Témoignage "Les gens ne savent pas, ne comprennent pas..." : un pompier en rémission du cancer raconte le mal-être des victimes de séquelles invisibles

Article rédigé par Anne-Laure Dagnet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Un pompier en rémission du cancer raconte la difficulté de faire face aux réflexions de ses collègues qui ne comprennent pas les séquelles invisibles et handicapantes, résultant de la maladie et surtout des traitements (photos d'illustration). (LOU BENOIST / AFP)
Un pompier en rémission du cancer raconte la difficulté de faire face aux réflexions de ses collègues qui ne comprennent pas les séquelles invisibles et handicapantes, résultant de la maladie et surtout des traitements (photos d'illustration). (LOU BENOIST / AFP)

En France, grâce aux nouveaux traitements, quatre millions de personnes survivent à un cancer. Mais pas forcément en bonne santé. Les séquelles ne sont pas toutes visibles et le malade se retrouve à faire face à l’incompréhension et aux reproches de son entourage.

Quand on arrive avec lui dans la caserne où vit Sébastien, il faut rester discret. Le pompier professionnel n'est pas bien vu par certains de ses collègues. "C'est compliqué. On ne sait pas trop quoi faire de moi, explique-t-il. Les gens ne me connaissent pas, ne savent pas, ne comprennent pas... Je ne peux pas faire certaines choses". Sébastien a été traité pour un lymphome B au thorax, un traitement de chimiothérapie intensif qui a laissé pas mal de traces plus de quatre ans après.

Et pourtant, en apparence, ce quinquagénaire apparaît en pleine forme : il est athlétique et participe régulièrement à des triathlons.

"On ne voyait pas sur moi que j’avais des séquelles."

Sébastien, pompier en rémission du cancer

à franceinfo

Pourtant, ces séquelles invisibles "sont nombreuses", confie Sébastien. "Ça commence par des acouphènes qui perturbent énormément l'équilibre. Dès qu'il y a trop de lumière, j'ai des migraines ophtalmiques. Il y a aussi le brouillard cérébral, c'est un truc cognitif. En fait, quand il y a trop d'informations qui arrivent dans le cerveau, on est submergé. J'ai eu des problèmes de mémorisation, de concentration et de réactivité", énumère-t-il. Difficile dans ces conditions de retourner en intervention avec ses collègues pompiers.

Des troubles "sous-estimés" par les médecins

La maladie, comme les traitements, ont des conséquences qui empêchent bien souvent de reprendre une vie normale et de retourner au travail, même des années après. Sébastien souffre de séquelles invisibles. "Ce sont des troubles qu'on a souvent sous-estimés nous, médecins, reconnaît l'oncologue Sylvie Murawa-Durand. C'est dû au traitement..." 

"Il va y avoir un stress oxydatif qui va toucher les petites racines nerveuses, aussi bien au niveau cérébral que dans le reste du corps. Ça va entraîner la mort cellulaire des neurones."

Sylvie Murawa-Durand, oncologue

à franceinfo

Et comme ces séquelles ne se voient pas, l'entourage a souvent du mal à comprendre les difficultés de ces survivants. "Quand je suis revenu, les gens étaient mal à l'aise, raconte Sébastien. J'ai eu des réflexions : pourquoi tu ne montes pas dans les camions ? Pourquoi tu ne fais pas 24 heures alors que tu fais des grosses séances de taré ? Ces 'grosses séances', c'est courir cinq kilomètres... Pour un pompier, c'est le minimum, on va dire. Ou encore ce genre de chose : "Il faut qu'il arrête de se cacher derrière la maladie. Ça fait trois ans !'... Quand vous entendez ça, c'est choquant en fait".

Avec de la rééducation, 80% des personnes qui souffrent de ces séquelles invisibles retrouvent leurs fonctions cognitives mais ça prend parfois du temps. Cinq ans après un cancer, un survivant sur deux n'a pas réussi à reprendre son travail. C'est l'une des raisons pour lesquelles la Ligue contre le cancer a adressé mardi 4 février une lettre au président de la République, que franceinfo a pu consulter. Elle y souligne l'urgence "d'agir contre les inégalités face à la maladie", à l'occasion de la journée mondiale contre le cancer.

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