Accès aux soins : pourquoi les communes rurales sont-elles de plus en plus délaissées ?
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L'accès aux médecins généralistes a baissé dans toute la France entre 2022 et 2023, et les inégalités se sont creusées entre les communes. Les communes rurales, moins bien desservies, sont particulièrement touchées par ce phénomène.
"Tout le monde me demande quand un nouveau médecin va s'installer, mais pour le moment, personne ne veut venir…" Franck Petit, maire de la commune d'Alleyras (Haute-Loire), est désespéré. Son village de 150 habitants n'a plus de médecin généraliste depuis mi-2020. Ses administrés, majoritairement des personnes âgées, doivent faire plus de trente minutes de route pour aller consulter.
Le village figure parmi les territoires de France les plus durement touchés par le manque d'accès aux soins. Alors qu'un Français peut prétendre en moyenne à 3,3 consultations chez un généraliste par an, ce chiffre tombe à 2,1 dans les communes très rurales comme Alleyras, d'après les calculs effectués par franceinfo.
Ces données, publiées en décembre par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), révèlent que l'accès aux médecins généralistes a baissé de 1,4% sur tout le territoire entre 2022 et 2023. Au-delà de ce constat, des inégalités territoriales persistent : tandis qu'environ un quart des communes urbaines sont sous-dotées en généralistes, plus de la moitié des communes rurales sont concernées par ce phénomène.
Selon Franck Petit, les zones comme Alleyras sont d'autant moins attractives que les médecins qui s'y installent sont rapidement surchargés. "Le dentiste du coin travaille de 6 heures du matin à 22 heures, je ne sais pas comment il tient…", soupire le maire. L'ancien médecin du village s'est d'ailleurs arrêté pour cela : "Il était tout le temps sollicité par des voisins ou par des personnes des communes alentour", se souvient Franck Petit. Depuis, l'édile cherche en vain un remplaçant.
Les praticiens trop peu incités à s'installer en zones rurales
L'Assurance-maladie tente d'inciter l'installation des médecins en zones sous-denses en proposant des aides financières. Mais selon Julien Mousquès, chercheur à l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé, cela ne suffit pas : "Un médecin peut s'installer dans des zones plus concurrentielles tout en continuant à générer une activité et un revenu", explique-t-il à franceinfo. Pour lui, les médecins ont donc peu d'intérêt financier à s'installer dans des zones moins bien desservies.
Le chercheur estime dans un entretien à La Gazette des communes que pour lutter contre les déserts médicaux, la liberté d'installation dont jouissent les médecins généralistes devra être modifiée. Ce principe, qui permet aux généralistes de travailler où ils le souhaitent sans tenir compte du nombre de médecins déjà installés, ne s'applique pas à d'autres métiers du soin. Les infirmières sont ainsi davantage contrôlées lorsqu'elles choisissent leur lieu d'exercice et les dentistes n'ont plus le droit de s'installer dans les zones sur-dotées depuis le 1er janvier 2025.
Côté politique, le sujet est surveillé de près. "Nous entrons progressivement dans la décennie noire médicale", avait prévenu le sénateur Bruno Rojouan (LR) en novembre devant la commission en charge de l'aménagement du territoire et du développement durable. Il y présentait 38 propositions pour favoriser l'installation de généralistes dans les zones les moins bien desservies. Une proposition de loi pour lutter contre les déserts médicaux avait par ailleurs été déposée par un groupe transpartisan de députés en décembre, mais elle n'a pas encore été inscrite à l'ordre du jour pour 2025. De précédentes tentatives visant à limiter la liberté d'installation des généralistes ont été rejetées par l'Assemblée – la dernière en date remonte à juin 2023.
Le vieillissement de la population rend nécessaire un accompagnement accru
La question de l'accès aux soins dans les territoires ruraux n'est pas uniquement liée au lieu d'installation des médecins. La Drees souligne que le vieillissement de la population est un autre facteur décisif sur ce sujet. Avec l'âge, les patients doivent se rendre plus fréquemment chez le médecin pour suivre des pathologies spécifiques ou renouveler des ordonnances, par exemple. Les personnes de plus de 65 ans étant surreprésentées dans les territoires ruraux, il faudrait plus de médecins par personne dans ces zones pour assurer un accès aux soins correct.
Le nombre de soignants doit ainsi augmenter rapidement pour compenser la croissance de la population et son vieillissement. C'est le cas pour certaines professions médicales : le nombre de sages-femmes et de kinésithérapeutes qui exercent en libéral a, par exemple, fortement augmenté, améliorant l'accessibilité en 2023 et réduisant les disparités entre les mieux lotis et les moins bien lotis.
À l'inverse, l'accès aux médecins généralistes s'est dégradé entre 2022 et 2023 en raison de la baisse du nombre de praticiens libéraux. Une tendance qui s'explique par la popularité grandissante du salariat, selon le Conseil national de l'Ordre des médecins (document PDF), ainsi que par la politique de numerus clausus, qui fixait une limite sur le nombre d'étudiants admis en médecine, en vigueur jusqu'en 2020.
L'accès aux infirmières est aussi en baisse malgré une augmentation de leurs effectifs. "Si le nombre d'infirmières a crû plus rapidement que la population entre 2013 et 2021, la part des personnes âgées, qui sont les plus consommatrices de soins infirmiers, a, elle aussi, connu une forte hausse", explique la Drees dans un communiqué. L'organisation estime qu'il faudrait 32 900 nouvelles diplômées par an d'ici à 2050 pour maintenir le niveau actuel des soins, soit presque 8 000 diplômées de plus que la moyenne enregistrée entre 2013 et 2021.
Pour Julien Mousquès, les maisons de santé pluriprofessionnelles, qui regroupent plusieurs praticiens dans un même lieu, sont une solution prometteuse pour améliorer l'accès aux soins dans les communes les plus rurales. "C'est un mode d'exercice plus attractif pour les médecins. Cela permet de maîtriser la charge de travail, mais c'est aussi socialement plus agréable puisque l'on est plusieurs dans un même endroit", explique le chercheur. Le ministère de la Santé recense actuellement 2 650 maisons de santé en France. L'objectif est d'en avoir 4 000 sur le territoire d'ici à 2027.
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