Drogue : les saisies de cocaïne en zone gendarmerie multipliées par 10 en deux ans

Les gendarmes ont intercepté 6,6 tonnes de cocaïne en 2024, contre environ 700 kg en 2022, des chiffres qui traduisent une forte augmentation des saisies ces deux dernières années.

Article rédigé par franceinfo, avec ICI
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
De la cocaïne saisie par la douane française, le 10 décembre 2018 à Caen (Calvados). (AFP PHOTO / DOUANE FRANCAISE)
De la cocaïne saisie par la douane française, le 10 décembre 2018 à Caen (Calvados). (AFP PHOTO / DOUANE FRANCAISE)

Les saisies de cocaïne en zone gendarmerie, composée de villes moyennes ou de territoires plus ruraux, ont fortemment augmenté en deux ans, selon des chiffres de la gendarmerie nationale, dévoilés en exclusivité mercredi 19 mars par "ici". Les gendarmes ont intercepté 6,6 tonnes de cocaïne en 2024 (dont deux tonnes au port du Havre, mais aussi des saisies conséquentes dans les Antilles ou encore sur le littoral du nord de la France), contre près de 700 kg en 2022.

Ces chiffres record montrent l'introduction massive de la drogue dans les villes moyennes et les campagnes reculées, un phénomène qui inquiète particulièrement les autorités. Pour Marie-Laure Pezant, porte-parole de la gendarmerie, cette augmentation massive des saisies en quelques années s'explique par "la démultiplication des zones dans lesquelles on peut trouver de la cocaïne", qui s'immisce désormais à la campagne. Le nombre de personnes mises en cause pour trafic de stupéfiants a fortement augmenté entre 2018 et 2024 dans certains départements comme le Gard, le Gers ou l'Aveyron, selon les données du ministère de l'Intérieur.

Les dealers, dans une logique commerciale, sont à la recherche de nouvelles parts de marché. "Dès lors qu'il y a un trafic qui a débuté très souvent dans des grosses communes, il y a une volonté de s'étendre et notamment sur les territoires ruraux", explique Didier Poulhazan, chargé de mission Sécurité, prévention de la délinquance à l'Association des maires de France.

De nouvelles formes de vente depuis la pandémie

Cette expansion des trafics dans toute la France est facilitée par de nouvelles formes de vente comme l'"ubérisation", c'est-à-dire des commandes réalisées par "messageries cryptées" pour "faire sa propre commande sur internet et se faire livrer avec de véritables livreurs qui sont payés à la course", selon le lieutenant-colonel de gendarmerie Charles Abadie. Une autre façon de se procurer de la drogue qui s'est développée avec le Covid-19. La pandémie "a remis en cause le modèle basé sur le point de deal fixe, le 'four', comme on dit, qui était trop visible, trop facile à surveiller", note Frédéric Ploquin, journaliste d'investigation auteur d'un livre sur le sujet. 

La hausse globale des saisies traduit également une mobilisation importante des forces de l'ordre pour démanteler les trafics, avance Frédéric Ploquin. Les dealers à la campagne, "la gendarmerie ne les a pas vus venir au début, puis elle s'y est mise et les chiffres des mis en cause ont mécaniquement augmenté", analyse le journaliste.

Les saisies d'ecstasy en hausse

En plus de la cocaïne, les saisies d'autres drogues sont en hausse. C'est le cas pour l'ecstasy par exemple. En 2020, en zone gendarmerie, 69 700 cachets d'ecstasy ont été saisis contre 2,2 millions en 2024. Un chiffre multiplié par 30 en quatre ans. En ce qui concerne le cannabis, les chiffres restent assez stables : 7,3 tonnes de cannabis ont été saisies en 2020, contre 7,8 tonnes en 2024. Un chiffre même en baisse si on le compare à ceux de 2022 et 2023 (respectivement 15,5 tonnes et 11,6 tonnes saisies). Concernant l'héroïne, 252 kg ont été saisis en 2020, un chiffre quasiment identique à 2024 (258 kg). 

Selon la porte-parole de la gendarmerie nationale, Marie-Laure Pezant, "depuis quelques années, il est constaté une hausse de la consommation de tous types de produits stupéfiants sur l'ensemble de la zone gendarmerie nationale", y compris dans des zones qui n'étaient pas autant concernées jusqu'à récemment. Parmi les raisons qui peuvent expliquer cela, "la fragmentation sociale, la désindustrialisation, la crise économique et, plus récemment, la crise sanitaire". Ces raisons "constituent par ailleurs un terreau favorable à la consommation de produits stupéfiants".

Par ailleurs, même si la cocaïne tend à devenir un stupéfiant de consommation courante, "avec un coût plus accessible et une image démocratisée car perçue comme un produit festif et dopant", le cannabis reste le premier produit stupéfiant en circulation, "très facilement disponible". À ce titre, "les espaces ruraux se révèlent propices à sa culture, à son commerce et à sa consommation".

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.