Lait infantile contaminé : "Je n'ai pas l'impression que l'Etat soit du côté des victimes", dénonce un parent
Devant le Sénat, Patrick Dehaumont, directeur général de l'alimentation, a révélé que Lactalis avait omis de lui transmettre plusieurs contrôles positifs à la salmonelle en 2009 et 2014 sur le site de Craon, et en 2011 sur des produits. Contacté par franceinfo, Quentin Guillemain, président de l'Association des familles victimes du lait contaminé aux salmonelles, fait part de sa colère.
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Il a lâché cette petite bombe au détour d'une audition au Sénat. Le directeur général de l'alimentation, Patrick Dehaumont, a révélé, mardi 13 février, que Lactalis, l'entreprise au cœur du scandale du lait infantile contaminé, n'avait pas transmis aux inspecteurs des services sanitaires les résultats d'autocontrôles positifs à la salmonelle de son usine de Craon (Mayenne) en 2009 et sur des produits en 2011. Une information qui a fait bondir Quentin Guillemain, président de l'Association des familles victimes du lait contaminé aux salmonelles. Il confie sa colère contre l'entreprise et l'Etat à franceinfo.
Franceinfo : comment avez-vous réagi lorsque vous avez découvert la déclaration de Patrick Dehaumont ?
Quentin Guillemain : Nous sommes estomaqués. Nous découvrons cela au détour d’une audition au Sénat alors que nous avons rencontré ce monsieur et ses équipes. Jamais rien ne nous a été dit sur ce point-là alors que nous lui avions posé la question. Comment cela se fait-il qu'il déclare cela maintenant ? Nous avons l’impression qu’on nous a dissimulé ces informations.
Lactalis ment et manipule en permanence. Lorsqu'Emmanuel Besnier donne une interview dans la presse, il ne parle pas de cela [le PDG de Lactalis avait évoqué la découverte de salmonelle "dans l'environnement de l'usine", sans préciser la date, ni évoquer le contrôle positif sur des produits en 2011]. Tout cela montre que l’entreprise savait. C’est quand même extrêmement grave. Nous avons également appris cette semaine que des produits rappelés avaient été remis en rayon [la grande distribution a regretté devant le Sénat des "défaillances humaines"]. J'ai également lu dans Le Canard enchaîné du 7 février qu'avant le scandale, l'Etat n'effectuait aucun contrôle pour repérer les salmonelles dans le lait infantile. Nous découvrons que le sujet est encore plus grave que ce qu’on pouvait l’imaginer.
Selon la loi, Lactalis n'était pas tenu de transmettre les autocontrôles d'environnement (murs, parquet ou outils de l'usine) à l'Etat. Souhaitez-vous une évolution législative ?
Nous avions lancé une pétition fin décembre pour la transparence totale sur les autocontrôles et les contrôles dans la production de produits infantiles. C'est incroyable que les industriels ne soient pas tenus de le faire à l’heure actuelle. S'il y a de la salmonelle dans l'environnement, il y a de fortes chances de la retrouver dans les produits. Mais, s'ils n'ont pas l’obligation d’informer l’Etat, ils doivent présenter ces contrôles en cas d'inspection. Que s’est-il passé ? Si les inspecteurs vont sur place et n’arrivent pas à voir ce qu’il se passe, c'est une faute très grave.
Avez-vous fait part de votre exaspération à la direction générale de l'alimentation ?
J’ai écrit à Monsieur Dehaumont, en lui demandant de nous donner des éléments chronologiques et en lui posant d'autres questions. Devant le Sénat, il a évoqué d'autres choses, en indiquant que plusieurs types de salmonelle [jusqu'ici, un seul type a été identifié, la salmonelle agona] avaient été retrouvés dans l'usine. Nous aimerions savoir lesquels, parce que lorsque nous recensions des cas de salmonellose, on nous répondait : "Etes-vous sûr que c'est le même type ?".
Plus généralement, ce que j'attends de l'Etat, c'est qu'il soit du côté des victimes. Pour le moment, nous avons l'impression que ce n'est pas le cas : il minore les choses, en étouffe d'autres. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a dit l'autre jour qu'elle s'attendait à trouver "des choses étonnantes chez Lactalis". Si elle sait quelque chose, qu'elle parle. Parce que là, nous découvrons les éléments au fur et à mesure.
Quelles relations avez-vous avec l'entreprise ?
Cela fait des semaines que nous leur demandons des entretiens, qu'ils ne nous répondent pas, tout en faisant de la communication. J'appelle au boycott des produits Lactalis. Comment peut-on avoir confiance en cette entreprise ? Elle dissimule des choses, manipule les gens, et l’Etat rentre dans son jeu. Au Sénat, j'ai croisé Michel Nalet, le porte-parole de Lactalis. Il m'a tourné le dos. Je lui ai posé des questions, il ne m'a pas répondu. Comment voulez-vous que nous retrouvions une forme de confiance vis-à-vis d’eux ?
Où en êtes-vous sur le plan judiciaire ?
Nous avons déposé 30 plaintes jeudi. Nous appelons les parents qui souhaitent agir en justice à nous contacter. Il est important que la justice se penche sur les faits parce qu'il y a des responsabilités un peu partout. Il va falloir établir les faits pour que nous puissions en tirer des conséquences. Pour le moment, je ne les vois pas bien arriver. L'ordre des pharmaciens a promis de sanctionner immédiatement ses membres qui ont continué à vendre les produits incriminés. Mais l'Etat n'a pas donné les noms.
Pourquoi manque-t-on de transparence à ce point-là ? Il n'y a d'ailleurs aucune liste à jour sur les sites officiels de l'ensemble des produits retirés du marché. On nous renvoie sur le site de Lactalis. Est-ce normal ? Il y a également un manque d'information aux familles. Pendant des semaines, sur les numéros verts du gouvernement, certaines se sont vu répondre que leur lait n'était pas concerné. Mais elles ont découvert plus tard qu'on leur avait dit de continuer à donner un lait retiré du marché. C'est comme si on leur avait répondu : "Continuez à empoisonner vos enfants."
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