Episiotomie : des gynécologues contestent les chiffres de Marlène Schiappa
En affirmant devant la délégation aux Droits des femmes du Sénat que le taux d’épisiotomies lors des accouchements est de 75% en France, Marlène Schiappa s’est attirée les foudres des obstétriciens. Cette pratique, aux conséquences parfois lourdes, était la norme avant d’être progressivement écartée par les médecins.
Parce qu’elle est un symbole de l’accouchement médicalisé, l’épisiotomie n’est pas neutre. Contraction du latin "episio" (vulve) et "tomie" (section) cette pratique consiste à sectionner la paroi du vagin, la peau et les muscles superficiels du périnée afin d’agrandir l’orifice de la vulve. La secrétaire d’Etat à l’égalité femmes-hommes s’est récemment émue du recours trop important à l’épisiotomie, déclenchant la colère des obstétriciens, qui contestent ses chiffres et sa méthode.
Dans quelles circonstances est pratiquée l’épisiotomie ?
Deux cas peuvent justifier le recours à l’épisiotomie. Lorsque le médecin voit que l’oxygénation du cerveau du bébé est insuffisante, il peut décider d’accélérer l’accouchement grâce à ce geste chirurgical. Agrandir l’orifice permet de hâter la sortie de l’enfant.
Si le médecin sent que le périnée va se déchirer, l’épisiotomie permet de contrôler cette déchirure. La section chirurgicale sera en principe plus facile à réparer qu’une déchirure naturelle, bien que cela soit désormais contesté (voir plus bas).
Cette intervention est-elle risquée ?
"Quand vous faites un geste chirurgical, celui-ci peut se compliquer, explique le Dr Israël Nisand, Président du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens français (CNGOF). Il peut y avoir un saignement, une cicatrisation de mauvaise qualité, des douleurs séquellaires qui durent quelques mois." Les muscles autour des sphincters anaux et urinaires peuvent être atteints, ce qui risque de provoquer une incontinence.
Pour la femme, l’épisiotomie peut être très mal vécue, comme le raconte le témoignage de cette jeune mère dans un reportage du "Magazine de la santé" en 2014. De quoi expliquer les propos de Marlène Schiappa sur la "maltraitance" subie par les jeunes mères pendant l’accouchement. Des propos que réfute totalement le CNGOF dans une lettre ouverte publiée lundi 24 juillet : "La bientraitance envers les femmes est notre tâche quotidienne, malgré des gardes épuisantes et nonobstant nos prises de risques perpétuelles." Même levée de bouclier du côté de l’Ordre des médecins, qui regrette dans un communiqué que la secrétaire d’Etat ait visé une profession qui assure "dans une sécurité remarquable, plus de 800.000 naissances par an".
L’épisiotomie est-elle une pratique aussi courante que le dit la ministre ?
"En France, on a un taux d'épisiotomies à 75%, alors que l'OMS préconise d'être autour de 20-25%", affirmait la secrétaire d’Etat devant la délégation aux Droits des femmes du Sénat, citant une étude réalisée en 2013 auprès de 983 mères par l’association "Maman Travaille" qu’elle a fondée. Un chiffre largement contesté par les professionnels de l’accouchement. La dernière enquête périnatale, conduite par l’Inserm, faisait état d’épisiotomie dans 27% des cas, alors que le chiffre était de 55% en 1995, ce qui montre que la pratique est en nette diminution.
Presque 30%, c’est toujours bien plus qu’au Royaume-Uni (moins de 10%) ou au Danemark (moins de 5%). "Personne ne connaît les chiffres réels de la France en 2017, assure Israël Nisand. On aurait bien aimé qu’une nouvelle enquête périnatale soit menée en 2015 mais ça n’a pas été le cas." Lui assure que 5% des accouchements seulement donnent lieu à une épisiotomie dans son service, au CHU de Strasbourg. La maternité du CHU de Besançon a même réussi à ne pratiquer que 12 épisiotomies sur 3.000 naissances en 2016, preuve qu’il est possible de n’y recourir qu’en cas d’extrême urgence.
Existe-t-il des moyens d’éviter le recours à l’épisiotomie ?
L’épisiotomie est devenue une pratique courante en France à partir du moment où l’accouchement s’est médicalisé. Elle n’a pas été remise en question par les médecins avant 2005. "Plusieurs sociétés internationales, dont le CNGOF, ont repris la littérature internationale en disant que l’intérêt de l’épisiotomie était plus que modéré, explique le Dr Nisand. En 2010, on a même conseillé de ne plus en faire."
La solution de remplacement est simple : revenir à un accouchement plus naturel. "Il faut laisser les tissus se déchirer et se réparer ensuite, détaille le médecin. La déchirure naturelle semble moins difficile, moins gênante que la déchirure au ciseau." Elle se produit en effet selon "des plans physiologiques", alors qu’un coup de ciseau va venir sectionner la paroi du vagin de manière artificielle, ce qui peut compliquer la cicatrisation.
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