La consommation d'alcool ne baisse plus en France, une "déroute pour la santé publique"
C'est "le résultat d'un système politique qui se laisse influencer par un lobby extrêmement puissant", affirme Gérard Dubois, membre de l'Académie de médecine.
L'Académie nationale de médecine a appelé, lundi 29 avril, les pouvoirs publics à "prendre des mesures plus fortes" pour lutter contre les problèmes de santé liés à la consommation d'alcool qui ne baisse plus en France, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale. Le professeur Gérard Dubois, membre de l'Académie de médecine, professeur de santé publique, déplore mardi sur franceinfo "une déroute pour la santé publique."
franceinfo : Pourquoi parler de déroute aujourd'hui ?
Gérard Dubois : C'est une déroute pour la santé publique parce que la baisse de consommation était assez régulière, et déjà en 2012, l'Académie avait mis en garde en disant que l'on constatait un ralentissement de cette baisse qui, jusque-là, était régulière. C'est le résultat d'un système politique qui se laisse influencer par un lobby extrêmement puissant. Pourtant, l'alcool est la deuxième cause évitable de décès : 30 000 Français et 11 000 Françaises en meurent chaque année. L'alcool est aussi à l'origine de violences : 40% des violences faites aux femmes et enfants et un tiers des accidents de circulation. Et très peu savent que l'alcool est la première cause évitable de mortalité des 15 à 30 ans.
Quelles preuves avez-vous de cette pression du lobby alcoolier ?
On a un ministre de l'Agriculture qui ne cesse, dans ses interventions radio et télévisées, de dire que le vin n'est pas un alcool comme les autres. Je peux vous garantir que le foie est incapable de reconnaître si les molécules d'alcool qui lui arrivent proviennent du vin, de la bière, ou d'une autre boisson. Une lettre du président de la République à "Vin et société", qui est une société de lobbying en faveur du vin, pour dire que ce sont des acteurs crédibles de la prévention, c'est vraiment reconnaître que le loup puisse éduquer les moutons, et que ces moutons-là, il ne suffit pas de les tondre, mais qu'on peut aussi les dévorer. La ministre de la Santé, à chaque fois qu'elle essaye de répondre au ministre de l'Agriculture, finalement, le fait une fois et ne revient plus sur le sujet. Des parlementaires essayent actuellement de rétablir la consommation d'alcool dans les stades, ce qui est quand même un comble ! C'est oublier, il y a trente ans, le drame du stade du Heysel en Belgique [drame survenu en mai 1985 à Bruxelles, des grilles se sont effondrées sous les pressions de supporteurs], qui a tué des dizaines de personnes. Et nous avons l'exemple d'un fond que l'on a eu beaucoup de mal à créer, un fonds tabac, qui était sur une taxe sur la filière tabac, qui est étendue à l'ensemble des addictions, l'alcool notamment, et la filière alcool ne cotise rien pour alimenter ce fonds. Vous connaissez ce pictogramme qui recommande aux femmes enceintes de ne pas boire ? Ce pictogramme est tout petit, invisible, difficile à comprendre, et cela fait des années que le ministère de la Santé essaye d'obtenir une décision pour qu'il soit beaucoup plus visible.
Cela changerait-il la donne ?
Oui, totalement, parce qu'il faut vraiment, dans la société française, changer l'image de l'alcool. Ça ne veut pas dire que tout le monde doit être abstinent. Le repère de consommation, maintenant, est de dire qu'il ne faut pas dépasser dix verres par semaine, deux verres par jour, et ne pas consommer tous les jours. Tout le monde est d'accord maintenant pour avoir une action efficace, pour dire qu'il faut limiter la publicité, notamment qu'elle ne soit pas universelle à la radio et la télévision et ailleurs, et indiquer sur les contenants la quantité d'alcool. Le minimum est que les gens sachent au moins la quantité, pas seulement le degré. Une chose absolument extraordinaire que j'ai découverte il n'y a pas si longtemps est qu'il n'y a pas les mentions caloriques des boissons alcooliques. Or, un verre de vin, de bière, ce sont 70 calories, c'est particulièrement dissuasif pour ceux qui veulent garder la ligne (...) Nous avons la taxation des boissons alcooliques : ça fonctionne dans tous les pays. Ça ne veut pas dire que les sommes doivent être énormes, mais le vin est pratiquement exempté, c'est une toute petite taxe ridicule. Une taxe sur les boissons alcooliques au gramme d'alcool serait déjà un progrès.
À regarder
-
"Qu’on rende universelle l'abolition de la peine de mort !"
-
Guerre à Gaza : Donald Trump annonce qu'Israël et le Hamas ont accepté la première phase de son plan
-
Les "MedBeds, ces lits médicalisés qui affolent les complotistes
-
Robert Badinter : le discours qui a changé leur vie
-
Nouveau Premier ministre, retraites : les temps forts de l'interview de Sébastien Lecornu
-
Lennart Monterlos, détenu en Iran depuis juin, a été libéré
-
Charlie Dalin : sa course pour la vie
-
La mère de Cédric Jubillar se dit rongée par la culpabilité
-
Le convoi du président de l'Équateur attaqué par des manifestants
-
Le discours de Robert Badinter pour l’abolition de la peine de mort en 1981
-
Pourquoi les frais bancaires sont de plus en plus chers ?
-
Oui, en trois ans, le coût de la vie a bien augmenté !
-
Pas de Pronote dans ce collège
-
Robert Badinter : une vie de combats
-
Disparition dans l'Orne : la petite fille retrouvée saine et sauve
-
"L’antisémitisme est devenu une mode", déplore Delphine Horvilleur
-
"Une pensée de l'espoir" nécessaire pour Delphine Horvilleur
-
Ils ont le droit à l’IA en classe
-
"Il y a un monde politique qui est devenu dingue. Il est temps que ça s’arrête. Ça va rendre fou tout le monde"
-
Pouvoir d'achat : les conséquences d'une France sans budget
-
Emmanuel Macron : le président lâché par les siens
-
Sébastien Lecornu : "Les ministres (...) n'auront pas le droit à des indemnités"
-
7-octobre : la douleur des Israéliens
-
Élection presidentielle anticipée ? La réponse de B. Retailleau
-
Tirs de kalachnikov : la balle frôle la tête d'une fillette
-
La dépénalisation de l'homosexualité, l'autre combat de Robert Badinter
-
Des mineures pr*stituées issues de l’ASE
-
Mistral AI : la pépite française qui défie les géants de l'IA
-
Il part à la chasse aux polluants
-
Dissolution, cohabitation... 5 scénarios pour sortir de la crise politique
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter