Le professeur émérite de gynécologie rappelle que "pour faire tourner une maternité, il faut un obstétricien, un pédiatre et un anesthésiste-réanimateur", or "pour des petites maternités, nous n'avons plus les moyens de mettre ces trois compétences indispensables autour des patientes en cas de complications". "Si on parle de la sécurité des femmes et des enfants, il faut regrouper les moyens dont nous disposons, plutôt que de les éparpiller", argumente Israël Nisand.

"Les maternités qui ont fermé, ont fermé faute de médecin, il ne suffit donc pas de décider qu'on ne ferme plus de maternité."

Israël Nisand, ancien président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français

sur France Inter

Depuis la fin des années 1970, près d'un millier de maternités en France ont fermé. Selon le professeur, la hausse de la mortalité infantile n'est cependant pas liée à ces fermetures des maternités, mais au manque de prise en charge à la naissance. "Il y a des endroits où il n'y a pas de pédiatres pour accueillir l'enfant quand il va mal. Je rappelle que 80 femmes décèdent en couches chaque année. Mais aujourd'hui, nos jeunes médecins veulent travailler en équipe, car quand on a une complication et qu'on est seul, c’est une catastrophe dans notre spécialité".

Israël Nisand est donc catégorique sur cette proposition de moratoire, défendue par le groupe Liot. "C'est de la démagogie pure ! Quand vous n'avez plus d'obstétricien, plus de pédiatre ou de réanimateur, vous avez beau mettre maternité sur le frontispice, c'est comme un décor de théâtre : ça ne veut rien dire !", fulmine-t-il.

Un accès aux soins difficile dans certaines régions

Quant à la question de l'éloignement des maternités, où certaines zones de France ne sont plus couvertes convenablement et les femmes doivent parfois faire plus de 45 minutes de voiture pour accoucher, il faut "réfléchir et faire à la main", au cas par cas "et non pas faire de la démagogie pour encore avoir le nom d'une ville sur un acte de naissance".

Il cite l'exemple des pays scandinaves, comme la Suède "qui ont des distances bien plus grandes que nous et qui se sont débrouillés" en mettant en place des transports adaptés, comme des hélicoptères ou des "hôtels hospitaliers" pour les femmes en attente de leur accouchement. Il pointe aussi la possibilité de programmer plus d'accouchements.

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